La décision du jury a été rendue jeudi après-midi au palais de justice de Trois-Rivières. Autant les procureurs de la Couronne et la famille des victimes ont accueilli le verdict avec soulagement, autant celui-ci a surpris les procureurs d'Asselin.
«On est très satisfaits. Après deux mois de procès intense, avec des éléments relativement scabreux, on considère que la justice a été bien rendue. On a gagné, ça fait du bien», a commenté Me Benoit Larouche, qui a mené ce procès avec Me Catherine Lemay.
Fernande, Lucille et Réjeanne Giasson, les sœurs de Gilles Giasson, n'ont pas caché leur soulagement en entendant la réponse du juré.
«Ça a fait très mal quand on a appris ce qui s'était passé. Il va payer pour ses actes. Je vais prier pour lui», a dit Fernande Giasson à propos de son neveu.
«Je sais que ça fait de la peine à sa mère, a ajouté Lucille Giasson. Mais ce n'est pas de sa faute. Enfin, on pourra vivre en paix.»
«Je ne pensais jamais que cet enfant était si mal en point avec la drogue», a pour sa part déclaré Réjeanne Giasson, d'autre part très critique face à la légalisation du cannabis par le gouvernement.
Nicolas et Joany Lefebvre, les enfants de François Lefebvre, sont bien conscients que le verdict de culpabilité ne ramènera pas leur père à la vie. Mais ils se disent libérés par la tournure des événements.
«Ça a été trois ans d'enfer pour nous. Enfin, on peut tourner la page», a observé M. Lefebvre.
Joany Lefebvre a assisté à la totalité du procès. Voir François Asselin et les photos du corps de son père ont été éprouvants. Selon elle, le meurtrier de son père mérite de passer le reste de sa vie en prison.
«Ce soir, je vais pouvoir dormir.»
Me Véronique Robert, membre du trio de procureurs d'Asselin, était visiblement ébranlée par le verdict du jury.
«On est déçus. Ça nous surprend. On pense que notre client est vraiment malade.»
Selon Me Robert, les procureurs d'Asselin vont envisager la possibilité de porter la cause en appel, étant donné que leur client vient d'écoper d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
François Asselin est demeuré imperturbable en entendant les verdicts de culpabilité prononcés à son égard, une réaction qui pourrait s'expliquer par le fait qu'il est sous forte médication, précise Me Robert. La culpabilité à un meurtre au deuxième degré entraîne une peine d'emprisonnement à perpétuité avec la possibilité d'une libération conditionnelle après avoir purgé 10 ans. La juge Manon Lavoie a demandé au jury s'il recommandait que cette libération conditionnelle soit accessible après plus de 25 ans d'emprisonnement. Le jury a décliné l'offre de recommander quoi que ce soit dans ce domaine, ce qui lui est permis de faire.
La cause a été reportée au 4 août pour fixer une date concernant les représentations sur le nombre d'années à imposer à Asselin avant qu'il puisse être admissible à une libération conditionnelle.
Rappelons que trois options de verdict étaient proposées au jury dans les dossiers de meurtre. Ils pouvaient le déclarer coupable de meurtre au second degré, coupable d’homicide involontaire ou encore le déclarer non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. Il n’existait pas de verdict d’acquittement possible puisque Asselin a admis avoir tué les deux personnes.
Le débat a principalement porté sur son état d’esprit au moment des crimes, à savoir s’il était atteint d’un trouble mental qui le rendait incapable de distinguer le bien du mal.
En ce sens, les avocats de la défense Me Roland Roy, Me Caroline Monette et Me Véronique Robert, avaient fait appel à deux experts qui, au terme de leur analyse, avaient conclu à un trouble psychotique. Tout en mentionnant qu’il s’agissait d’un cas complexe, la psychiatre Marie-Frédérique Allard avait détecté chez lui un trouble mental qui était latent depuis plusieurs années, mais qui n’avait pas été diagnostiqué. Ce trouble était attribuable à ses antécédents génétiques, son enfance, sa fragilité interne et sa consommation importante de drogue. Un avis partagé par l’experte en psychologie Julie Dame.
Selon la théorie de la Défense, rien d’autre que la maladie mentale ne pouvait expliquer le passage à l’acte. C’est ce qui expliquait qu’il avait halluciné et s’était senti menacé. Dans son délire, il avait cru à tort que les deux hommes étaient des pédophiles qui avaient abusé sexuellement de ses enfants et les avaient drogués. La preuve tend d’ailleurs à démontrer qu’Asselin a été abusé sexuellement dans son enfance par un résident de son quartier.
