Porcheries de Saint-Adelphe: le projet mis sur pause

«Cette pause nous permettra de poursuivre nos recherches sur les technologies innovantes et responsables concernant l’épandage du lisier, une condition initiale pour la réalisation de ce projet, et bien sûr, de s’assurer que celui-ci puisse être expliqué dans tous ses aspects»

Le promoteur du controversé projet d’implantation d’une mégaporcherie totalisant 11 997 porcs à Saint-Adelphe en Mauricie et les entreprises associées ont décidé d’un commun accord lundi de reporter leur demande de permis de construction, qui devait être autorisée par le conseil municipal le 7 février prochain. Plusieurs citoyens ont soulevé dans les dernières semaines «des inquiétudes légitimes» à propos du projet, précise un communiqué de presse émanant de l’entreprise Patates Dolbec.


«Notre devoir comme entreprise responsable consiste à répondre à ces questions de manière satisfaisante et à obtenir un plus haut niveau d’acceptation sociale. Cette pause nous permettra de poursuivre nos recherches sur les technologies innovantes et responsables concernant l’épandage du lisier, une condition initiale pour la réalisation de ce projet, et bien sûr, de s’assurer que celui-ci puisse être expliqué dans tous ses aspects», affirme le directeur général de Patates Dolbec, Hugo D’Astous.

Ainsi, le dirigeant souhaite profiter de ce moment de recul pour former un comité de travail qui se penchera sur cette fameuse acceptabilité sociale. «On va se fixer des objectifs à atteindre, notamment en regard des impacts environnementaux potentiels et on va tenter de les atteindre», résume-t-il. 

Des représentants citoyens, des élus des municipalités concernées (Saint-Adelphe, Saint-Ubalde et Sainte-Anne-de-la-Pérade), un représentant de la MRC de Mékinac et de celle de la MRC de Portneuf, un expert en environnement indépendant et évidemment les promoteurs seront autour de la table dans ce comité qui réunira environ une dizaine de personnes. 



Hugo D'Astous, directeur général de Patates Dolbec, ne voit aucun empressement à précipiter les étapes dans ce projet et n’exclut pas l’éventualité d’arrêter le processus si le consensus ne venait pas. 

Mission: acceptabilité sociale

D’ailleurs, monsieur D’Astous ne voit aucun empressement à précipiter les étapes dans ce projet et n’exclut pas l’éventualité d’arrêter le processus si le consensus ne venait pas. «On est capable de voir les deux côtés de la médaille. On cherche des gens constructifs dans le comité pour obtenir une acceptabilité sociale. Peu importe si le projet est plus long à réaliser, il n’y a pas d’urgence pour nous.» Une rencontre est prévue la semaine prochaine pour valider la constitution de ce comité de travail.

Joint par Le Nouvelliste, le maire de la Municipalité Paul Labranche a été mis au fait de ce report en matinée lundi. Il se dit heureux de constater la création de ce comité, qui marque un pas dans le dossier.

Il y a une réflexion qui s’est faite et on pourra entendre les avis de tous. Cela démontre l’ouverture des promoteurs afin que leur projet soit bien compris de la population.

La séance du conseil municipal du 7 février prochain sera donc toujours l’occasion pour les élus de recevoir le rapport de la commission municipale (qui émettra des recommandations aux élus en lien avec les doléances des citoyens), mais il ne sera plus question d’autoriser les permis de construction pour les trois porcheries. «Pour la suite du processus, on va attendre une demande officielle par écrit des promoteurs», précise le maire Labranche. 

Revirement également du côté des citoyens préoccupés par le projet d’élevage porcin. «Je suis contente de l’ouverture de Dolbec, monsieur D’Astous est un homme parlable! On a pu échanger à une rencontre d’information virtuelle jeudi dernier. Il se montre lui aussi préoccupé par les risques environnementaux et on compte travailler ensemble pour atténuer les risques éventuels», mentionne Véronique Bégin, résidente de Saint-Adelphe et représentante pressentie au nouveau comité de travail sur les porcheries. Elle ajoute que son objectif premier si elle accède au comité reposera sur la protection des rivières du territoire et la question de l’approvisionnement en eau.

