Selon Ève Lagacé, directrice générale de l’ABPQ, cette idée a déjà été adoptée par plusieurs villes nord-américaines, dont Chicago et Los Angeles, aux États-Unis, mais aussi au Canada. Au Québec, la ville de Baie-Comeau l’a fait en 2018, de manière temporaire. Cette mesure est devenue permanente en février 2020.
«Au bout d’un an, on a constaté une diminution de 35 % du nombre de livres non retournés. Ce sont les livres que la bibliothèque aurait complètement perdus. On a fait d’une pierre deux coups, on garde plus de livres et on donne une plus grande accessibilité à tous», affirme-t-elle.
Selon l’hebdomadaire Le Manic, de 2018 à 2019, la bibliothèque de Baie-Comeau a également connu une hausse d’abonnements de 22% et une hausse de son achalandage de 4 %.
Retards coûteux pour les familles
Si l’abolition des frais de retard peut inciter davantage les familles à profiter des services des bibliothèques publiques, c’est que ces frais peuvent rapidement devenir élevés.
«La vie va vraiment très vite et on peut facilement sauter une à deux journées pour le retour des documents. Ça peut faire en sorte qu’une personne seule paie 2 ou 3 $ de frais, mais pour une famille, ça peut monter rapidement à 15 $ si plusieurs documents sont en retard. Et souvent, quand ces frais sont aussi élevés, ces familles ne reviendront plus», explique Mme Lagacé.
Outre le portefeuille, le sentiment de honte de rapporter un document en retard peut également finir par faire en sorte qu’une personne préférera ne plus en emprunter, selon la directrice générale de l’ABPQ.
Enfin, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les frais de retard perçus par les bibliothèques ne servent pas forcément à améliorer leurs services ou bonifier leur catalogue, dit Mme Lagacé.
«L’argent s’en va à la Ville et peut être redistribué partout. Ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas une partie qui retourne aux bibliothèques, mais ce n’est pas une source de financement pour elles», affirme-t-elle.
Contreproductif
Selon Mme Lagacé, l’abolition des frais de retard aiderait par ailleurs les bibliothèques dans leurs efforts de promotion de la lecture.
«Avec les frais de retard, c’est comme si on venait contrecarrer ces efforts. Ça permettrait aussi d’encourager des échanges plus cordiaux avec les employés des bibliothèques, qui seraient approchées pour avoir des suggestions de nouveau roman à lire plutôt que pour savoir combien on leur doit», évoque-t-elle.
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’ABPQ fait cette sortie publique pendant la Grande semaine des tout-petits. On peut en effet penser que si les enfants lisent davantage, ils consacreront moins de temps aux écrans.
«On ne sera pas contre ça, d’utiliser les livres pour faire décrocher les enfants des écrans. Plus on leur donne accès à des livres variés et en grand nombre, plus on leur permet de développer un intérêt pour la lecture. Et présentement, alors qu’il n’y a pas beaucoup d’activités, avoir un accès facilité à la lecture, c’est une façon d’améliorer la vie des citoyens», estime Mme Lagacé.