Voici les trois bières sélectionnées
La Boréale IPA — pas la IPA du Nord-Est, mais bel et bien la classique Boréale IPA disponible depuis 2012—, avec ses notes de caramel provenant des malts, de pamplemousse et de sapin provenant des houblons.
La Catnip de la microbrasserie Noctem. Une IPA contemporaine aux notes aromatiques fruitées et penchant vers la mangue, signature si particulière des houblons Citra, Mosaic et Simcoe.
La Dominus Vobiscum Triple, ce grand classique de la microbrasserie Charlevoix, sur ses arômes francs de levure, son taux d’alcool élevé et son sucre résiduel.
Chaque bière fut dégustée dans une approche analytique, dans le but de comprendre le rôle de chaque ingrédient, l’intensité de l’amertume et la finale sèche ou non des bières au taux de sucre résiduel presque absent à bien présent. Les questions furent nombreuses sur l’appellation des styles, le respect des styles et l’appellation IPA qui est, aujourd’hui, une catégorie fourre-tout de toute bière qui contient du houblon.
Sortez deux verres propres, ai-je demandé à mon groupe. Je les voyais surpris, puisque nous n’avions pas prévu de quatrième bière et encore moins une cinquième. «Nous allons fabriquer deux nouvelles bières.»
J’ai invité les participants à mélanger 50% de Boréale IPA et 50% de Catnip. Nous avions en face de nous une IPA contemporaine, aux notes plus soutenues de malt caramel et à la finale en bouche sur les notes aromatiques du houblon. C’est drôle, mais le malt prend beaucoup de place face aux houblons, s’exclamait un participant, surpris. C’est en effet pourquoi les recettes d’IPA contemporaines en contiennent beaucoup moins, pour laisser toute la place aux notes aromatiques du houblon. Est-on en face d’une West Coast IPA ? On pourrait dire que oui, ai-je répondu. Dans la mesure où on mélange des produits finis et non des ingrédients, mais le but de l’exercice étant la compréhension de l’influence des ingrédients, c’était mission accomplie.
Même exercice avec la Dominus Vobiscum Triple et la Catnip. «Sentez-vous les notes de fruits du houblon qui se mélangent aux phénols de la levure? On est dans un cadre olfactif déjà connu non ?» Oui, le houblon tient bien la route sur la levure, m’a-t-on répondu. Après la première gorgée, la sensation trop sucrée que certains participants n’appréciaient pas tant de la Triple était agréablement compensée par la légère amertume de la IPA. On sent une rondeur en bouche, surtout après la première gorgée, me disait-on. Intéressante, cette sensation sucrée derrière l’amertume. La discussion était lancée.
Après avoir discuté de cette « nouvelle » bière, un participant s’est lancé : sommes-nous en face d’un genre de double IPA ? Pourquoi pas? ai-je répondu. «Je dirais plutôt Triple du Nouveau Monde», a proposé une autre participante. Pourquoi pas aussi ? ai-je répété. Bienvenue dans l’incroyable monde de la culture bière…
Mélanger des bières ?
Vous devez être tout aussi incrédule que mon groupe de dégustation. Mélanger des bières, n’est-ce pas là un manque de respect pour la brasserie ? À partir du moment où l’exercice est réalisé dans le but de démontrer l’effet des caractéristiques organoleptiques de chaque bière, et que celui-ci est dicté par la qualité des produits, pourquoi pas ? On est loin du défi donné à son meilleur ami de finir les fonds de bouteille…
De toute façon, plus de la moitié des styles provenant des différents courants historiques sont issus de mélanges et d’assemblages. On démocratise donc un peu plus cette culture bière qui nous le rend bien.