À la sauce «RuPaul’s Drag Race» aux États-Unis et «Canada’s Drag Race» qui a notamment permis de faire connaître la désormais célèbre Rita Baga, «Call Me Mother» prendra l’affiche le 25 octobre prochain avec des épreuves permettant de montrer non seulement la créativité, mais aussi la polyvalence de drag queens venues de partout au Canada. Narcissa, qui a bien l’intention d’y afficher fièrement ses origines trifluviennes même si elle habite à Québec depuis quelques années, sera la seule représentante de la francophonie dans cette émission.
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Si Narcissa aime bien incarner les méchantes sorcières ou les bonnes fées fantastiques sur scène et lors de ses animations, Jeffrey est pour sa part posé et convaincant lorsqu’il nous raconte ce qui l’a mené à cet art, avec lequel il gagne complètement sa vie désormais. Loin de jouer un personnage, le jeune homme tient un discours on ne peut plus allumé à la fois sur l’acceptation de soi, la tolérance, la lutte aux préjugés et surtout l’ouverture à la diversité sexuelle.
C’est un peu un concours de circonstances qui l’a mené à se transformer sur scène pour la première fois. Un concours amateur qui s’organisait à Québec il y a quatre ans, et auquel son conjoint l’encourageait à s’inscrire. Fort de ses études en théâtre à l’école secondaire Chavigny et au Cégep de Trois-Rivières, il a décidé de tenter le coup.
«J’ai été tellement mauvaise en audition la première fois! Mais je crois qu’ils ont manqué de personnes parce qu’ils m’ont prise quand même. Je devais être la moins pire des pires», lance-t-il en éclatant de rire.
La moins pire, certes, puisque la drag queen s’est rendue jusqu’en finale de ce concours. Le déclic s’est fait.
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Depuis quatre ans, Jeffrey roule sa bosse dans cet univers particulier, notamment au Drague cabaret de Québec, ou encore à Trois-Rivières, d’abord à l’ancien bar l’Embuscade, puis maintenant au restaurant Le Petit Beurré où il donne fréquemment des spectacles.
Avec la pandémie, par contre, le monde de la drag queen n’a pas eu le choix de s’adapter, en basculant ses activités sur le web, où les artistes ont utilisé de plus en plus l’image, le vidéoclip, le court métrage, pour continuer de gagner un peu d’argent et satisfaire le public qui en redemandait, en attendant que les bars puissent rouvrir.
Je dis souvent que la drag queen, c’est le huitième art. On s’en est vraiment rendu compte durant la pandémie
Un art, c’est le cas de le dire. Parce qu’il ne suffira pas simplement de se déguiser et de monter sur scène. Résumer la drag queen à ça serait aussi réducteur que de penser qu’un acteur commence à travailler seulement au soir de la première d’une pièce de théâtre.
Sur près de 300 drag queens au Québec, Narcissa est fière de dire qu’elle fait partie de la dizaine seulement qui crée et conçoit tous ses costumes. Elle en possède plus d’une centaine. Mais pour «Call Me Mother», elle n’avait que deux semaines pour se préparer une dizaine de tenues exclusives. Elle est allée chercher de l’aide un peu.
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Son premier costume de l’émission permettra d’ailleurs d’afficher fièrement sa ville d’origine, ce qu’elle fait depuis quatre ans sur scène, même si c’est parfois avec une touche d’humour et une pointe aux côtés moins glorieux de la trifluvie.
«On m’appelle la Reine des Trois-Rivières, et j’ai toujours gardé ça. J’ai construit ma carrière autour de ma ville natale, ça m’a suivi. Je suis content de ça. À Trois-Rivières, on n’est pas énormément à faire de la drag queen, et les gens ne connaissent pas encore beaucoup ça, certains ne sont pas encore très ouverts à ça. Mais les shows qu’on fait sont toujours complet, et il y a même une liste d’attente», signale l’artiste.
Est-ce là un signe que les esprits s’ouvrent de plus en plus? Narcissa aimerait le croire, puisque le public de ses spectacles se renouvelle de plus en plus et compte même une majorité de personnes hétérosexuelles qui apprécient le divertissement, tout simplement. Mais il suffit parfois de jeter un coup d’oeil aux réseaux sociaux pour constater qu’il y a encore du chemin à faire.
Récemment, la drag queen donnait une entrevue à Radio-Canada. Sous la publication Facebook qui s’en est suivie, on pouvait y voir des commentaires dégradants, réducteurs. Pas la majorité, heureusement, mais quand même...
«On veut pas de ça à Trois-Rivières, gardez ça pour Montréal...pas ici!», ou bien «Le monde est rendu malade dans tête», ou encore mieux: «Si tu files pas bien dans ta peau...tu représentes que toi même, pas notre population qui est normale», ne sont que quelques commentaires qu’on pouvait y lire.
Jeffrey s’en désole, mais ne tournera pas le dos à sa passion pour autant. Au contraire, il voit que les mentalités évoluent de plus en plus, surtout chez les jeunes. Et l’exposition qu’on donne à son art à travers des émissions comme «Call Me Mother» de même que la présence de personnages comme Rita Baga aux heures de grande écoute à la télé aident aussi à ouvrir les esprits.
«Je trouve ça décevant, mais je n’en veux pas à ces personnes. J’ai le goût de leur dire: être drag queen, c’est faire du théâtre. Dans la vie, je ne suis pas une créature. Je crois que ce sont juste des gens qui manquent de connaissances, et qui vont y aller avec des généralités. C’est infondé, ils vont y aller avec ce qu’ils ont su, comment ils ont été élevés. Il faut changer ça, on est en train de le changer et d’en faire quelque chose de normal. Un homosexuel, c’est normal! Une drag queen, c’est du théâtre. Il pourrait y avoir des garçons hétérosexuels qui font de la drag queen juste parce qu’ils aiment le théâtre, le jeu, le côté spectacle, l’humour», fait remarquer Jeffrey.
De par cette volonté de normaliser son orientation sexuelle, il estime avoir une forme de mission dans la vie à travers Narcissa. Comme si de dépeindre l’exagération à travers son personnage rendait moins caricaturale l’homosexualité, plus facile à accepter lorsqu’une personne s’ouvrira sur son orientation sexuelle.
«La drag queen à la base était là pour ça. C’est la mascotte de la communauté LGBTQ+. Mais si à travers ça je peux aider des gens à s’affirmer davantage, tant mieux. Ce que je fais, c’est clownesque. Mais ça aide aussi à dédramatiser ce qui est beaucoup plus normal», mentionne l’artiste.
Ainsi, dans cette quête d’ouverture et d’acceptation de l’autre, il entamera son parcours sur Amazon Prime et OutTV le 25 octobre, avec la possibilité d’empocher le grand prix de 50 000$ et de se faire connaître à travers le pays, de même qu’au Royaume-Uni où l’émission sera retransmise.
Mais il s’emploiera surtout à faire tomber la barrière du jugement, inciter les gens à franchir la porte de ce bar ou de ce restaurant où il se produira, pour venir voir ce que c’est vraiment, l’univers des drag queen.
Et peut-être laisser quelques préjugés à l’extérieur...
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