Une équipe de chercheurs dirigée par le professeur André Michaud de l’Université de Sherbrooke s’est donc demandé s’il était faisable de permettre à des patients atteints de COVID-19 de prendre eux-mêmes leurs signes vitaux à la maison (tension artérielle, taux d’oxygénation, fréquences cardiaque et respiratoire) et de déterminer, à partir d’un arbre décisionnel, si ces signes vitaux et les symptômes observés nécessitent vraiment d’aller à l’urgence, le tout sous la supervision d’infirmières à distance.
Leur étude a porté sur 46 adultes hypertendus confinés à la suite d’un diagnostic de COVID-19. Les chercheurs leur ont fait parvenir les équipements nécessaires (tensiomètre, oxymètre, thermomètre) afin de permettre à ces personnes d’effectuer elles-mêmes, matin et soir, la prise de mesure de leurs pression artérielle, fréquence cardiaque, taux d’oxygène sanguin, température et fréquence respiratoire.
Les appareils, explique le professeur Michaud, étaient reliés par Bluetooth aux infirmières qui ont supervisé ces patients pendant 14 jours consécutifs à raison de deux fois semaine chacun.
Ces patients devaient bien évidemment posséder un ordinateur et un téléphone intelligent de même qu’une adresse courriel.
À l’aide des instructions reçues, ces personnes devaient également évaluer la présence et la sévérité de leurs symptômes.
«À la fin de la première vague, fin printemps début été 2020, on en connaissait assez peu sur la condition clinique des individus atteints de COVID-19 qui étaient confinés à la maison, mais surtout sur l’évolution de leur condition», indique le chercheur.
«D’un côté, on avait des individus inquiets, et on le comprend, qui se présentaient à l’urgence de l’hôpital et ce n’était peut-être pas nécessaire. De l’autre côté, on avait des individus qui se présentaient à l’urgence, mais tardivement, avec une condition clinique sévère et qui passaient pratiquement du triage directement aux soins intensifs. C’était de mal connaître la sévérité de leur condition de santé», dit-il.
Or, les signes vitaux, en particulier le taux d’oxygène dans le sang, sont des indicateurs de base importants dans les cas de COVID-19, mais était-ce faisable de demander à ces patients-là de prendre eux-mêmes ces mesures?
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C’est ce qu’ont voulu savoir le professeur Michaud, de même que le Dr Rémi Goupil de l’hôpital Sacré-Coeur de Montréal, le Dr Alain Vadeboncoeur directeur de l’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal et la professeure Lyne Cloutier du département des sciences infirmières de l’UQTR.
Les participants recrutés en collaboration avec le CISSS de Laval étaient âgés d’entre 40 et 70 ans et devaient se déclarer capables d’utiliser leur ordinateur et leur téléphone portable.
Le professeur Michaud ne croyait pas vraiment, au début, que les participants allaient emboîter le pas à ce point. Toutefois, au bout du compte, ils «ont été bons et je dirais même performants à effectuer ces mesures-là», dit-il et ce, «sans égard à leur âge.»
En moyenne, les participants ont effectué 12 jours de mesures (sur 14).
«C’est quand même beaucoup», estime le professeur Michaud. Ces personnes, rappelle-t-il, en étaient au début de leur maladie. Elles étaient inquiètes. Une partie d’entre elles étaient symptomatiques.»
L’étude, réalisée en collaboration avec le Réseau de recherche en interventions en sciences infirmières du Québec, visait d’abord à démontrer la faisabilité d’une telle approche. Or, on peut maintenant parler d’un «haut taux de succès», indiquent les chercheurs.
«Ça s’est fait totalement à distance. Je n’ai jamais rencontré ces personnes. Elles recevaient par la poste le matériel nécessaire pour effectuer les mesures (le tout pour environ 120 $ d’équipements par participant) et avaient accès, via une plateforme web, à l’ensemble des consignes pour effectuer les mesures. Une application mobile leur permettait d’inscrire les résultats des signes vitaux», dit-il.
En fonction de leurs résultats ou de l’évolution de leurs symptômes, il leur était conseillé de consulter un médecin, d’appeler le 811 ou de se rendre à l’urgence, mais les participants demeuraient seuls maîtres de leur décision.
«Il faut que ce soit une expérience qui nous permette de voir plus loin, estime la professeure Lyne Cloutier, qui a collaboré à cette étude. «Les gens ont envie d’être à la maison. Repartons de ça. Donnons-leur les outils», dit-elle.
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Cette expérience, souligne-t-elle, n’est pas un exemple unique en son genre. «En soins palliatifs, on a de très beaux exemples», illustre-t-elle de même qu’en hémodialyse à domicile où les gens ont appris l’autodialyse. «Il faut se défaire de ce mythe voulant que les gens ne sauront pas comment faire parce qu’il y a de la technologie», plaide-t-elle.