Fermeture de deux RPA: le CIUSSS invoque de la maltraitance psychologique et physique

Les résidents de la résidence la Villa du Parc auraient été victimes de maltraitance physique et psychologique selon le CIUSSS MCQ.

Trois-Rivières — Menaces à l’endroit de résidents, utilisation de mots grossiers, comportements brusques et inappropriés envers les résidents. Après plusieurs jours de silence quasi total en lien avec la fermeture des résidences Saint-Pie X et Villa du parc 2012, le président et directeur général du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, Carol Fillion, a finalement rencontré les médias vendredi en fin de journée pour faire le point sur la situation.


La maltraitance physique et psychologique dont auraient été victimes les résidents des deux résidences ont poussé le CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec à procéder à la fermeture de ces deux résidences au cours des derniers jours, a-t-on pu apprendre.

«Depuis plusieurs jours, on a fait le choix de ne pas divulguer les raisons précises de nos décisions pour protéger les personnes âgées victimes de maltraitance, et ce, dans leur meilleur intérêt. Notre priorité est le bien-être des résidents et nos décisions vont toutes en ce sens que ce soit au niveau du privé ou du public. Avec les RPA, notre responsabilité est d’émettre et de suivre la certification de chacune et de s’assurer que l’offre du milieu favorise la santé et la sécurité des résidents. Lorsque nous avons de sérieuses préoccupations en ce sens, il est de notre devoir d’agir et c’est ce qu’on a fait cette semaine», a soutenu d’entrée de jeu M. Fillion.



À cet effet, bien que le CIUSSS fait état que ce sont des témoignages récents qui ont amené à prendre cette décision, l’institution de santé accompagnait déjà depuis quelque temps la propriétaire des résidences pour y améliorer la situation, puisque des «insatisfactions» auraient été formulées par des familles ou des résidents. Des plaintes, des bilans et des sondages effectués auprès des familles, résidents et employés auraient toutefois amené le CIUSSS à prendre cette décision.

«Dans ce cas précis, nous avons agi en vertu de la loi sur la maltraitance pour les motifs suivants et en fonction des témoignages des résidents, de leur famille et des membres du personnel, mais aussi en fonction des événements survenus en présence de notre personnel sur place. Les éléments touchent donc la maltraitance psychologique et physique.»

En ce qui a trait à la maltraitance psychologique, le CIUSSS mentionne avoir constaté à la lumière de ces informations des menaces à l’endroit des résidents, des attitudes pouvant être perçues comme menaçantes chez les résidents, l’utilisation de mots grossiers et déplacés à leur endroit et un ton élevé auprès de certains d’entre eux.

La résidence Saint-Pie X a également été fermée sur ordre du CIUSSS.

La maltraitance physique, quant à elle, s’expliquerait par des comportements pouvant être perçus comme étant brusques et inappropriés, des pratiques de soins inadéquats ainsi que l’administration de médicaments sans prescription.



«Toutes ces informations ont été partagées avec la propriétaire au cours des dernières semaines. Pour nous, c’est la politique de tolérance zéro en matière de sécurité, de mieux-être et de santé auprès de nos aînés», précise M. Fillion.

Interpellée à la suite du point de presse, la propriétaire des deux résidences, Nathalie Boisclair, semblait visiblement ébranlée, alors qu’elle n’était pas au courant que le CIUSSS allait tenir un point de presse pour rencontrer les médias à ce sujet.

«Pour la violence physique, on l’apprend aujourd’hui en même temps que vous et moi je le dis et le répète, la sécurité et les soins de mes résidents n’ont jamais été négligés. Ça, je ne comprends vraiment pas. Il n’y a aucun des résidents à qui on a fait subir des traitements de cette nature-là, donc oui, ça nous jette par terre», a-t-elle lancé d’emblée.

«Et pour la violence psychologique, je n’ai jamais menacé un résident. Si j’étais si mauvaise que ça, ça ferait longtemps que les personnes âgées auraient dit à leurs enfants de les sortir d’ici. Mais j’en ai au moins cinq qui ne voulaient pas partir. Moi je le dis et le redis, j’ai un ton qui parle fort et je suis une personne qui est directive, mais ces personnes-là avec de la démence ont besoin d’un encadrement. Mais de là à dire qu’il y a maltraitance, jamais», ajoute-t-elle.

Selon cette dernière, ce serait une résidente qui aurait été violente avec une préposée qui serait à l’origine de cette nouvelle plainte.

