Le Panier Bleu en quête d’une raison d’être

OPINIONS / En plein pandémie, le gouvernement et plus spécifiquement le ministre Pierre Fitzgibbon annonçait le Panier Bleu.


Avec pour principal objectif de favoriser l’achat local, ce site web devait devenir à la fois un portail qui donne accès aux produits et services du Québec et une alternative au géant américain du web. Le projet a initialement soulevé la curiosité des gens et l’intérêt du milieu bien qu’aucune véritable définition de l’initiative du gouvernement n’ait été mentionnée lors de la présentation.

Comme la majorité des Québécois, j’ai tenté l’expérience du Panier Bleu rapidement et comme la majorité des Québécois, je suis tombé sur une page d’erreur et un accès refusé. Le serveur était en surcharge. Ce qui était d’autant plus décevant était que le site à ce moment-là était hébergé sur des serveurs américains. Il y a mieux comme premier contact. Comment une telle erreur de jugement a-t-elle pu avoir lieu?

C’est après deux jours que l’accès au site a été rétabli et je pense qu’il aurait été souhaitable qu’il ne le soit pas puisque hors service, je pouvais encore espérer à un site valable. Je suis un professionnel de l’industrie du Web depuis 21 ans, mais mon premier contact avec le site s’est cependant fait sous l’angle d’un consommateur. Le nombre de bogues fonctionnels dans la première mouture du site était tellement important que cela m’empêchait de m’arrêter aux fonctionnalités du site. J’ai écrit le jour même aux webmestres via l’adresse de contact indiquée dans le site pour soulever au moins dix erreurs et mauvaises pratiques qui donnaient des allures de simple maquette au site web. Un site clairement mal-né. Je n’aurais jamais osé présenter un tel site si mon entreprise en avait été l’auteur.

J’ai quand même persisté et j’ai tenté de voir là un site web pertinent et qui trouvera sa place sur Internet, mais le Panier Bleu n’est qu’un index. Pire encore, un index basé uniquement sur l’inscription manuelle des entreprises. Aucune des entreprises déposées au registre des entreprises du Québec n’y figurait par défaut. Pour ajouter à l’insulte, le Panier Bleu est un index mal présenté et nullement convivial.

J’ai maintenu mon intérêt pour le site. Après tout le gouvernement allait y investir des centaines de milliers de dollars. Mes espoirs de voir surgir du site une fonctionnalité unique et innovante étaient élevés. Quelque chose qui allait faire du Panier Bleu un outil essentiel pour les acheteurs en ligne.

Après quelques mois d’évolution et de relatives amélioriations, je suis forcé de constater que le Panier Bleu a repris exactement où la Toile du Québec a quitté au début des années 2000. Il semble que nous n’ayons rien appris, rien compris et en aucun temps, les véritables habitudes des consommateurs en ligne ont été prises en considération dans la conception de ce projet financé par le gouvernement. Le Panier Bleu, c’est aujourd’hui une carte de géolocalisation des commerçants du Québec. C’est Google Maps en mode Québec, en moins beau, en moins pratique.

Encore là, tentons d’y voir du positif car après tout, les gens recherchent des produits en ligne. Pourquoi pas leur offrir une façon d’accéder aux produits d’ici? Il faut alors avoir une petite idée sur les habitudes des acheteurs. C’est Amazon et pas Google qui détient la première position en Amérique pour la recherche sur des produits. Les consommateurs veulent un accès direct aux produits et services et non pas fureter un index et départager eux-mêmes les commerçants valables, situés à proximité, qui détiennent le produit en inventaire et qui l’offrent au juste prix. Amazon semble mieux répondre à plus d’un de ces critères et c’est pourquoi les internautes sautent l’étape Google lorsque vient le temps d’acheter un produit. Ils finissent plus souvent qu’autrement par acheter chez Amazon de toute manière.

Le Panier Bleu c’est un ancien modèle d’affaires qui ne répond plus aux attentes. De plus, il référence autant les commerçants sans site web que ceux qui sont en mesure d’offrir leurs produits et services en ligne. Il devrait plutôt présenter les produits dans un vaste catalogue et un outil de recherche avancé, offrir un processus d’achat unifié, une garantie de disponibilité, un suivi après-vente. Et pour les commerçants, le Panier Bleu devrait agir comme le plus important «MarketPlace» du Québec en offrant une solution logistique et fonctionnelle aux plus fréquents problèmes. Vous pensez à Shoooping? Oui, mais bien fait et avec une traction auprès des acheteurs. Si nous souhaitons véritablement avoir une alternative à Amazon, on s’y prend bien mal.

Le Panier doit s’affranchir du gouvernement et devenir une entreprise privée qui trouvera sa place sur le web par sa pertinence et sa compétitivité vis-à-vis d’autres Marketplace qui verront le jour au Québec. Si le gouvernement souhaite véritablement jouer un rôle actif pour faciliter le maillage entre les consommateurs et les commerçants d’ici, aussi bien adresser les véritables nœuds des entreprises d’ici au niveau du E-com: 1. Les frais d’expédition qui rendent la compétition avec Amazon impossible; 2. La désorganisation de bon nombre de commerçants et l’absence de base de données structurée sur leurs produits qui comporte les renseignements nécessaires à la mise en marché; 3. Les problèmes logistiques d’approvisionnement et d’expédition dans un contexte de vente en ligne.

Malgré tout ça, le Panier Bleu est-il moyennement pertinent? Offre-t-il une solution pour les acheteurs? Les statistiques auxquelles j’ai accès semblent indiquer le contraire. Une des informations clés pour connaître l’importance d’un site et la notion de «référent», c’est-à-dire de quel site provient un visiteur avant d’en accéder à un autre. Cette donnée est disponible pour les spécialistes en marketing Web. Parmi l’ensemble des données dont j’ai accès pour plusieurs commerçants majeurs du Québec, le Panier Bleu ne figure pratiquement nulle part sur le radar alors que Google/Bing compte pour plus de 35 % des visiteurs de ces sites. Le Panier Bleu ne compte que pour 0,001 % des référents depuis le printemps. Très peu de gens choisissent donc de l’utiliser pour rechercher un produit ou service.

Gaëtan Bouchard
Trois-Rivières