C’est le pari que font Jean-Claude Ayotte et Stéphane Guay, qui viennent de faire les premières démarches visant à créer l’Action civique de Trois-Rivières, un parti à naître qui se voudrait une solution alternative à ce qu’ils considèrent être un manque de leadership du maire et une absence de ligne directrice dans les décisions prises par le conseil municipal. Si d’autres partis municipaux trifluviens n’ont connu que très peu de succès par le passé, l’Action civique a peut-être plus de chances de séduire.
Il est vrai que le contexte actuel, à l’hôtel de ville, est particulier. Le maire Jean Lamarche, arrivé en plein milieu du mandat du conseil en place, peine à installer son autorité malgré une volonté clairement énoncée lors de sa campagne électorale d’être le maire rassembleur dont Trois-Rivières avait besoin. Il fait plutôt face à des vents imprévisibles venant souvent du conseil même.
D’autre part, le conseil en place est en mal de cohérence dans plusieurs dossiers, si bien que certains conseillers poussent fort pour défendre leurs projets et leurs idées. Inévitablement, cela engendre des perceptions selon lesquelles les élus travaillent davantage pour leurs causes ou leurs intérêts personnels plutôt que pour le bien de la population en général.
Ajoutons à cela le fait que certains conseillers municipaux s’écorchent entre eux ou critiquent ouvertement le maire et cela donne un climat qui n’est certainement pas le plus propice pour développer et entretenir une saine communication et une cohésion au sein du conseil.
La création d’un parti politique municipal serait-elle la panacée contre ces maux? Certainement pas. Mais les électeurs auraient l’avantage de savoir à quelle enseigne logent les candidats de ce parti et avec qui ils sont naturellement disposés à travailler. Ce serait déjà une amélioration.
Trois-Rivières fait depuis longtemps figure d’exception dans le portrait politique municipal au Québec. Tous les conseillers y sont élus comme candidats indépendants, sans affiliation à un parti ou à une équipe, ce qui la distingue encore de plusieurs autres grandes villes. Il n’est pas rare de voir, après les élections, des équipes informelles se constituer ou voir des conseillers partageant certains intérêts travailler ensemble. Mais officialiser le tout et constituer des partis semble répugner autant les élus que la population.
Il y a quelques mois, l’artiste Jean Beaulieu lançait une pétition réclamant la formation de partis politiques à Trois-Rivières. Il affirmait alors que des «cliques nocives» paralysent la ville. Au fond, ce qu’il constatait, c’est que ce mécanisme de formation – subséquemment à une élection municipale – d’équipes partageant des idées ou des objectifs semblables, était nuisible à la bonne conduite de la gestion de la Ville.
Mais la pérennité fait défaut à ces alliances informelles. On ne semble pas vouloir s’embarquer dans des cadres aussi rigides que ceux d’un parti politique. André Lamy, qui avait été en 1994 le seul élu du Rassemblement pour l’action municipale (RAM), avait rapidement décidé de siéger comme indépendant par la suite. Il avait alors admis s’être joint au RAM uniquement parce que cela avait pour avantage de réduire les coûts d’une campagne électorale. «Pour le reste, disait-il, c’était un paquet de troubles!», avait-il commenté après coup.
C’est peut-être là que l’idée de MM. Ayotte et Guay devient intéressante: les deux hommes veulent prendre le temps de bien faire les choses et de franchir chacune des étapes essentielles à la création d’un parti sérieux. Ils veulent mobiliser la population autour de ce projet, pour que ce soit les membres du parti qui en établissent le programme, lors d’un congrès qui aura lieu cet hiver. Avant d’en arriver à cette étape, il devra toutefois y avoir un congrès de fondation du parti, d’ici le temps des Fêtes.
Les deux hommes souhaitent rallier des citoyens dans leur démarche et attirer des candidats intéressants. C’est un gros contrat, mais c’est loin d’être utopique. Il y a peut-être, enfin, une fenêtre qui s’ouvre pour un parti sérieux. En l’absence d’un maire de longue date à la tête du conseil, c’est peut-être un avantage. L’autre facteur à ne pas négliger est celui de l’expérience d’organisation politique des deux protagonistes. C’est peut-être ce qui a fait défaut au projet de Luc Gervais qui, en février dernier, faisait part de sa volonté de créer l’Union démocratique trifluvienne. Mais depuis, plus de trace de cette formation au Directeur général des élections du Québec.
Au-delà des alliances, des partis politiques ou des maires omnipotents, il sera important d’insuffler, au conseil de ville de Trois-Rivières, une réelle capacité de travailler en équipe. C’est ce qui fait le plus cruellement défaut actuellement.
Quant à savoir si un parti municipal est la bonne voie pour y parvenir, il est encore beaucoup trop tôt pour le dire.