«Ce que je peux dire en lien avec la violence, en fait la seule chose que je peux voir, c’est une résidente de Saint-Pie X qui était désorganisée depuis plusieurs mois qui a été violente avec une de mes préposées. Moi tout de suite, j’ai pris des mesures pour ne plus la reprendre à la résidence et suite à ça, les intervenants étaient de retour chez nous et ont recommencé la surveillance. Donc ça serait selon moi l’élément déclencheur de tout ça, mais c’est la résidente qui a été violente.»

Une rapidité d’intervention justifiable

Alors que le CIUSSS a donné un délai de 48 à 72 heures aux 22 résidents pour se relocaliser, selon M. Fillion, la rapidité de l’intervention était devenue nécessaire.

Carol Fillion, président et directeur général du CIUSSS Mauricie et Centre-du-Québec.

«Ce sont des décisions extrêmement difficiles à prendre et on est bien conscient de ce qu’on fait vivre aux gens, donc la décision a été prise pour s’assurer de la sécurité et de l’intégrité de chacune des personnes et la meilleure chose à faire était de rapidement réorienter ces personnes-là vers un milieu qui répondait à leurs besoins. Les autres avenues ont été évaluées, mais c’est la meilleure décision qui selon nous devait être prise.»

«Est-ce que la situation est idéale de relocaliser dans un délai aussi court les résidents, la réponse évidemment est non. Mais est-ce que c’était la meilleure option et une décision responsable à la lumière des informations dont nous disposons, la réponse est oui. Et est-ce que la relocalisation des résidents s’est faite dans le respect et l’intérêt des personnes? Absolument», a ajouté M.Fillion.

Un seul résident était d’ailleurs toujours sur place vendredi.

Carol Fillion a d’ailleurs tenu à rappeler que sept intervenants ont été dépêchés sur les lieux au cours de la semaine afin d’aider les résidents et leurs familles à se relocaliser.

Nathalie Boisclair

Rappelons que la décision du CIUSSS MCQ de fermer les résidences Saint-Pie X et Villa du parc 2012 mardi a pris par surprise les proches de plusieurs résidents et même la direction de l’endroit.



Afin de permettre aux résidents de rester sur place, la propriétaire de l’endroit, Nathalie Boisclair, aurait d’ailleurs, au cours des derniers jours, proposé au CIUSSS de confier les rênes des résidences à un gestionnaire du CIUSSS le temps que cette histoire soit tirée au clair et de déménager temporairement, puisqu’elle demeure dans le sous-sol de l’un des deux établissements. Chose qui a toutefois été refusée.

Par ailleurs, bien que les deux résidences soient fermées par ordre du CIUSSS, rappelons que leur certification ne leur a pas encore été retirée. Le processus légal est toutefois déjà amorcé et le CIUSSS a soutenu vendredi que le processus suit son cours.

Esther Trudel, qui demeure à Québec, abonde dans le même sens.

«Ça se passait super bien, il n’y avait rien de douteux. Depuis que mon frère est là, j’ai toujours eu confiance en ces gens-là. La propriétaire m’a toujours téléphoné s’il y avait quelque chose de particulier avec mon frère, par exemple concernant sa médication. C’est vrai que la propriétaire parle fort, mais ce n’est pas une mauvaise personne. Je n’ai rien à dire de mal sur elle. Je ne comprends rien à ce qui se passe», témoigne-t-elle.

D’autres personnes, qui ont préféré demeurer anonymes, affirment elles aussi que les résidents sont bien traités. L’une d’elles indique toutefois que la résidence était supervisée par le CIUSSS depuis quelque temps.

«S’il n’y a pas de raisons majeures, ça n’a pas de sens de fermer. Et de ce que j’ai vu, ma mère était bien soignée, elle mange bien, Nathalie s’occupait bien de sa résidence», indique-t-elle.

La seule chose qu’évoquent plusieurs personnes est le fait que la propriétaire des résidences, Nathalie Boisclair, parle fort, ce que plusieurs attribuent au fait que nombre de résidents ont des problèmes de surdité. C’est d’ailleurs la raison qu’évoquait mardi l’artiste Jean Beaulieu, dont la mère est hébergée à la résidence Saint-Pie X.

Selon Radio-Canada, des proches de résidents et d’anciens employés auraient constaté des abus verbaux et physiques. Aucun des témoignages recueillis par Le Nouvelliste n’allait en ce sens. Une dame dont la mère est hébergée à l’une des résidences a cependant indiqué que des employés semblaient insatisfaits du changement d’administration survenu en 2019, possiblement en raison de la personnalité de Mme Boisclair.



Esther Trudel indique ne jamais avoir été mise au fait que des résidents auraient pu être maltraités. Elle évoque cependant la possibilité que la résolution d’une crise ait pu être compliquée à l’occasion.

