Une plume qui prend racine: Vincent Sivell publie son premier roman Moka, mon ombre et moi

Vincent Sivell signe un premier roman Moka, mon ombre et moi.

Inutile de le chercher sur les réseaux sociaux, Vincent Sivell n’y est plus. Les quelques infos glanées sur le Web permettent tout au plus d’en dresser un portrait très sommaire. Vincent Sivell a pourtant un vécu extraordinaire qui l’a amené à habiter plusieurs coins de la planète avant de s’établir à Trois-Rivières. «On a été des globe-trotteurs.» Il a également occupé bien des emplois aussi. «Tellement en fait que j’ai fini par en oublier», raconte-t-il en entrevue téléphonique. Une vie qui ne manque pas d’action et de laquelle il a tiré quelques morceaux qu’il parsème dans son roman de fiction, son premier, Moka, mon ombre et moi, publié aux Éditions Le bout du mile.


Le bouquin met en scène Sylvain qui vit terré chez lui, ne sort qu’avant la tombée de la nuit et a une routine quotidienne dont il ne déroge jamais. Il est sondeur, un emploi que l’auteur a également occupé, et parle avec un accent européen, autre point commun avec son créateur. Pour celui qui déteste se faire remarquer, cette vie est ce qu’il y a de plus confortable. Il verra par contre cet univers, minutieusement contrôlé, être complètement chamboulé par l’arrivée d’un personnage pour le moins insolite. Il fera la rencontre de son nombril qui, de surcroît, se mettra à lui parler. Ne vous inquiétez pas, ceci n’est pas tiré du vécu de l’auteur qui peut compter sur une imagination très fertile pour nourrir sa création.

«C’est dans des choses toutes simples que je trouve l’inspiration. Le nombril, je ne suis pas allé chercher bien bien loin!», rigole-t-il. «J’ai connu des gens qui avaient peur de toucher à leur nombril. Je me suis dit: ‘‘Tiens, c’est bizarre!’’», raconte-t-il en ajoutant qu’il y avait également un filon intéressant en considérant les expressions qui tournent autour de cette cavité abdominale.

«On dénigre le nombril alors que c’est de là qu’on vient quand même. On y fait même un nœud, un nœud c’est violent. De là, de fil en aiguille, j’ai inventé cette histoire dans laquelle son nombril se met à lui parler. Quelle horreur!», lance-t-il avec un sourire dans la voix.

Avec humour et légèreté, le nombril est en fait un prétexte qui lui permet une exploration beaucoup plus profonde de l’être humain. «J’ai beaucoup aimé La Métamorphose de Kafka, bien que je ne me compare pas du tout à Kafka. On ne comprend pas ce qui arrive, mais on en est témoin et c’est atroce pour lui. Dans La Métamorphose, il n’y a pas tant d’humour alors je pense que j’en ai mis un peu plus dans mon histoire.»

Si la version finale de sa création s’étale sur 230 pages, c’est une version bien amaigrie comparée à ce qu’il avait créé au départ. «Je vous avoue que le roman a pris plusieurs formes. Il était beaucoup plus long. Je faisais vivre des choses incroyables au personnage et j’allais beaucoup plus en profondeur dans certains trucs et puis je me perdais. J’ai essayé de resserrer tout ça.»

Il a d’ailleurs pu compter sur les conseils de Réjean Bonenfant qu’il a rencontré dans le cadre du Festival international de la poésie, il y a bon nombre d’années.

L’auteur trifluvien Vincent Sivell signe un premier livre Moka, mon ombre et moi.

«Je lui ai dédié mon roman. Je l’aime énormément et je le respecte beaucoup. C’est d’ailleurs lui qui m’a encouragé après lui avoir lu mon premier chapitre. Il m’a dit: ‘‘C’est très sympa, mets un peu de chair autour de l’os.’’ Mais moi j’en ai fait un truc obèse, vous voyez ce que je veux dire? Je n’y ai pas seulement balancé de la chair, j’ai mis de la cellulite et des implants! C’était fou! C’est Réjean, qui m’a dit: ‘‘Vincent calme-toi, ne me fais pas un pavé. Fais-moi un beau petit livre’’», raconte l’auteur en rigolant.

Il aura mis huit ans à concrétiser son projet en y travaillant à la fois de façon sporadique et fiévreuse. «Je n’ai pas le problème de la page blanche. Mon problème c’est davantage d’épurer. L’écriture, ça me vient assez facilement, mais ça ne veut pas dire que c’est bon. Il s’agit de relire et de choisir ce qui est intéressant.»

La leçon apprise lors de son passage à l’École des Beaux-Arts lui a bien servi dans ce cas. «Savoir arrêter à un moment, ne pas s’attacher à son œuvre, mais s’attacher à la démarche. Passer à une autre œuvre et ne pas repeindre le même tableau. En fait, on peut, mais il faut au moins changer de toile. Il ne faut pas s’accrocher.»

Simplicité et automatismes

La simplicité reviendra souvent dans le discours de l’homme de 48 ans, notamment pour parler de son mode de vie actuel. «J’écris, je m’occupe de mes enfants, je travaille et je fais de la musique.» Après avoir déménagé ses pénates d’innombrables fois, il aspire à maintenir un équilibre. «On est des équilibristes au fond.» Dans le portrait, l’écriture est là pour rester. Il y aura d’autres livres et, entre les publications, il y aura des projets musicaux.

Vincent Sivell n’a peut-être pas le syndrome de la page blanche, mais il a tout de même quelques trucs qui lui permettent de connecter avec l’inspiration. «Il faut avoir du temps pour ne rien faire ou faire des choses très banales, comme la vaisselle ou prendre une marche. Pendant ces moments, on fait des automatismes, on peut se lâcher et c’est là que je trouve l’inspiration. Elle peut venir de n’importe où.»

«Je n’ai pas besoin de voyager. Quand j’étais enfant, on a tellement bougé et on vivait des moments extrêmes. Quand on est parti de l’Iran, il y avait la révolution donc c’était violent. On a vu des trucs… Tout ça remonte parfois.»

Parcourir le monde lui a certainement permis d’entretenir un terreau fertile pour l’inspiration, le tout agrémenté par une curiosité qui est imprégnée dans ses gènes.

«Mes parents (professeurs d’université) étaient très curieux. Je trouve que tout est inspirant! La politique, sortir dehors, un vol d’étourneaux. Je trouve mon inspiration partout. Le truc, c’est de laisser le canal ouvert en faisant des choses répétitives», conclut le sympathique écrivain.