Par contre, elle s’est inclinée lundi soir quand je lui ai rappelé le caractère historique du match Canadien-Oilers : pour la première fois de sa longue et riche histoire, votre équipe n’alignait aucun Québécois.
C’est un concours de circonstances.
Jonathan Drouin est chez lui, au repos. Philip Danault est blessé.
Ces deux joueurs font partie du Canadien.
Mais quand même, avec deux Québécois seulement dans l’entourage de l’équipe, c’était une question de temps avant que ça n’arrive.
À voir Marc Bergevin et Trevor Timmins manœuvrer depuis plusieurs années, cette tendance lourde ne va que s’accentuer tant qu’ils seront en poste.
Ils ont beau s’en défendre devant les micros chaque année, reste qu’ils pigent très rarement dans la cour du Québec. Sur une année donnée, ils peuvent avoir été malchanceux. Sur une décennie, on appelle ça une philosophie.
Le pire, c’est qu’il y a beaucoup de fans qui défendent le bilan du duo.
Vous savez, il y en a de moins en moins de Québécois dans le show. C’est rendu un sport planétaire… Et puis ils se font tirer l’oreille pour venir ici, alouette.
Pourtant, quand on regarde d’un peu plus près, il y avait bel et bien moyen d’injecter du talent québécois de qualité dans cette organisation.
C’est facile à prouver. Regardons seulement les séances de repêchage entre 2015 et 2017.
Juulsen plutôt que Beauvillier
En 2015, le Canadien choisit Noah Juulsen au 26e rang. Deux rangs plus tard, les Islanders repêchent un certain Anthony Beauvillier. Ce dernier avait toujours été reconnu comme l’un des meilleurs joueurs de son groupe d’âge, il venait d’enfiler 42 buts en 67 matchs dans la LHJMQ. Beauvillier n’a pas mis de temps à faire mal paraître le Canadien. Dès la saison suivante, il méritait une place avec Équipe Canada junior, contrairement à Juulsen. Il s’est établi dans la LNH à 19 ans. Juulsen, lui, faisait la navette LAH-LNH quand il s’est blessé sérieusement. Sans cette blessure, dans le meilleur des scénarios, il serait actuellement sur la troisième paire de l’équipe, derrière Jeff Petry et Shea Weber à droite. Beauvillier est un membre du top 6 des Islanders, il serait actuellement le troisième meilleur buteur du Canadien s’il avait un maillot tricolore! Au troisième tour du même repêchage, Lukas Vejdemo a séduit Timmins. Nicolas Roy était toujours dans les estrades à ce moment-là. Vejdemo a joué sept matchs dans la LNH, il vient de passer la saison dans la LAH. Roy, 6’4’’ et plus de 200 livres, est maintenant établi chez les Golden Knights de Las Vegas depuis deux ans.
Shaw plutôt que Girard
En 2016, quand la première ronde se termine, Samuel Girard, en lice pour le titre de meilleur défenseur au pays à 17 ans seulement, est toujours disponible. Il est premier sur la liste des Predators, qui repêchent 47e. Va-t-il se rendre jusque-là? Oui!
Le Canadien disposait de deux choix avant le 47e échelon. Trevor Timmins n’a jamais caché qu’il appréciait Girard… mais son patron décide plutôt d’offrir ces deux choix pour aller chercher Andrew Shaw, à qui il consent un généreux contrat. Shaw, qui était déjà amoché avant d’arriver à Montréal, est à la retraite depuis quelques semaines. Girard, avant de se blesser ce printemps, était cité par des sites spécialisés parmi les candidats… au trophée Norris! Un as de la relance, la Tornade de Roberval. Capable de prendre de grosses minutes contre les meilleurs trios adverses. L’an dernier en séries, même s’il ne touchait pas à la première vague du jeu de puissance, il a amassé 10 points en 15 matchs…
En 2017, Le Canadien repêche Ryan Poehling en première ronde, puis il dispose de deux sélections au deuxième tour (56e et 58e). Cette année-là, le meilleur attaquant québécois Maxime Comtois – qui a un profil semblable à Beauvillier - glisse en milieu de deuxième tour (50e). Bergevin aurait donc pu s’avancer, il ne l’a pas fait. Timmins a réclamé Josh Brook et Joni Ikonen avec ses choix de second tour. Poehling et Brook ont passé l’hiver à Laval, Ikonen a peiné en Europe. Pendant ce temps-là, Comtois est le meilleur buteur des Ducks, le meilleur marqueur aussi. À seulement 22 ans…
Il est encore trop tôt pour juger des repêchages suivants. Les années 2018 et 2019 ont été plus maigres pour la LHJMQ mais en 2020, il y a eu cinq Québécois réclamés dans les trois premières rondes, mais aucun par Trevor Timmins.
D’autres signes
Le Canadien n’a pas montré beaucoup d’appétit non plus pour les agents libres québécois ces dernières années. Des gars comme Frédérick Gaudreau et Mathieu Olivier, par exemple, ont fait leur place au soleil ailleurs. Ce sont des cols bleus, certes, des gars qui entrent et qui sortent de l’alignement, mais ils semblent appréciés là où ils sont. Avant eux, il y avait eu Jonathan Audy-Marchessault et Yanni Gourde, qui sont devenus d’excellents joueurs dans la LNH.
Le prochain devrait être Alex Barré-Boulet. Jon Cooper l’aime assez pour lui offrir du temps de jeu sur le premier trio des champions en titre de la coupe Stanley depuis quelques semaines.
Barré-Boulet a signé avec le Lightning il y a trois ans. Il roulait alors à deux points par match dans la LHJMQ. Son agent a offert ses services au Canadien, ce dernier lui a suggéré une entente de la Ligue américaine. Puis Julien Brisebois est arrivé avec son contrat LNH, et il a bouclé une entente.
Si vous additionnez tous ces noms, ça commence à faire une pas pire liste! En montrant un minimum d’intérêt pour les joueurs québécois, il y en aurait facilement la moitié qui pourrait défendre le maillot tricolore.
Avec cinq, six joueurs d’ici dans la formation, peut-être que Jonathan Drouin aurait eu moins de pression à supporter cet hiver, non? Peut-être que ce serait plus facile d’attirer des joueurs autonomes. Chose certaine, tu fais juste ajouter Anthony Beauvillier et Samuel Girard au puzzle et soudainement, l’équipe a plus de lustre.
Mais bon, j’écris ce genre de chronique au moins une fois par année depuis 10 ans. À chaque fois, le nombre de partisans du Canadien qui défend Timmins et Bergevin grandit!
Ce sont des fans en or!
Non seulement l’équipe ne gagne pas, mais son ADN historique a été éliminé progressivement depuis une décennie. Et pourtant, les fans s’arrachent les produits dérivés, ils ne demandent qu’à remplir de nouveau le centre Bell.
Lundi soir au centre Bell, c’est un concours de circonstances qui a fait que le Canadien a joué sans Québécois à bord.
À moyen terme, sinon à court terme, ça deviendra normal si l’état-major de l’équipe reste intact.