Voilà comment le président-directeur général de FAB 3R, Yves Lacroix, décrit la situation qui prévaut actuellement à son usine de Trois-Rivières.
Et la livraison de projets est retardée, dit-il, par les délais d’approvisionnement de matériel brut en Amérique du Nord. À cela s’ajoute la pénurie de certaines commodités ou de métallurgie qui le force à «regarder carrément à des équivalences».
«Souvent, on a un vieux réflexe, de vieilles habitudes, que d’acheter à l’étranger pour une question de coûts, de main-d’oeuvre, de disponibilité, de rareté des intrants. Mais au cours des deux dernières années, on s’est rendu compte que la chaîne d’approvisionnement de nos entreprises est dans un état fragile, voire un cauchemar pour plusieurs», a-t-il lancé lors d’une webconférence organisée plus tôt cette semaine par les Manufacturiers de la Mauricie et du Centre-du-Québec et Innovation et Développement économique Trois-Rivières.
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C’est d’ailleurs à titre de président de ce dernier organisme qu’il a invité les entrepreneurs à revoir leurs paradigmes. «L’approvisionnement québécois devient attrayant. Ça peut être exigeant au départ, ça demande certainement une adaptation, mais au bout du compte, tout le monde y gagne», a avoué l’industriel.
Des propos grandement partagés par le vice-président, achat québécois et développement économique chez Investissement Québec, Stéphane Drouin, appelé à plaider la cause de l’approvisionnement québécois dans sa webconférence.
Depuis son entrée en poste l’an dernier, il a pour mission de sensibiliser les entreprises à augmenter leurs achats faits au Québec et pour celles qui ont des usines à l’étranger, à rapatrier leurs activités manufacturières pour produire localement.
Or, le manufacturier fait partie des secteurs priorisés pour, dit-il, «s’assurer que nos chaînes d’approvisionnement sont solides et que nos manufacturiers québécois achètent davantage au Québec».
À cela s’ajoutent les sciences de la vie, l’aérospatiale, les nouvelles technologies, les technologies propres et le transport électrique. «Dans votre région, entre autres, il y a beaucoup de développements dans la filière batterie», a souligné M. Drouin.
«On a vécu une tempête parfaite au niveau de l’approvisionnement. Il ne faut pas se leurrer, la crise d’approvisionnement était émergente. On la voyait venir déjà depuis deux, trois ans où on sentait que dès qu’il se passait un petit quelque chose, une tempête, un blocage ferroviaire, une grève au port, il y avait beaucoup de vulnérabilité dans la chaîne», a-t-il confié.
Évidemment, la pandémie est venue aggraver la situation, d’où l’augmentation «phénoménale» des coûts de transport par conteneur.
«Ce qui est encore pire, c’est l’imprévisibilité des livraisons, les délais qui augmentent. C’est de plus en plus difficile de prévoir notre production. On a beaucoup d’appels 911 d’entreprises qui sont mal prises parce que le conteneur est pris à Vancouver et ne savent pas quand il va arriver», raconte M. Drouin.
Et il donne l’exemple des secteurs clés comme l’aluminium et l’acier où les délais de livraison sont importants. «On travaille à résorber cette crise-là. On est en train de prévoir des investissements au Québec avec des joueurs importants pour augmenter la capacité de production dans ces secteurs-là», a-t-il fait savoir.
Selon lui, «c’est vraiment le temps de repenser nos chaînes d’approvisionnement».
«Comme gestionnaires d’entreprise, une de nos responsabilités, c’est de diminuer le risque et donc, de revoir nos chaînes d’approvisionnement. C’est investir dans la productivité pour contrer les enjeux de main-d’oeuvre qui vont continuer, mais c’est aussi investir dans le changement de nos chaînes d’approvisionnement pour se donner plus de sécurité en achetant au Québec», croit M. Drouin.
Ce qui lui fait dire que l’approvisionnement québécois devient plus attrayant que les importations. Surtout que des études ont démontré que plus de 20% des coûts d’importation sont ignorés dans la comparaison avec les coûts d’achat québécois.
Par exemple, un entrepreneur a été contraint de louer deux entrepôts de plus, étant obligé de surcommander pour protéger ses achats.
«Il double ses commandes, gèle du cash flow», fait-il remarquer, évoquant aussi les coûts de marges de crédit, d’entreposage et de transport.
Dans un autre cas, M. Drouin a été en mesure de trouver un fournisseur québécois qui était situé à 50 kilomètres de l’entreprise. «On leur a sauvé une fermeture temporaire par manque d’inventaire», se plaît-il à raconter.
Bref, dit-il, «c’est le temps de refaire vos calculs et de profiter de la valeur stratégique de l’achat québécois». Développer l’autonomie et la résilience de sa chaîne d’approvisionnement, générer des avantages stratégiques et de l’agilité opérationnelle, optimiser les bénéfices financiers, réduire son empreinte environnementale et avoir un impact sur l’essor économique, social et régional: voilà autant de raisons pour le faire.
Comment? Développer un réseau de fournisseurs de proximité, revoir ce qui est disponible ici, ramener une unité de production au Québec, voir au-delà de ce qui est disponible, explorer l’intérêt de fournisseurs québécois à fabriquer de nouveaux produits, à augmenter leur capacité ou à accroître leur productivité.
Et Investissement Québec est là pour soutenir les entreprises, avec un calculateur du coût des importations, un état de situation de la chaîne d’approvisionnement et de l’information sur les fournisseurs, produits, services et technologies du Québec. Des solutions de financement et de l’accompagnement stratégique sont aussi offerts.
«Si chaque entreprise achète davantage au Québec, chaque entreprise vend plus au Québec et ailleurs. Tout le monde y gagne de s’approvisionner au Québec. Et notre mesure de performance, c’est la substitution des importations», explique M. Drouin.
Finalement, le gouvernement du Québec vient d’annoncer la Stratégie gouvernementale des marchés publics qui vise justement à favoriser l’achat de biens et de services québécois.
Cela représente, à terme, une hausse de 1,5 milliard de dollars en achats québécois et une augmentation annuelle du produit intérieur brut réel du Québec de 420 millions de dollars.
C’est la ministre responsable de l’Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, qui en a dévoilé les grandes lignes, en compagnie de son adjoint parlementaire, Simon Allaire.