Cette activité parascolaire offerte en début de session à tous les étudiants du Cégep de Trois-Rivières court deux lièvres à la fois. Et pourtant, elle les attrape tous les deux! Il s’agit, selon la fondatrice du programme, de soutenir la réussite éducative des collégiens et la réussite des élèves du primaire qui seraient vulnérables, donc à risque de décrochage scolaire au secondaire. L’École des grands, c’est le résultat d’une injustice observée par Alisha Wissanji, à l’âge de huit ans dans son école de Granby: que des enfants réfugiés de son âge avaient moins de chance qu’elle, née ici, de réussir à l’école. Déterminée à combattre cette injustice, elle a offert l’aide aux devoirs à ces enfants, dans son patelin, pendant dix ans.
Aujourd’hui professeure et chercheuse en éducation, Mme Wissanji a réussi à étendre son programme de mentorat proposant l’aide aux devoirs et leçons ainsi que l’initiation aux sciences à huit cégeps et six Centres de services scolaires sur le territoire québécois. Le programme qu’ont vécu Thomas, Aymerick et une soixantaine de leurs pairs au Cégep de Trois-Rivières est l’un des derniers-nés au Québec.
Vouloir s’engager
À Trois-Rivières, c’est plus d’une vingtaine d’étudiants qui ont choisi de consacrer, bénévolement, tous leurs samedis matins à ces 60 jeunes du primaire durant la session d’automne 2021. Selon le chargé de projet Jean-François Dragon, on les a recrutés dans tous les genres de programmes, que ce soit tremplin DEC, sciences ou arts, préuniversitaires ou techniques. Aucun préalable, sauf celui de vouloir s’engager. «Peu importe que tu aies un peu moins de difficultés ou plus de difficultés scolaires, pour nous, tu es capable d’accompagner les enfants qui participent. Même à la limite, si tu as eu des difficultés scolaires toi-même, ça se peut que tu aies développé des outils comme apprenant, donc tu as potentiellement développé des outils pour les aider un peu mieux», raconte M. Dragon.
Les jeunes élèves participants ont été sélectionnés selon certains critères, de la 1re à la 6e année, dans trois écoles identifiées par le CSS du Chemin-du-Roy, soit les écoles aux Deux-Étangs, Dollard et Saint-Paul. Concrètement, le CSS offre le transport scolaire, chaque samedi, de l’école de quartier au cégep, ainsi qu’au retour. La matinée est répartie en trois périodes, dont deux consacrées à l’aide aux devoirs et leçons ainsi qu’une autre, en alternance, d’initiation aux sciences et à l’informatique. Le cégep contribue par la mise en service de ses locaux, la participation de ses employés au programme et la reconnaissance, pour les collégiens, d’une mention d’engagement inscrite à leur bulletin.
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Avec son collègue enseignant Yannick Milette, le conseiller pédagogique Jean-François Dragon encadre les mentors du programme. «Ce qui est beau, c’est la chimie, la relation entre les mentors et les enfants. Ils apprennent à discuter ensemble, à gérer les petits conflits», observe M. Dragon. Pour l’aide aux devoirs et leçons, la créativité est de mise: «On aide nos mentors à développer cette connaissance, à trouver des manières d’animer de façon ludique la révision de mots de vocabulaire, par exemple», donne-t-il comme exemple.
Une fondation pour atteindre ses objectifs
Après avoir mis sur pied l’École des grands à Montréal-Nord, où l’on observait 25 % de taux de décrochage scolaire, Alisha Wissanji a décidé de se donner les moyens de ses ambitions en mettant sur pied la Fondation W. «La mission de la Fondation, c’est de contribuer à l’égalité des chances et de permettre la réussite éducative des populations vulnérables. Son projet phare, c’est l’École des grands», précise Mme Wissanji. Cette fondation s’appuie en outre sur des partenaires comme le Club des petits déjeuners qui comble des besoins nutritionnels et l’Armée du Salut qui a offert des cadeaux de Noël aux jeunes, ce samedi, à Trois-Rivières.
Selon sa fondatrice, la force du programme de l’École des grands, ce sont les mesures d’impact: pour chaque cohorte, on vérifie des indicateurs de réussite pour les collégiens participants, tout comme les notes au bulletin des jeunes mentorés. «Les mesures d’impact annuelles sont utiles pour savoir si ça marche ou pas, mais aussi pour rectifier le tir en cours de route», indique la chercheuse.
En ce qui concerne la participation des cégeps, il ne s’agit pas tant de les convaincre, selon elle, que de rejoindre leurs valeurs fondamentales. «C’est dans les valeurs humanistes de tous les cégeps de rayonner dans leur communauté et de soutenir la réussite éducative», estime Mme Wissanji. «Avec ce programme, les cégeps deviennent un pôle de réussite dans leur communauté», soutient-elle.
Ce n’est sûrement pas Émilie Lefrançois, directrice adjointe des études au Cégep de Trois-Rivières qui viendra contredire cette affirmation. «Le Cégep de Trois-Rivières, dit-elle, c’est plus qu’un collège; c’est un grand citoyen dans la ville de Trois-Rivières. Alors on veut toujours voir ce qu’on peut faire de plus pour nos concitoyens pour donner un petit coup de pouce. Ce projet nous emballe vraiment».
Si la rencontre de samedi était l’occasion de souligner la fin de cette session en remettant aux jeunes leur certificat de participation, ce n’était sûrement pas la dernière animation de l’École des grands au Cégep de Trois-Rivières. On reprendra du service à la session d’hiver et c’est ainsi lancé pour plusieurs années à venir, espère-t-on.