Du côté de la poursuite, représentée par Me Benoît Larouche et Me Catherine Lemay, on soutenait que François Asselin avait causé volontairement la mort de ces deux victimes innocentes parce qu’il est un individu impulsif, agressif, qui a tendance à se sentir provoqué et à se percevoir comme une victime potentielle et enfin, parce qu’il était intoxiqué. Les experts de la Couronne le Dr Sylvain Faucher et le psychologue William Pothier ont en effet écarté la thèse du trouble mental, parlant plutôt de son problème de toxicomanie présent depuis plusieurs années et de sa personnalité antisociale avec des traits narcissiques. Pour justifier ses actions et dans le cadre d’un probable mécanisme de défense, il a élaboré un scénario dans lequel il s’est placé en victime.
Rappelons que ce procès qui a commencé le 3 mai dernier et dont la durée estimée était de deux mois a également permis de révéler toutes les circonstances entourant les meurtres sordides de Gilles Giasson et de François Lefebvre.
Ainsi, François Asselin, fortement intoxiqué, s’en est pris à son père le 8 mai 2018 dans leur logement de la rue Sainte-Cécile à Trois-Rivières. Il l’a frappé à mort même si ce dernier a résisté. Dans son témoignage, l’accusé a raconté que c’est son père Gilles Giasson qui lui a demandé de le tuer et que s’il ne le faisait pas, un tueur à gages des Hells Angels s’occuperait de lui. Il a prétendu aussi que son père se serait vanté d’avoir abusé de ses enfants et d’avoir eu des relations sexuelles avec son ex-conjointe.
Une fois le meurtre commis, Asselin s’est rendu, encore tout ensanglanté, au port de Trois-Rivières et a tenté d’embarquer dans un navire de croisière, mais sans succès. À ce sujet, l’accusé a dit que ses enfants étaient emprisonnés à bord dans des cages et qu’il avait voulu les sauver. Il est ensuite revenu à la maison, a placé le corps de son père dans le bain et il a fait une sauce à spaghetti pour masquer les odeurs.
Le lendemain 9 mai, il a découpé en morceaux son père avec une hache et un rapala et a placé ses restes dans quatre sacs. Il a ensuite nettoyé l’appartement, s’est rendu à la pharmacie pour récupérer le pilulier de son père et a tenté d’obtenir de la peinture auprès de son propriétaire. Aux gens qui lui ont demandé où se trouvait son père, il a menti en disant qu’il était parti trotter ou qu’il était en voyage avec sa nouvelle amie de coeur.
Le 11 mai, il a attendu sur le trottoir l’arrivée du camion à vidanges avec les quatre sacs à ses pieds. Il les a déposés lui-même à l’intérieur de la benne et a demandé à l’éboueur de partir le compacteur devant lui. Il lui a donné 20$ en disant: «Prends ça et ferme ta gueule!»
Or, la disparition de Gilles Giasson n’a pas été signalée tout de suite aux autorités. Les jours ont passé et François Asselin, alors un employé de Martel Express, a été affecté avec son collègue François Lefebvre à un contrat de sous-traitance à Sherbrooke chez Ovation Logistique. Les deux hommes sont partis le 15 mai. Au dire de la conjointe de M. Lefebvre, ils semblaient avoir une bonne entente entre eux et rien ne laissait présager le drame qui allait se jouer.
La situation s’est en effet détériorée dans la nuit du 17 mai dans la chambre d’hôtel où ils se trouvaient. Asselin, encore une fois intoxiqué, a poignardé son collègue. Pour sa défense, il a dit qu’il était un pédophile et qu’il l’avait menacé de lui trancher la gorge s’il s’endormait.
Au petit matin, il a emballé le corps et l’a placé dans une boîte de carton pour ensuite se rendre dans l’entrepôt d’Ovation. Il a lui-même déchargé la boîte et l’a déposée non loin d’un compacteur. Il s’est également débarrassé du cellulaire de M. Lefebvre dans une poubelle et a caché l’arme du crime dans un plafond. Lorsque les employés ont découvert l’existence d’un cadavre dans la boîte, la police a été appelée sur les lieux. Asselin a notamment dit qu’il y avait un pédophile mort dans la boîte qui faisait fumer de la freebase aux petits enfants. Il a ensuite été interrogé et arrêté pour ce meurtre.
Le 18 mai, les proches de Gilles Giasson, tout particulièrement sa fille Isabelle Neveu (et demi-soeur d’Asselin) s’est rendue au logement où habitait son père pour lui annoncer la nouvelle de l’arrestation de François. Inquiète par son absence, elle a fait appel à la police.
La présence de taches de sang et d’autres indices recueillis sur place ont suffi à transformer les lieux en une scène de crime. Des restes de M. Giasson ont été retrouvés les jours suivants au site d’enfouissement de Saint-Étienne-des-Grès. Le 28 mai, Asselin a de nouveau été interrogé et il a confessé ce meurtre.