Des organismes en environnement réclament un BAPE

D’autres enjeux comme la contamination des sources d’eau potable de surface et souterraines à proximité par les nitrates contenus dans le lisier, des écoulements menant à la contamination en aval dans le bassin versant ou l’augmentation du risque d’éclosion de maladies transmissibles à l’humain ont été soulevés par des organismes comme Eau Secours et la Fondation Rivières, qui réclament toutes deux la tenue d’un BAPE entourant ce projet. Une lettre a été envoyée au bureau des ministres Charette (Environnement) et LeBel (Conseil du Trésor, Administration gouvernementale).

«Les mois qui viennent serviront à démontrer que les standards mis de l’avant dans la conception et la réalisation de ce projet dépassent les exigences réglementaires en vigueur au Québec et répondent aux inquiétudes du voisinage, comme cela s’est fait ailleurs au Québec», soutient quant à lui le directeur général du Regroupement porcin Olymel-Avantis, Marquis Roy, partenaire du projet, sur le report de ce projet qui fait jaser bien au-delà de la Mauricie.



«Ce projet-là, c’est nous qui allons pouvoir décider s’il a lieu, car le regroupement entre Olymel et Avantis doit se faire sur une de nos terres. Il nous faut vendre une terre, ce qui n’est pas fait», a affirmé Hugo D’Astous, directeur général de l’entreprise agricole. «Si c’est un projet qui ne trouve pas d’acceptabilité à Saint-Adelphe ou à Saint-Ubald, soyez assurés que ce n’est pas un projet qu’on va faire», a-t-il poursuivi.

Une pétition lancée en ligne

La pétition mise en ligne vise à recueillir des appuis pour réclamer une étude du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, et ce, avant que des permis de construction ne soient octroyés par la Municipalité à Culture Excel, qui les a demandés. «On veut avoir des réponses de scientifiques avant que les permis de construction soient donnés. On voudrait donc un délai supplémentaire pour avoir le temps de réfléchir à ça avec des scientifiques», mentionne Valérie Bégin, d’entrée de jeu. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a déjà dit non à une enquête du BAPE dans ce dossier, mais la pétition avait recueilli près de 1200 signatures jeudi soir.

«On veut donner de l’information sur les impacts des porcheries aux citoyens, mais aussi entendre leur avis sur la question. Depuis le début, on trouve que le délai est trop court pour un projet de cette ampleur. On vise à repousser le moment d’émettre le permis de construction aux promoteurs», indique Véronique Bégin, instigatrice de la rencontre. Elle déplore qu’aucun scientifique indépendant n’ait voulu «se mouiller» en partageant son avis sur la question lors de la rencontre.

Parmi les préoccupations exprimées par les citoyens, mais aussi par les villégiateurs et militants en environnement présents lors de cette rencontre, on note: l’approvisionnement en eau nécessaire à l’élevage ainsi qu’à la culture de maïs, la fuite de phosphore dans les cours d’eau des bassins versants des rivières Sainte-Anne et Batiscan, le va-et-vient nécessaire au transport du lisier de la porcherie aux terres de culture, les gaz à effets de serre produits au bénéfice d’un marché d’exportation de la viande, etc. Tout cela doit être soumis à des études scientifiques avant que le projet n’aille de l’avant, soutiennent les citoyens inquiets.

Aux personnes qui se sentent concernées par cette situation, Véronique Bégin les invite à soumettre leurs préoccupations avant le 7 février à la députée Sonia LeBel, au ministre de l’Environnement Benoît Charette, au maire de Saint-Adelphe Paul Labranche ou à son propre maire dans les municipalités environnantes.

