Plusieurs personnes m’ont envoyé cette question sous différentes formes depuis que le gouvernement a abaissé de 10 à 5 jours la durée de l’isolement que l’on doit observer après un test positif. Alors voyons un peu.
Il fait peu de doute qu’une proportion substantielle des gens infectés sont encore contagieux au bout de 5 jours après l’apparition des premiers symptômes. En fait, même les gouvernements qui ont raccourci la quarantaine le reconnaissent, ne serait-ce qu’implicitement, car ils ont tous ajouté des consignes à respecter après l’isolement. Tant le Québec que l’Ontario et les États-Unis, pour ne citer que ceux-là, demandent par exemple de continuer de porter le masque en tout temps en présence d’autres personnes pendant 5 jours additionnels après la fin de la quarantaine, certains demandent aussi de ne pas visiter de patients immunosupprimés au cours de cette période supplémentaire, etc. S’ils estimaient que le risque d’infection était très bas au bout de 5 jours seulement, ces gouvernements n’auraient pas ajouté ces conditions supplémentaires après l’isolement.
Il semble que c’est en bonne partie pour accélérer le retour au boulot des gens infectés, et en particulier dans le milieu de la santé, que ces gouvernements ont raccourci la quarantaine. Est-ce que c’était la bonne décision à prendre ? Est-ce que cela permet à suffisamment de travailleurs de la santé de retourner dans les hôpitaux pour compenser les patients supplémentaires qui attraperont la COVID à cause de l’isolement écourté ? Je l’ignore et je n’ai pas vu d’étude ou de modélisation à ce sujet. Le fait est, cependant, que partout où les quarantaines ont été raccourcies à 5 jours, la décision a été durement critiquée par la communauté scientifique — voir par exemple cette ronde de réactions colligées par le Science Media Centre au sujet de l’Angleterre.
La santé publique américaine (CDC) justifie la période de 5 jours par le fait que «la majorité de la contagion du SRAS-CoV-2 survient tôt dans la maladie, généralement entre une couple de jours avant l’apparition des symptômes et 2-3 jours après. Et il est vrai que des résultats scientifiques pointent dans cette direction. Une étude allemande parue l’été dernier dans Science a examiné environ 25 000 cas de COVID (incluant 6000 présymptomatiques, asymptomatiques ou peu symptomatiques) et conclu que «la charge virale atteint un sommet en moyenne 4,3 jours après l’infection» ce qui, en tenant compte de la durée d’incubation (soit la période entre l’infection et l’apparition des symptômes) donne un maximum de contagiosité «entre 1 et 3 jours avant les symptômes».
Mais même cette étude-là montre qu’au bout de 5 jours, il reste encore des malades infectieux. Alors combien exactement ? Il existe beaucoup de travaux qui ont tenté de répondre à cette question. La plupart ont compté le nombre de jours où les tests PCR continuent de détecter le virus chez les malades. En général, ce sont ces études-là qui ont trouvé les plus longues périodes où les patients demeurent potentiellement contagieux — celle-ci par exemple, parue l’an dernier dans Nature Communications, a détecté le SRAS-CoV-2 pendant 8 jours en moyenne après l’apparition des symptômes, et 5 % des sujets étaient toujours positifs au bout de 15 jours.
Cependant, les tests PCR ne donnent pas toujours une bonne idée de la contagiosité parce qu’ils ne font rien de plus que dire si des gènes du virus sont présents ou absents. Ils ne font pas la différence entre les gènes d’un virus parfaitement fonctionnel et les gènes qui se trouvent sur des bouts de virus «morts». Idéalement, pour se faire une vraie idée de la durée de la transmission, il faut tenter de «cultiver» les virus que l’on prélève chez les patients : si on parvient à faire se multiplier les virus en labo, c’est que le patient est encore contagieux. Mais si les virus ne se multiplient plus in vitro, c’est qu’il n’y a plus de transmission possible.
C’est un exercice apparemment très fastidieux et exigeant en termes de ressources, mais certains labos l’ont fait. Par exemple, une étude parue au début de 2021 dans le New England Journal of Medicine a tenté de cultiver les SRAS-CoV-2 prélevés sur des patients jusqu’à 19 jours après l’apparition des symptômes, mais la majorité des virus «cultivables» ont été trouvés pendant la première semaine, grosso modo. Il en restait tout de même quelques uns qui étaient toujours contagieux about de 10 et même 12 jours après le début des symptômes.
D’après des modélisations du UK Health Agency, au bout de 5 jours, près du tiers des malades (31 %) sont encore contagieux, ce qui n’est pas mince. Alors oui, il reste encore une possibilité de passer le virus aux autres au bout de 5 jours. Ça n'est pas le maximum d'infectiosité, mais c'est très clairement plus que quand la barre était à 10 jours.
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