Le premier ministre a qualifié la situation de «totalement inacceptable». Il a aussi confirmé, lors de son point de presse quotidien sur la pandémie de COVID-19, que deux enquêtes sont en cours, soit celle du coroner et une autre menée par le CIUSSS de Lanaudière, qui a sous son égide l’hôpital de Joliette.
«Je pense qu’il y a du racisme au Québec [et qu’il] faut combattre ce racisme. L’infirmière, ce qu’elle a dit, c’est totalement inacceptable. C’est raciste, elle a été congédiée», a affirmé M. Legault.
Joyce Echaquan se serait rendue à l’hôpital de Joliette dans les derniers jours pour des douleurs à l’estomac et serait morte peu de temps après s’être filmée en direct sur Facebook. L’Atikamekw de Manawan s’est filmée pendant plusieurs minutes alors qu’elle est attachée à une civière et qu’elle réclame de l’aide. Elle halète et hurle, manifestement agitée.
Dans l’extrait vidéo, on peut entendre du personnel de l’hôpital lancer des propos insultants et dégradants envers la femme atikamekw «T’es épaisse en câlisse»; «T’as fait des mauvais choix, ma belle. Qu’est-ce qui penseraient, tes enfants, de te voir comme ça?»; «C’est meilleur pour fourrer qu’autre chose.»
La vidéo, qui a largement circulé dans les médias sociaux, a déclenché une onde de choc et d’indignation.
Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière a indiqué par courriel avoir été mis au courant de la situation, lundi en fin de journée. La direction a indiqué qu’elle ne tolère aucun propos de ce type de la part des membres de son personnel au sein de l’organisation. L’organisation a d’ailleurs confirmé le congédiement d’une infirmière.
«Si ce qui nous a été rapporté est vrai, c’est inacceptable. Une enquête est en cours afin de faire la lumière sur les événements survenus au cours de la journée d’hier (lundi) et nous prendrons les mesures nécessaires, suivant les résultats de l’enquête», note Hélène Gaboury, porte-parole du CISSS de Lanaudière.
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Le Bureau du coroner a confirmé mardi avoir ouvert une investigation sur les causes et circonstances de ce décès. C’est le coroner André Cantin qui en sera responsable. Il s’agit de la procédure normale lorsqu’un décès survient dans des circonstances obscures.
Mais une telle investigation n’est pas suffisante pour éradiquer le racisme, estime Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL).
«Une enquête du coroner ne doit pas être une occasion pour le gouvernement de se défiler de ses responsabilités. Un rapport du coroner ne viendra rien changer sur le racisme dont fait preuve le personnel infirmier. C’est une question d’attitude et une question de culture», a-t-il déclaré mardi lors du dévoilement du Plan d’action de l’APNQL sur le racisme et la discrimination à l’endroit des Premières Nations du Québec.
M. Picard souhaite que le gouvernement en fasse plus.
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Nombreuses réactions
La ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours, a tenu à réagir à la situation qu’elle a qualifiée d’«alarmante».
«Nous voulons savoir ce qui s’est produit. Une enquête est actuellement en cours, afin de faire la lumière sur ce drame. Quels que soient les résultats de cette enquête, les propos entendus sont inacceptables et intolérables.»
Le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, a lui aussi réagi par le biais de Twitter.
«Les événements choquants entourant la mort tragique de Joyce Echaquan doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et complète», a-t-il écrit.
Les citoyens sont choqués et veulent le faire savoir. Plusieurs événements sont déjà organisés, pour dénoncer et pour soutenir les proches de Joyce Echaquan et les communautés autochtones.
Le projet Iskweu du Foyer pour femmes autochtones de Montréal organise une manifestation pacifique nommée «Justice pour Joyce» à Montréal, ce samedi.
«La violence et le racisme dont Joyce Echaquan a souffert sont partout, mais souvent invisibles. Cependant, elle a pu courageusement enregistrer ses appels à l’aide à sa famille et dénoncer le racisme et la négligence que les peuples autochtones endurent quotidiennement, dans son cas avec des conséquences tragiques», a affirmé Nakuset, directrice générale du Foyer pour femmes autochtones de Montréal.
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Les politiciens ont aussi été nombreux à dénoncer la situation. Le chef par intérim du Parti québécois, Pascal Bérubé, a souligné que personne ne méritait un tel traitement.
«Mais il y a un facteur aggravant. Je suis convaincu que ces propos ont été tenus parce qu’elle est autochtone. Et je condamne fortement ce qui s’est dit», a-t-il dit.
«À titre de députée de Joliette, j’offre mes condoléances à la famille de Joyce Echaquan et à la communauté de Manawan, qui reçoit ma solidarité face à ces événements extrêmement graves qui enragent et arrachent le (cœur)», a écrit sur Twitter la députée Véronique Hivon.
«Je ne peux que condamner les propos que j’ai entendus [et ce] de manière non équivoque. [...] J’ai trouvé ça particulièrement choquant de voir et d’entendre ces propos», a pour sa part dénoncé la cheffe libérale Dominique Anglade.
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La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, appelle pour sa part le gouvernement de la CAQ à mettre les bouchées doubles pour appliquer les appels à l’action de la Commission Viens.
«Le premier ministre aura beau jouer sur les mots, la réalité, c’est que les Autochtones vivent du racisme systémique tous les jours dans nos institutions. […] À chaque fois, on a dit: plus jamais. Mais ça arrive encore et la blessure, elle, ne guérit pas», a-t-elle indiqué.
Manon Massé implore le gouvernement de passer en deuxième vitesse et appliquer le plus rapidement possible les appels à l’action du rapport de la Commission Viens.
«Le nœud du problème, c’est le système. Pour le dénouer, ça nous prend de l’éducation, de la sensibilisation et de la formation. Demain, c’est le premier anniversaire du rapport de la Commission Viens, qui pointe du doigt le mauvais traitement des personnes autochtones par nos institutions publiques. Qu’est-ce que fait la ministre D’Amours? Elle pointe les leaders Autochtones du doigt plutôt que de prendre ses responsabilités. Il faut des actions. Et surtout, il faut un dialogue de Nation à Nation», conclut Manon Massé.