Du côté de Patates Dolbec

Hugo D’Astous s’est présenté en disant ne pas être là pour convaincre qui que ce soit qu’il s’agit d’un bon ou d’un mauvais projet. «En premier, je veux dire que chez Patates Dolbec, on essaie de travailler avec toute la communauté», affirme-t-il, déplorant que personne n’ait pris le téléphone pour parler avec les responsables de l’entreprise, au milieu du processus de consultation dirigé par la Municipalité de Saint-Adelphe. «Prenez le temps de nous appeler.»



Affirmant avoir peu à gagner dans ce projet, le directeur général explique la motivation de Patates Dolbec par la conversion d’utilisation d’engrais chimiques en engrais de source animale. Selon lui, le fait d’amener un engrais naturel dans les terres augmente la biodiversité et enrichit le sol, contrairement à un engrais chimique, bien qu’il y ait d’autres inconvénients à gérer. L’entreprise se dit aussi soucieuse de faire une agriculture plus respectueuse de l’environnement, voire éventuellement biologique, ce qui n’est pas possible avec l’utilisation d’engrais chimiques.

Concernant le transport du lisier qui affecterait surtout la Municipalité de Saint-Ubalde, on dit être en train de chercher une solution pour en minimiser l’impact, en diminuant l’intensité du transport. Cette solution n’est pas encore trouvée, mais on planche sur différents scénarios, dont la séparation du solide et du liquide. «Sachez que le projet n’est pas encore approuvé de notre côté parce que ça doit faire du sens d’un côté environnemental», affirme le directeur.

Ça ne sert à rien de vouloir faire un BAPE et de signer des pétitions, etc. Parlons-nous! Travaillons le dossier ouvertement et on prendra la décision ensemble.

Il suggère ainsi de créer un comité incluant les entreprises et des représentants des citoyens concernés, afin d’étudier les différents enjeux et de déterminer si le projet est acceptable ou non.

«Je suis très contente d’entendre ça, ça me fait vraiment chaud au cœur, ça me rassure de savoir que vous avez cette préoccupation environnementale», a lancé l’animatrice de la rencontre, Véronique Bégin, à l’issue de cette intervention de M. D’Astous.

Josée Petitclerc, responsable du marketing et de l’amélioration continue dans l’équipe de direction de Patates Dolbec, a aussi tendu une perche aux citoyens. «Des fois, les gens oublient qu’on vit ici, nous aussi. Notre village est important. On s’investit dans la communauté et on est des gens parlables», a-t-elle insisté à son tour, pour rassurer les personnes inquiètes de ce projet. «On ne fera pas quelque chose qui n’a pas de bon sens. On n’est pas pressés parce qu’il faut trouver tout ce qu’il faut pour mettre le projet “sur la coche”», a-t-elle précisé.

De son côté, Hugo D’Astous s’est engagé à communiquer avec toutes les parties concernées, incluant le maire de Saint-Adelphe, pour amorcer la conversation nécessaire en vue de prendre les décisions appropriées.

Le BAPE nécessaire

Simon Piotte, co-porte-parole de Québec Solidaire Mauricie, n’est toutefois pas entièrement rassuré devant la bonne foi de l’entreprise: «Moi, je pense que le BAPE est nécessaire pour un projet comme celui-là parce qu’il y a des questions auxquelles la discussion ne pourra pas répondre et qu’il faut aller au fond des choses.»



Pour lui, l’inconfort vient du fait que le projet d’élevage a été morcelé en trois, de manière à «contourner» les exigences d’un BAPE qui aurait été nécessaire, n’eût été cette manœuvre.

Une loi «imparfaite»?

De son côté, le maire Paul Labranche est conscient du battage médiatique entourant l’arrivée de ces trois porcheries. Questionné sur le refus du ministre de l’Environnement Benoît Charette de déclencher un BAPE ou encore sur l’apparent «contournement de la loi» des promoteurs comme le prétendent certains citoyens, l’élu répond que «c’est la loi qui est imparfaite!». Sur papier, le projet respecte la réglementation et les promoteurs sont dans leurs droits d’aller de l’avant. Il réitère que la Municipalité est sous la gouverne de Québec, qui dicte les Lois.

Avec la collaboration de Geneviève Beaulieu Veilleux