En queue de peloton? Le sondage a dû frapper une mauvaise talle. À moins que ce ne soit que l’expression d’un spleen passager, après un an de cloisonnement, décloisonnement partiel et recloisonnement.
Peut-être aussi, simplement parce que la Mauricie, entre Québec et Montréal, a été amalgamée à ces dernières qui seraient devenues pour un grand nombre de Québécois, les pires endroits où vivre.
Il est apparu que plus on s’éloignait de Montréal et de Québec, plus la qualité de vie apparaissait acquise.
On peut entretenir quelques doutes qu’un tel engouement pour les terres lointaines persiste dans le temps. Que ça ne soit qu’un refuge momentanément idéalisé en réponse à des règles pandémiques qui sont devenues suffocantes.
En fait, dans les pires moments de confinement, on a retiré aux citadins à peu près tout ce qui constituait leur douceur de vivre, en distractions de toutes sortes. Vivre un peu cordés les uns sur les autres, ou simplement avec des voisins à vue peut créer une certaine fièvre urbaine, mais en devant constamment se méfier de l’autre, de tout le monde, parents, amis, voisins, comme ce fut le cas, c’est devenu moins drôle.
Les désirs de socialisation vont vite réapparaître et la ville va regagner un certain niveau de popularité quand ses plaisirs de vivre y seront restitués.
Depuis plusieurs années, Trois-Rivières caracole dans les premières positions, comme Shawinigan à l’occasion, dans les palmarès des villes du bonheur, ou plus simplement où il fait bon vivre.
Encore en début d’année, l’indice RATESDOTCA, qui a ausculté en janvier 150 villes canadiennes, a hissé Trois-Rivières au 3e rang national pour sa qualité de vie, battue par Langford et Kelowa, en Colombie-Britannique. On a bien quelques éminences dans la région, mais rien qui puisse se comparer aux Rocheuses, sans compter que nos sommets mauriciens ne sont pas vraiment visibles depuis Trois-Rivières.
L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques nous apprenait aussi que Trois-Rivières affichait l’indice de viabilité le plus bas des grandes villes du Québec. En fait, il nous le reconfirmait. Car l’IRIS en était déjà venue à cette constatation l’an passé.
C’est la ville où le revenu requis pour rencontrer ses obligations minimales (logement, nourriture, électricité, assurances, etc.) est le moins élevé au Québec.
Cela veut dire que le coût de la vie y est très bas et c’est vrai pour l’ensemble de la Mauricie.
On peut dire que ça tombe bien, car la région est aussi celle qui vient au premier rang pour la population qui vit de ce qu’on appelle les transferts gouvernementaux, soit les chèques de toutes sortes: pensions, suppléments de revenus, sécurité du revenu...
Nos gens à revenus modestes peuvent donc vivre plus aisément, même s’il serait plus juste de dire «survivre» plus aisément.
Cela tire bien sûr par le bas la moyenne pour l’ensemble des revenus de toutes sortes, par ménage, ce qui classe la Mauricie à l’avant-dernier rang des régions du Québec, juste avant la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine.
Reste que si on est supposément pauvres collectivement, on ne s’en aperçoit pas et c’est loin d’être l’impression qu’on dégage.
On le constate depuis un an. La migration en faveur des régions qu’a provoquée la pandémie, outre une nature de véritable proximité et un peu plus d’air respirable, ne cesse de se faire ressentir à Trois-Rivières.
Parmi les facteurs pris en grande considération, le niveau des loyers et le prix des propriétés sont fortement pris en considération.
Il y en a pour tous les niveaux de revenus.
On connaissait déjà ce phénomène des retraités qui vendaient leur propriété, parfois pour en acquérir une équivalente à Trois-Rivières ou dans la région, mais à bien meilleur marché, se constituant ainsi au passage un beau pactole pour leur fin de vie.
En raison de la présence de nombreux anciens quartiers ouvriers dans les villes mauriciennes, la clientèle plus modeste, provenant de l’extérieur, y trouve aussi son compte... ou l’y trouvait.
Mais ça change... et vite.
Il y a déjà une gentrification qui est observable dans un quartier populaire comme Sainte-Cécile.
On n’a probablement encore rien vu.
En raison de la demande venant de tous ceux qui veulent fuir Montréal, entre autres, on assiste à une envolée du prix des maisons, mais aussi des logements. Avec un taux d’inoccupation de 1,3 pour cent, il va y avoir bousculade quelque part. Il n’y en a déjà plus de logements pas pires à 500 $.
Bien des boomers proprios profitent de ce marché explosif pour vendre à bon prix leur propriété, récolter une belle équité et se réinstaller en résidence ou, pour certains, rue des Draveurs, dans ce nouveau Trois-Rivières huppé.
Le télétravail a aussi stimulé la venue de jeunes familles. Trois-Rivières était toujours en déficit migratoire à cet égard. C’est en train de changer.
Ces deniers ont en général des «salaires montréalais», en principe plus élevés. Dans une région où le revenu moyen est pour l’instant parmi les plus bas, il faut concevoir qu’il pourra y avoir un certain déséquilibre, surtout au niveau de l’habitation, pour les «locaux».
Sur le coup, il y aura assurément, à court terme, quelques frictions, quelques victimes.
On peut cependant aussi penser qu’à moyen terme, ces nouveaux mouvements vont surtout faire en sorte de lisser le niveau économique général entre Montréal et Québec. De tirer vers le haut les revenus par ménage. Et que la Mauricie ne soit plus, statistiquement, ce qu’on a déjà appelé une zone «désignée».
Compte tenu du taux de vaccination des plus âgés, peut-être pourrait-on rouvrir la garderie grand-parentale. Ça ferait mûrir les uns et rajeunir les autres et ça rendrait un gros service à la collectivité.
C’est comme si on avait dû vivre une deuxième fois les douloureux événements du CHSLD Laflèche. Souhaitons que l’enquête ait permis d’apprendre.