Dans la région, il manque près d’un pharmacien sur cinq pour combler les besoins selon l’A.P.E.S. qui pointe du doigt l’instabilité salariale. L’Association réclame des actions rapides pour corriger la situation et éviter des conséquences sur les soins et services à la population.
Au total, 18 postes de pharmacien étaient non comblés sur un total de 92 postes au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Mauricie- et-du-Centre-du-Québec. L’enquête annuelle 2020 de l’Association a révélé 286 postes non comblés dans la province.
«Nous sommes arrivés à un point où la pénurie nuit à la couverture de soins pharmaceutiques offerte aux patients hospitalisés, ambulatoires et hébergés en CHSLD. Or, dans un contexte de vieillissement de la population et d’explosion des problèmes de santé aigus et chroniques, un établissement de santé doit pouvoir compter sur un nombre suffisant de pharmaciens», affirme le président de l’A.P.E.S., François Paradis.
L’A.P.E.S indique que le manque de soins pharmaceutiques en établissement de santé peut avoir plusieurs conséquences négatives. On parle d’augmentation des risques d’incidents et d’accidents médicamenteux, de l’allongement de la durée moyenne des hospitalisations, des risques d’effets indésirables et d’interactions, des retours à l’urgence, d’une diminution de la qualité de vie des patients et des coûts supplémentaires pour le système de santé. Des négociations s’amorceront bientôt avec le gouvernement du Québec pour le renouvellement de l’entente de travail venue à échéance en mars 2020.
«Le cœur de notre problématique, c’est la question de nos mesures de rémunération qui ne sont pas fiables, nos mesures temporaires. On n’a pas de signal que le gouvernement veut les pérenniser. Pour nous, c’est un enjeu vraiment important», explique Linda Vaillant, pharmacienne et directrice générale de l’A.P.E.S.
On estime qu’entre 20 % et 50 % de la rémunération des pharmaciens d’établissements repose aujourd’hui sur ces mesures dites «temporaires».
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Ces dernières ont notamment dû être renégociées à plusieurs reprises. À chaque fois, l’A.P.E.S. doit convaincre le gouvernement de leur nécessité.
On demande au gouvernement d’assurer une rémunération concurrentielle, mais surtout prévisible.
«Le gouvernement a dans ses mains un rapport qu’il a lui-même produit qui démontre que toutes les mesures temporaires sont utiles, fonctionnent et qu’elles sont nécessaires. C’est difficile pour nous de comprendre pourquoi on ne pérennise pas ces mesures», se questionne Linda Vaillant.
«Ça date de 10 à 15 ans selon les mesures. Ce n’est plus vraiment temporaire», ajoute-t-elle.
L’A.P.E.S. souhaite que cette situation soit réglée une bonne fois pour toutes afin de mettre fin à l’incertitude entourant les conditions des pharmaciens d’établissements et de rendre le réseau public plus attrayant et plus concurrentiel.
«Il faut régler ça pour être capable d’attirer de la relève. C’est une entrave. Pourquoi les gens se dirigeraient vers une pratique où l’on ne garantit pas le salaire alors qu’on a 80% des pharmaciens qui pratiquent dans le secteur privé qui veut aussi attirer les jeunes?»
«On demande que ce soit concurrentiel. Il faut être compétitif et être au moins en mesure de garantir ce que l’on offre parce qu’autrement, ça ne peut pas être attrayant», a conclu Linda Vaillant.
«Ça fait plusieurs années qu’il y a des difficultés importantes au niveau du recrutement pour la Mauricie et le Centre-du-Québec», ajoute-t-elle.
Les dirigeants de l’APES ont rencontré les pharmaciens en milieu hospitalier dans les dernières semaines afin de discuter avec eux de leurs préoccupations et des enjeux de la profession.
«On prend le pouls des différents enjeux des négociations oui, mais aussi autour de l’organisation du travail, du manque d’effectifs, comment on comble les besoins des patients, les difficultés rencontrées, de quoi ils ont besoin sur le terrain, la formation par exemple. C’est le genre d’échange qu’on a avec les gens du territoire», note Mme Vaillant.
Cette dernière explique que la pénurie de main-d’œuvre a été importante dans la région, mais qu’il y a eu beaucoup de travail de fait dans le bon sens dans les dernières années.
«Depuis trois ans, il y a des résidents en pharmacie qui sont accueillis dans votre région, particulièrement au CHRTR. Cela a eu un effet positif sur le recrutement. […] Ce partenariat permet d’amener des jeunes, de les exposer à la région, à la pratique, à l’intérêt de travailler là… Cela a permis au département dans les dernières années d’avoir un plan de croissance du nombre de postes pour essayer d’arriver à répondre aux besoins», souligne la directrice générale de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.
Mme Vaillant soutient que la situation a été si longtemps sous pression à cause du manque d’effectifs qu’il n’y avait même pas de possibilité d’entrevoir d’accroître le bassin de postes.
«Il y a un énorme travail qui est en train de se faire dans votre région pour voir comment on peut répartir les effectifs de pharmacie pour aller couvrir les besoins les plus criants. […] On souhaite être capable d’avoir une offre uniforme sur tout le territoire. L’idée c’est d’être capable de desservir au moins la base, un peu partout dans les installations, à La Tuque, dans les CHSLD, Arthabaska.»
La solution passe par l’attraction de la relève au programme de maîtrise en pharmacothérapie avancée. On aimerait diplômer plus d’une centaine de candidats par année.
«On ne l’a pas du tout actuellement. Dans les meilleures années, on est autour de 75 diplômés. Il en faut au moins une centaine pour effectuer les remplacements des départs. On a des postes vacants, mais on a des gens qui quittent aussi, des gens en congé de maternité, c’est très fragile», affirme Linda Vaillant.
«Il n’y a pas assez de jeunes formés au programme de maîtrise alors tout le monde se les arrache. C’est un peu ça qui survient», précise-t-elle.
La compétition est également féroce avec les pharmacies de quartier. Ces établissements ont eux aussi des besoins très importants.«Il y a 10 000 pharmaciens au Québec, on est 1700 dans les hôpitaux. À peu près 80 % des pharmaciens se retrouvent dans le secteur privé au Québec. Les jeunes ont tendance à se tourner vers les secteurs privés parce qu’il y a des besoins énormes et parce que les salaires sont très intéressants», explique la directrice générale de l’APES.
La question salariale sera un enjeu dans les négociations qui viennent de débuter avec le gouvernement. On demande que les mesures temporaires en place depuis une dizaine d’années soient reconduites, mais surtout pérennisées. Ces dispositions représentent entre 20 à 50 % de la rémunération selon les milieux de pratique.
«Une des façons d’attirer la relève, c’est évidemment le travail, parce que c’est un travail extrêmement intéressant. L’enjeu pour les attirer, c’est d’être capable d’avoir au moins un salaire compétitif. Idéalement il faudrait qu’il soit plus élevé, mais on n’en est pas là. On veut que ces mesures-là soient maintenues de façon permanente», insiste Linda Vaillant.
Dans le contexte de pandémie, les pharmaciens d’établissements sont considérés comme des professionnels essentiels. Ils participent notamment aux soins prodigués aux unités de soins intensifs, à l’urgence et aux unités d’hospitalisation des patients infectés par la COVID 19.
«Il y a eu aussi toute la question de l’approvisionnement des médicaments. Dans la première vague en particulier, il y a beaucoup de difficulté d’approvisionnement de certains médicaments. C’est un enjeu important. Il y a eu un travail énorme par les pharmaciens pour voir quelles alternatives étaient disponibles».