Ce débat tombe à point car le ministre de la Justice du Québec planche actuellement sur une possible réforme du système judiciaire afin de mieux composer avec cette forme atypique de violence. Toutefois, l’auteur du double meurtre ressemble davantage au profil du psychopathe qu’est un criminel violent classique qu’à celui du conjoint typiquement accusé de violence conjugale.
Plusieurs journalistes ont reproché au système judiciaire de ne pas avoir su prévenir cet ignoble drame malgré tous les indices apparents. Nous sommes d’accord avec eux qu’il faut rester plus attentifs aux signaux précurseurs de violence conjugale afin de mieux la prévenir. C’est d’autant plus vrai que l’actuelle période de confinement pandémique ne fait qu’exacerber les conditions propices à son éclosion.
Selon l’INSPQ, une proportion supérieure de Canadiens (4,2 %) que de Canadiennes (3,5 %) ont déclaré avoir été victimes de violence conjugale entre 2009 et 2014 mais les hommes portent rarement plainte. Toutefois, les femmes rapportent une violence plus grave. En 2020, huit meurtres conjugaux sont survenus seulement au Québec. Ce chiffre est déplorable mais demeure infime comparé au nombre de victimes chez les hommes. En effet, plus de 800 hommes se suicident chaque année à la suite d’une rupture amoureuse. Pourtant, cette statistique est rarement médiatisée.
Cela dit, notre société devrait quand même tenter de prévenir les homicides conjugaux. Quoi faire donc quand une femme craint son mari ou même tout simplement quand une rupture dégénère? Judiciariser encore davantage les relations conjugales non seulement s’est révélé inefficace mais dans bien des cas a plutôt jeté de l’huile sur le feu. Le système judiciaire ne respecte même plus le sacro-saint principe de la présomption d’innocence en matière de violence conjugale. Ainsi avec un simple coup de téléphone, et sans qu’aucune preuve ne soit nécessaire, une femme peut faire cueillir son mari par la police et l’évincer du domicile familial. Hélas, plusieurs femmes sans scrupule ont utilisé cette technique sur les conseils de leur avocat matrimonial afin de négocier un divorce à rabais. Par ailleurs, les femmes vraiment à risque hésitent souvent à inculper leur conjoint violent.
Les solutions préconisées actuellement afin de combattre la violence conjugale nous paraissent contreproductives. Tant que le débat sur la violence conjugale demeurera polarisé, c’est-à-dire hommes agresseurs contre femmes victimes, sa noble cause n’évoluera pas. Hommes comme femmes souffrent de l’échec de leur relation; toutefois, les statistiques sur le suicide démontrent que les hommes en souffrent davantage. Il est grand temps de reconnaître que les hommes sont moins bien outillés psychologiquement pour composer avec les affres du divorce. Par conséquent, au lieu de les ostraciser, la société devait leur venir en aide dès les premiers signaux d’alarme. On pourrait ainsi désamorcer bien des situations malheureuses dont les meurtres demeurent rarissimes quoique sensationnalistes. Les hommes sont des citoyens à part entière et méritent d’être supportés socialement au même titre que les femmes. Or, dans les faits, 90 % des ressources sont allouées à ces dernières.
Porter des accusations criminelles de violence conjugale contre un homme sans passé judiciaire ne fait qu’accentuer l’état de détresse psychologique dans lequel il se trouve déjà. L’incarcérer de façon préventive sur la seule base du témoignage vengeur de sa conjointe est très dangereux. En effet, isoler un homme de ses proches au moment où il a le plus besoin de leur support et l’entourer de criminels dans un milieu carcéral est la recette parfaite pour transformer une banale querelle conjugale en drame national.
Certes, l’intervention musclée de la police est hélas parfois nécessaire mais ne règle jamais le problème à la base; elle ne fait que le reporter sinon l’amplifier. Une intervention psychologique serait de loin la solution la plus socialement rentable. Si l’homme refuse de collaborer, alors il pourrait être confié au système de justice criminelle mais en deuxième recours.
Romain Gagnon
Montréal
Andréa Richard
Trois-Rivières