Dans son analyse, le juge Ricard note que la responsabilité de Robby Petiquay n’est pas entière et qu’elle doit être partagée avec la ligue, les équipes et leur personnel tel que l’avait plaidé la défense lors des plaidoiries.
Il note par ailleurs que «Robby Petiquay doit assumer sa part de responsabilité pour l’attaque non seulement violente, mais aussi gratuite commise à l’endroit de Julien Gauthier».
«Dans les faits de la présente affaire, la levée de la suspension et l’embauche de Robby Petiquay dans un rôle le confinant à ne sauter sur la patinoire que pour se battre et le signal de l’entraîneur de «vider les bancs» déclenchant ainsi une mêlée générale menant à l’attaque, sont des éléments qui m’amènent à conclure que la responsabilité de Robby Petiquay n’est pas entière, elle est partagée», peut-on lire dans le jugement de 17 pages.
En janvier 2019, Robby Petiquay avait frappé la victime au visage d’un coup «sournois et violent» lors d’une mêlée générale. Julien Gauthier s’était affaissé sur la patinoire. Le juge Ricard a qualifié la scène de désolante et a souligné que les images sont «disgracieuses et choquantes».
«Il s’agit d’un geste gratuit, d’une violence inouïe», note-t-il.
Encore aujourd’hui, la victime garde d’importantes séquelles de cette attaque. Dans une entrevue au Nouvelliste, il avait d’ailleurs confié qu’en plus des blessures physiques, il avait perdu 50 % de son audition du côté gauche et qu’il devait composer avec des maux de tête et des étourdissements. Julien Gauthier a également dû faire une croix sur le hockey.
«En somme, les conséquences du geste posé par le délinquant à l’endroit de la victime sont importantes, voire irréversibles», note le juge Simon Ricard.
Ce dernier estime que les bagarres au hockey n’ont plus leur place et il en fait état dans son jugement.
«L’embauche de pugilistes déguisés en joueurs de hockey est à proscrire […] Le risque que posent les bagarres sur la surface glacée pour les joueurs est trop grand et il est faux de prétendre qu’elles font partie du sport qu’est le hockey», note-t-il.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/MHI5OTMXIBCYHLOWH4PEEPKKCI.jpg)
Il souligne également que les ligues devraient bannir les bagarres et que les sanctions imposées par les préfets de discipline devraient être plus sévères pour les contrevenants.
Le juge Ricard a imposé une sentence de neuf mois dans la collectivité à Robby Petiquay, mais il n’a pas manqué de souligner qu’une peine d’emprisonnement de 6 mois aurait pu être justifiée dans les circonstances. Il a également avancé qu’un coup semblable porté à la sortie d’un bar par un récidiviste qui aurait les mêmes conséquences sur la victime «serait sévèrement puni, vraisemblablement par une peine d’emprisonnement».
Rappelons que Robby Petiquay avait plaidé coupable précédemment à une accusation de voies de fait causant des lésions corporelles.
Dans son analyse, le Tribunal a tenu compte des facteurs aggravants dans cette affaire qui l’emporte «non pas en nombre, mais au poids à leur accorder». Le juge souligne, entre autres, la violence et le caractère gratuit du geste, les séquelles de la victime, les antécédents de l’accusé, dont quatre pour des crimes contre la personne, et le risque de récidive.
Des facteurs atténuants ont également été pris en compte, notamment l’enfance difficile de l’accusé, les remords sincères et les regrets qu’il a exprimés, son degré de conscientisation, son plaidoyer de culpabilité et sa responsabilité morale atténuée et partagée.
Quant à l’imposition de la peine, le juge Simon Ricard a souligné que la peine qu’il avait reçue pour des gestes similaires en 2017 n’avait pas eu l’effet dissuasif escompté. Le Tribunal souhaite que cette fois-ci le message soit sans équivoque.
«Ce message s’adresse aussi à tous les joueurs de hockey qui seraient tentés de se livrer à de tels actes de violence mettant en danger la santé et la sécurité des autres joueurs. Il s’adresse aussi aux différentes organisations sportives qui devraient interdire les bagarres et protéger davantage les joueurs contre les débordements comme celui survenu dans le match ayant conduit à la présente infraction.»
Robby Petiquay devra également se soumettre à une probation de deux ans avec un suivi probatoire de 18 mois et respecter de nombreuses conditions.
Une sentence trop clémente?
Pour Julien Gauthier, la sentence est clémente, trop clémente alors que lui a beaucoup souffert dans cette histoire.
«Il n’a pas eu grand-chose. Une sentence chez lui, je trouve que c’est ridicule. C’est ordinaire. Il aurait fallu quoi, qu’il me tue pour aller en prison?»
«Ça m’a amené à la dépression, je suis tombé dans l’alcool et la drogue à cause de ça. Il fallait que je trouve une échappatoire. Je me suis rendu jusqu’au bout jusqu’à ne plus voir la lumière au bout du tunnel. Aujourd’hui je suis content, ça va faire un an que je n’ai pas consommé. Je dois voir un psychologue sportif pour faire mon deuil du hockey. J’ai demandé de l’aide pour m’en sortir. […] Aujourd’hui ma vie va bien et je veux la continuer dans ce sens-là», raconte Julien Gauthier.
Près de trois ans après l’événement, il pourra désormais tourner la page avec la fin des procédures judiciaires.
Julien Gauthier n’en veut pas à la ligue, même s’il pense que ses dirigeants ont commis une erreur en levant la suspension de Robby Petiquay.
«Ce n’est pas parce qu’il m’est arrivé ça que je suis contre les batailles. Ce qui m’est arrivé, c’est un coup dangereux et inutile qui aurait pu être évité. […] C’est une belle ligue et je veux qu’elle continue de bien aller», ajoute-t-il.
La ligue réagit
Ligue de hockey senior AAA du Québec (LHSAAAQ) va prendre connaissance du jugement, assure le président Dominic Lussier. D’ailleurs, on continue de dénoncer les incidents qui se sont produits en 2019 et on soutient qu’il s’agit d’un événement malheureux et isolé.
«C’est un événement regrettable. On compatit avec la victime qui ne méritait pas ce qui est arrivé», souligne Dominic Lussier.
Par contre, on n’a pas l’intention d’interdire les bagarres qui sont dans «l’ADN du hockey senior».
«On ne veut pas bannir les batailles, mais c’est clair que les gestes comme celui que Petiquay a posé, on n’en veut pas. Il a été suspendu très sévèrement par la ligue à ce niveau-là», rappelle M. Lussier.
«Je ne prône pas la violence, mais que deux adultes consentants laissent tomber les gants et règlent leur compte durant un match de hockey, je n’ai pas de problème avec ça. Par contre, un individu qui s’attaque à un autre avec son bâton ou ses poings de façon délibérée et que l’autre est sans défense qu’il ne le voit pas venir, là, on va sévir de façon très sévère.»
Il rappelle que des ajustements ont été apportés aux règlements, notamment en lien avec les bagarres générales. Les amendes en lien avec ce type d’événement sont passées au-delà de 1000 $ plutôt que 200 $ afin d’en diminuer la fréquence.
Le président rappelle que des joueurs se sont vu refuser le droit d’intégrer la ligue après avoir été reconnu coupable d’incidents similaires dans le passé.
«On essaie de ne pas répéter la situation», insiste-t-il.
[ Violence au hockey: «je ne souhaite pas ça à personne» ]
[ Violence au hockey : quelle sentence pour Robby Petiquay ? ]