«Ça se peut qu’il y ait eu des situations de gestion de crise, puisque chez les personnes qui ont un problème de santé mentale comme de la démence, ça arrive. Mon frère m’a déjà dit qu’un matin, ça parlait fort parce que la dame d’à côté était en crise. Ce n’est pas facile de travailler avec ces gens-là. Je lève mon chapeau à Nathalie, parce qu’elle est super compétente», précise-t-elle.

Il importe de mentionner que ces témoignages ont été recueillis auprès de personnes figurant sur une liste transmise aux médias par la propriétaire des deux résidences, Nathalie Boisclair, via une agence de communication.

La résidence Saint-Pie X a également été fermée par ordre du CIUSSS.

Il n’a pas été possible de rejoindre Mme Boisclair, mercredi. Dans un communiqué envoyé très tard, mardi soir, elle indique toutefois aimer ses résidents et assure que ses résidences sont «un milieu sain, un chez-soi bienveillant et sécuritaire», sans détailler les raisons pour lesquelles on lui a ordonné de fermer ses établissements.

Un casse-tête pour les proches

Outre l’incompréhension qu’elle suscite, la décision du CIUSSS fait en sorte que les proches et parents des 22 résidents de la Villa du Parc et de Saint-Pie X doivent relocaliser ceux-ci d’ici vendredi. Un délai extrêmement court et qui les force à trouver en vitesse un nouveau milieu de vie pour eux, sans avoir le temps de vérifier s’il leur convient vraiment, déplorent-ils.

«Mon frère va devoir descendre de Rimouski pour le déménagement, puisque c’est lui qui gère tout ça. Mais s’il faut que mon père reste confiné dans une chambre pendant 14 jours parce qu’il change de place, et s’il va dans une place plus grande, trop grande pour lui... c’est dommage. Il était heureux, il s’était fait des amis. C’était juste parfait pour lui, ce n’était pas trop grand», s’attriste Louise Joly.

«Ce que je trouve épouvantable là-dedans, c’est le peu de temps dont on dispose. Je me retrouve à déménager mon frère en urgence dans un CHSLD, ce qui n’était pas du tout ce que je voulais pour lui et ce n’est pas non plus ce qu’il voulait. Le CIUSSS devait nous appeler, il était supposé nous encadrer dans le déménagement, mais il ne l’a pas fait. On n’a eu de nouvelles de personne», indiquait Esther Trudel, en avant-midi.

«Je trouve que le CIUSSS nous abandonne carrément», ajoute une autre dame que Le Nouvelliste a contactée.

«Ils auraient dû donner une chance aux résidents, de leur permettre au moins de rester jusqu’à la fin du mois», mentionne une autre personne.

Une décision basée sur «des témoignages récents»

Le CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec ne souhaitait toujours pas expliquer jeudi pourquoi il a décidé de fermer les deux résidences. On assure cependant que ce n’est pas en lien avec la COVID-19.



«Ce sont des témoignages récents d’événements qui nous ont amenés à prendre la décision de retirer les résidentes de ce milieu», mentionne Sébastien Rouleau, directeur du programme Soutien à l’autonomie de la personne âgée du CIUSSS.

M. Rouleau confirme par ailleurs que le CIUSSS accompagnait déjà depuis quelque temps la propriétaire des résidences pour y améliorer la situation, puisque des «insatisfactions» avaient été formulées par des familles ou des résidents. Il indique que ce processus s’accompagne d’une gradation qui peut mener ultimement à la relocalisation des résidents, si la situation ne s’améliore pas. M. Rouleau n’a pas été en mesure de préciser si Mme Boisclair collaborait ou non à ce processus, mais indique qu’il y avait des échanges verbaux et par courriel entre le CIUSSS et elle.

Quant au temps dont disposent les familles pour trouver une nouvelle résidence pour leurs proches, il affirme que ce délai est celui qui prévaut habituellement dans de telles situations, qui demeurent rares. Il indique que la situation de chaque résident est réévaluée dans le but de déterminer le milieu qui conviendrait.

«Certaines personnes vont pouvoir continuer à profiter des services d’une résidence privée pour aînés, mais pour d’autres, c’est possible qu’ils soient redirigés vers une ressource intermédiaire ou un CHSLD», précise-t-il.

Par ailleurs, bien que les deux résidences soient fermées par ordre du CIUSSS, leur certification ne leur a pas encore été retirée. Cela pourrait se faire dans les prochains jours, si l’équipe chargée d’étudier le dossier juge que c’est nécessaire.