Propos recueillis par Louis-Simon Gauthier, Le Nouvelliste
Ça n’avait peut-être pas l’ambiance ni le prestige d’une grande finale, mais pour nous, c’était un peu irréel!
Jeune attaquant de première année avec les Patriotes lors de la saison 1979-80, j’ai appris, comme mes coéquipiers, que nous aurions la chance d’affronter les Tchécoslovaques pendant leur camp d’entraînement en Amérique du Nord.
Imaginez notre réaction! Nous, la gang d’universitaires de Trois-Rivières, on patinerait sur la même glace que les frères Stastny et les autres vedettes tchèques!
Cette équipe était l’une des favorites pour tout rafler au tournoi olympique. Elle avait remporté des championnats mondiaux et même s’ils ne jouaient pas encore dans la LNH, tous ceux qui suivaient le hockey connaissaient de réputation les frères Stastny. Surtout Peter, on ne se le cachera pas!
Pour les Tchèques, c’était important de se familiariser avec les patinoires nord-américaines, plus petites que celles de l’Europe.
Pourquoi nous ?
Après 38 matchs cette année-là, les Patriotes compilaient 24 victoires, 9 défaites et 5 matchs nuls. On avait même terminé devant Concordia, une puissance du circuit universitaire québécois.
Les Tchécoslovaques, eux, cherchaient une bonne équipe de calibre universitaire pour s’échauffer avant de partir à Lake Placid. On remplissait leurs exigences!
En l’espace de quelques jours, l’entente fut scellée, grâce à la collaboration entre l’UQTR, Hockey Canada et la Tchécoslovaquie. Nous n’avons même pas eu le temps de réaliser à quel point nous étions privilégiés de vivre une telle expérience.
Pour nous, ça allait devenir un petit conte de fées.
Aucune chance de gagner... et alors ?
Quarante ans plus tard, les souvenirs sont flous. Je me rappelle toutefois qu’une vive fébrilité émanait de notre vestiaire. Les journaux et les radios avaient abondamment parlé du match à venir.
C’était un mercredi soir, on annonçait une foule d’environ 2500 personnes. En temps normal, les Patriotes jouaient devant à peine 1000 spectateurs à cette époque.
Jamais nous n’avons abordé cette partie en pensant pouvoir gagner. Par contre, on voulait offrir une bonne opposition aux Tchèques.
Le vieux Colisée de Trois-Rivières était plein à craquer. Non, on ne serait pas de calibre pour causer une surprise. Nous n’avions pas leur profondeur. Par contre, en voyant cette foule enthousiaste et curieuse, il fallait donner un bon spectacle!
Autour du banc tchécoslovaque, la sécurité était intense. Ce pays du bloc de l’Est craignait que ses meilleurs athlètes de hockey fassent désertion. C’était l’époque du rideau de fer.
Ça allait vite !
Dès les premières minutes de la rencontre, nous avons été confrontés à la vitesse d’exécution de nos adversaires. Ces joueurs venus de l’Europe de l’Est avaient une longueur d’avance sur nous sur le plan technique et dans le maniement du bâton. Ils patinaient tous avec aisance.
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La rondelle se promenait beaucoup. Il y a eu de bons contacts, mais ça n’a pas trop brassé. Les Tchèques n’étaient pas à Trois-Rivières pour chercher le trouble : à quelques jours de commencer les Jeux olympiques, ils étaient là pour jouer au hockey. Et croyez-moi, ils jouaient terriblement bien!
Joueur du match, aux côtés de Peter
J’aimerais tellement revoir ce match. On tirait de l’arrière 4 ou 5-0 avant d’entreprendre une belle remontée, que nous n’avons pas pu compléter. Le pointage final : 11-6 en faveur de la Tchécoslovaquie.
J’ai eu l’honneur d’inscrire le premier but des Patriotes. On a pris du coffre par la suite et j’ai compté un deuxième but, cette fois en échappée.
Derrière nous, notre gardien Daniel Coutu était tout feu tout flamme. Ne vous fiez pas au résultat : Daniel a volé quelques buts aux Tchèques!
C’est sans surprise qu’il fut nommé l’une des étoiles de la partie. Il aura reçu plus de 45 lancers, dont plusieurs dangereux.
«Sans ce gardien, nous aurions pu peut-être les déclasser. Il nous a volé 10 bonnes chances», dira Peter Stastny, en entrevue au Nouvelliste au terme de la rencontre.
Le trio vedette des futurs Nordiques aura été étincelant au Colisée de Trois-Rivières, avec une production de six buts! Trois pour Marian, deux pour Peter et un pour Anton.
Nous avions répliqué avec cinq buts en troisième période. Cet élan de fin de match m’a d’ailleurs permis d’être nommé l’une des trois étoiles de la partie, avec Daniel... et Peter Stastny!
J’ai encore la photo des célébrations d’après-match à la maison. Peter est pas mal plus gros que moi!
On s’est serré la main. Personne ne maîtrisait l’anglais dans leur camp, mais le non verbal témoignait d’un respect mutuel.
Je ne le savais pas encore, mais quelques mois plus tard, ce gars, posté devant moi, allait devenir un des joueurs préférés des partisans des Nordiques. Il deviendrait, un jour, une légende du hockey.
Précieux souvenir
Les Tchèques ont quitté Trois-Rivières aussi vite qu’ils sont arrivés. Le samedi suivant, ils jouaient au Forum, avant de prendre la route de Lake Placid.
Ils n’ont pas atteint leur objectif de gagner l’or olympique : l’équipe des Stastny a fini le tournoi au cinquième rang, après une victoire de 6-1 sur le Canada. Les États-Unis, on le sait, allaient causer l’une des plus grandes surprises de l’histoire du hockey en remportant leurs Jeux, après des victoires improbables contre l’URSS et la Finlande.
De notre côté, la saison s’est conclue sur une déception, avec une défaite en finale contre nos grands rivaux de Concordia.
Nous formions tout de même, en 1980, l’une des meilleures formations de hockey universitaire au pays. Et nous avions obtenu un rare privilège en croisant le fer avec les Tchèques!
Ça demeure, à ce jour, un de mes beaux souvenirs sportifs, à égalité avec notre victoire au Championnat canadien universitaire de 1987. Dany Dubé et Clément Jodoin étaient alors nos entraîneurs. C’était la première fois qu’une équipe francophone remportait le titre national.
Quand on se revoit, les Patriotes de 1980, sur des terrains de golf ou lors de retrouvailles, il n’est pas rare qu’on revisite avec bonheur et nostalgie cette soirée unique. Je souhaite aux étudiants-athlètes de vivre un jour une expérience semblable.