Il faut toutefois relativiser la hausse de la pénurie observée en Mauricie et au Centre-du-Québec: huit postes de plus, en équivalent temps complet (ETC), ont été autorisés pour le CIUSSS-MCQ. Plutôt que les 92 ETC autorisés l’an dernier, c’est plutôt à 100 postes de pharmaciens en établissement qu’aurait droit le CIUSSS-MCQ. Mais il en manque encore 28 sur la liste de paie. Impossible de savoir, pour le moment, si c’est la seule explication, mais cela pourrait avoir une influence notable sur le taux de postes à combler annoncé par l’Association des pharmaciens en établissement de santé (A.P.E.S.), jeudi.
Conséquences de la pénurie
Pour les patients, cela signifie moins de services spécialisés en pharmaceutiques pour déceler des interactions médicamenteuses ou des effets secondaires qui pourraient causer ou aggraver des problèmes de santé, explique François Paradis, président de l’A.P.E.S. Pour les médecins, c’est un spécialiste de moins à qui se référer dans une équipe interdisciplinaire de soins lors de la prise charge des patients.
«C’est quand même très préoccupant», indique François Paradis, au sujet du haut taux d’inoccupation des postes dans le CIUSSS-MCQ. Cette pénurie affecte autant les CHSLD que les soins de courte durée, comme les soins psychiatriques, l’hémodialyse ou la prise en charge de patients à l’urgence, où de nombreux besoins ne sont pas couverts. En situation de pénurie, la pharmacopée très spécialisée utilisée en chimiothérapie est, quant à elle, sur la liste des priorités.
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Il en manque 1 sur 4
Alors qu’à l’échelle de la province un poste sur cinq est à combler en moyenne, c’est un peu plus d’un sur quatre dans les établissements de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Selon François Paradis, cette pénurie se fait sentir dans des proportions similaires dans les diverses régions du Québec, si on excepte les grands centres que sont Québec et Montréal. C’est aussi là que se trouvent les facultés universitaires qui offrent le programme de maîtrise requis dans ces fonctions.
À l’A.P.E.S., on soutient qu’il n’y a pas de pénurie de pharmaciens au Québec; mais les quelque 17 % d’entre eux qui sont rattachés aux centres hospitaliers ou aux centres de soins de longue durée sont en sous-effectifs. Ces postes salariés dans le réseau de la santé exigent une formation supplémentaire — une maîtrise — par rapport à celle nécessaire aux pharmaciens salariés, dans les pharmacies de quartier. Et ce sont ces derniers qui tiennent le haut du pavé en termes de nombre d’effectifs, sur les quelque 10 000 pharmaciens qualifiés au Québec.
Efforts de recrutement
Du côté du CIUSSS-MCQ, on indique que depuis la collecte de ces données faite par l'A.P.E.S., soit depuis l'été 2021, 11 nouveaux pharmaciens ont intégré les services de santé ou sont sur le point d'entrer en poste. «Dans le contexte du nombre limité de pharmaciens dans le réseau provincial ainsi que de finissants dans le domaine, de même que de congés et d’absences, l’ajout de ressource demeure un défi», admet toutefois Kellie Forand, agente d'information du CIUSSS-MCQ, dans une note écrite.
À défaut de pourvoir à la totalité des postes, les différents établissements de la région participent à un système d'entraide, de sorte que les territoires où le manque de main-d’œuvre est plus important peuvent compter sur le soutien de collègues d’autres territoires. À cet égard, le CIUSSS-MCQ se veut rassurant: «Malgré la pénurie, nous sommes en mesure d’assurer les services pharmaceutiques nécessaires pour les clientèles vulnérables, notamment en CHSLD, et de s’assurer d’un système de distribution efficace des médicaments.»
En former plus
Avec 280 postes non comblés dans la province, c’est une question de mathématique: «Il faudrait que le gouvernement et les facultés de pharmacie augmentent le nombre d’admissions à la maîtrise, pour qu’il y ait plus de finissants chaque année et réussir éventuellement à combler les postes à découvert», presse l’A.P.E.S.. Car le réseau universitaire n’ajoute que 90 à 100 nouveaux diplômés chaque année qualifiés pour la pharmaceutique en établissement de santé. En tenant compte de la pharmacopée de plus en plus complexe, des besoins grandissants du système et des postes qui s’ouvrent en conséquence, le rattrapage sera long.
Afin de faciliter l’acquisition de nouveaux talents, notamment en région, l’A.P.E.S. recommande que des blocs de cours soient offerts en téléenseignement par les facultés. Quant aux stages qui nécessitent une présence physique, ils peuvent être supervisés à Chicoutimi, Rimouski et Trois-Rivières, en plus de Montréal et Québec.
Valoriser la profession
La pénurie observée dans la plus récente enquête de l’A.P.E.S. n’est pas d’hier. Elle serait en partie attribuable, historiquement, aux écarts salariaux qui existaient entre le secteur public et le privé, chez les pharmaciens salariés, il y a déjà une vingtaine d’années. Ces écarts ayant été comblés, notamment avec le renouvellement de l’entente de travail entériné le 20 janvier dernier, il faut maintenant valoriser la profession pour y attirer plus de candidates et candidats.
«Notre travail en établissement de santé est relativement méconnu, même auprès des étudiants en pharmacie eux-mêmes», souligne François Paradis qui exerce la profession au sein du CIUSSS du Bas Saint-Laurent. C’est pourquoi l’A.P.E.S. souhaite que le gouvernement du Québec appuie les efforts de l’association pour faire connaître et valoriser la profession.
De plus en plus, les médecins et les pharmaciens travaillent en collaboration et ça commence très tôt dans leur formation.
Ainsi, un volet du travail des pharmaciens en établissement de santé consiste en la préparation et la vérification des médicaments qui doivent être administrés aux patients hospitalisés ou en clinique externe. L’autre volet consiste en la prise en charge des soins pharmaceutiques des patients, ce qui doit tenir compte de l’ensemble de la médication, de ses effets indésirables, des interactions possibles et de l’évolution de la pathologie. «Ainsi, le médecin peut se concentrer sur l’évaluation du patient et son diagnostic», illustre le pharmacien. C’est cette approche des soins directs donnés aux patients qui s’avère à souffrir le plus de la pénurie, mais qui est aussi la plus stimulante pour les spécialistes en pharmaceutique.
«Tout en visant à combler les besoins actuels, il faut aussi voir venir à moyen terme et considérer ceux que génèrent le vieillissement de la population, la multiplication des maladies chroniques et la construction de nouvelles infrastructures en santé, comme les maisons des aînés et alternatives ainsi que les nouveaux hôpitaux. Car on devra inévitablement créer des postes dans tous ces milieux pour répondre aux besoins croissants», fait valoir Linda Vaillant, pharmacienne et directrice générale de l’A.P.E.S.
Source des données publiées
L’enquête de l’A.P.E.S. est menée annuellement auprès des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec. Sur 40 départements, 37 ont participé à cette enquête en 2021, soit un taux de réponse de 92,5 %. L’enquête couvre l’exercice budgétaire des établissements de santé allant du 1er avril 2020 au 31 mars 2021.