...dans l'oeil de Mario Tremblay

Ça fait 37 ans, mais c’est encore très clair, dans ma tête. J’ai revu le Match du Vendredi Saint, il y a quelques mois. J’ai trouvé ça dégueulasse. Ça n’avait ni queue, ni tête. Une vraie disgrâce nationale!


La rivalité avec les Nordiques était intense. On n’aurait quand même jamais pensé, qu’un jour, quelque chose se produirait, comme ça.

Dans ce match-là, les choses ont monté, monté, monté...



On se souvient des pires moments, comme du moment où Louis Sleigher a frappé Jean Hamel.

J’étais sur la glace, à la fin de la deuxième période, quand les esprits s’échauffaient. Un moment donné, Jacques Lemaire m’a demandé d’aller sortir Jean Hamel de là. Jean était un membre important de notre brigade défensive. Jacques ne voulait pas perdre un défenseur.

Je n’ai pas eu le temps. J’ai juste crié le nom de Jean. Le coup de poing de Sleigher est parti. Le mal était fait.

Quand j’y repense, je me dis que la grosse erreur aura été de renvoyer tout le monde sur la patinoire, au début de la troisième période. Même ceux qui devaient être en dehors de la game.



Dans le vestiaire, au deuxième entracte, c’était bien tranquille. J’imagine que ça devait être pareil dans celui des Nordiques. Les arbitres nous ont dit de tous retourner sur la glace, avant le début de la troisième. Il paraît que c’était une commande des dirigeants de la Ligue.

L’annonceur-maison a pris le micro pour annoncer les expulsions, au moment où tout le monde était sur la glace. C’est là que les choses ont vraiment foiré.

Je revois encore la face de Michel Bergeron...

Au départ, je m’étais pogné avec Peter Stastny. Quand Peter a su qu’il s’était fait mettre dehors de la game, il est revenu. Moi, à ce moment-là, j’étais parti après Dale Hunter. Dale a été capable d’éviter mon coup de poing, il s’est penché. Je suis tombé sur la glace. Là, si je me souviens bien, trois gars m’ont sauté dessus. Il y avait Peter, Dale et un autre. À ce moment-là, j’en ai mangé toute une.

Je me souviens du lendemain matin. J’avais du mal à sortir de mon lit, tellement j’avais mal au dos. J’avais mangé pas mal de coups de poing dans le dos...

Mario Tremblay

Avant les Nordiques

En 1984, j’étais un vétéran. J’étais en train de terminer ma 10e saison dans la Ligue nationale.



La rivalité avec les Nordiques, depuis leur arrivée dans la ligue, c’était quelque chose de différent. Il n’y avait rien qui s’approchait de cela.

Pourtant, les matches rudes et les rivalités, on connaissait ça!

On avait commencé à se préparer à ça bien avant de jouer dans les rangs professionnels. À 16 ans, dans le junior, on passait notre temps à se battre contre les gars de Sorel et ceux des Remparts de Québec.

Dans la Ligue nationale, des années 1970, il y avait les Bruins de Boston et les Flyers de Philadelphie.

Les Flyers, je vais vous dire une affaire, ils n’étaient jamais de tout repos. Les Broadstreet Bullies ne voulaient rien que ça, nous arracher la tête.

Les choses ont commencé à changer, pour nous, quand Serge Savard s’est tanné.

C’était au début de la saison 1975-76. Je ne me souviens plus si c’était avant un match préparatoire ou un match du début de la saison régulière, mais Serge était monté voir Sam Pollock. Il lui avait dit qu’on était tannés de se faire tapocher. Il lui a suggéré de faire monter quelques gars, plus tough. On est allés là-bas avec des gars comme Pierre Bouchard, Glenn Goldup et Sean Shanahan... On avait monté l’artillerie lourde. On n’avait pas le choix. On ne voulait pas se faire manger la laine sur le dos.

En 1976, nous avons commencé notre séquence de quatre conquêtes consécutives de la coupe Stanley. On a gagné ces coupes grâce à notre rapidité. Auparavant, avant de pouvoir laisser parler notre talent, nous avons d’abord mérité le respect de nos adversaires.



Jusqu’à Alma!

La rivalité avec les Nordiques avait ceci de différent. On ne pouvait jamais y échapper. C’était intense à l’année.

Dans ces années-là, je passais mes étés dans ma région natale. J’avais mon restaurant, à Alma. J’avais mon chalet sur le bord du lac Saint-Jean.

Il y en avait, des gens de Québec, qui passaient dans mon resto!

Ils me disaient souvent la même chose d’ailleurs. On te déteste, mais on te respecte!

Je répondais toujours la même chose. Merci de nous encourager!

On sentait bien que l’animosité était présente, dans la province. On nous disait que parfois, les gens en venaient aux coups dans les partys de Noël. Ce n’est jamais arrivé chez nous.

D’ailleurs, après le fameux Match du Vendredi Saint, on a senti que les esprits se sont calmés.

C’est un peu comme si ça prenait quelque chose comme ça pour faire dégonfler la balloune.

Dans ma région, il y avait aussi un joueur des Nordiques. C’était Michel Goulet, qui venait de Péribonka.

Je ne le connaissais pas vraiment, à l’époque. Michel est un peu plus jeune que moi. Je suis parti de la région pour jouer au hockey sans avoir la chance de le croiser.



Quand j’ai mis un terme à ma carrière, il m’a téléphoné. J’étais au chalet. Il était en route, quelque part dans le parc. Il m’a dit qu’il voulait me voir. Je lui ai donné rendez-vous à Alma. C’est là qu’on a pris le temps de se jaser de tout ce qu’on avait pu vivre.

C’est dans cette conversation, entre autres, qu’il m’a révélé que j’étais sur la liste noire de Bergy. En fait, lui, il appelait ça une hit list.

Au début, je ne voulais pas y croire. Je pensais qu’il n’était pas sérieux.

J’ai rapidement fini par comprendre qu’il disait vrai. Ça m’a finalement aidé à répondre à tous ceux qui voulaient savoir, depuis toutes ces années, pourquoi j’avais toujours Pat Price sur le dos!

Mario Tremblay, du Canadien de Montréal

Propos recueillis par Sylvain St-Laurent