Chronique|

Et si on achetait un livre québécois?

ÉDITORIAL / Nous sommes le 12 août. Chaque année depuis 2014, cette journée est consacrée, dans le milieu du livre, au livre québécois. Une sorte de campagne d’achat local visant à encourager des auteurs québécois, qu’ils publient des romans, des essais, des biographies, de la poésie ou des livres pratiques. C’est l’occasion de donner un coup de pouce aux auteurs d’ici, un coup de pouce qui prend un sens encore plus fort en ces temps de pandémie.


Il y a sept ans, les auteurs Patrice Cazeault et Amélie Dubé lançaient cette initiative en invitant la population à acheter un livre québécois. Au fil des ans, les libraires ont embarqué dans ce mouvement et adaptent maintenant leur offre et leur programmation d’activités – lorsqu’ils peuvent en organiser – en fonction de cette journée.

En temps normal, les auteurs québécois peuvent promouvoir leurs ouvrages dans des lancements, dans des activités en librairie ou dans des salons du livre. Depuis mars, de nombreuses activités de ce genre ont évidemment été annulées. Les salons du livre de Trois-Rivières et de Québec, notamment, ont été parmi les premiers grands rassemblements à tomber.



En début de pandémie, la fermeture des commerces non essentiels a fait mal aux librairies, même si plusieurs d’entre elles se sont rapidement tournées vers la vente en ligne. Puis, avec la réouverture au public, on a rapidement noté un achalandage assez étonnant dans plusieurs de ces commerces. Le confinement aurait eu un impact positif sur les habitudes de lecture. Et avec l’arrivée de la belle saison, de nombreux lecteurs ont voulu faire le plein de livres.

À l’heure où l’on cherche à favoriser l’achat local et à encourager les producteurs ou les commerçants locaux, il semble tout naturel de prôner le même type de comportement pour la consommation de livres.

Outre cette journée «J’achète un livre québécois», d’autres initiatives ont vu le jour au cours des derniers mois. L’auteure jeunesse Nadine Descheneaux a lancé, en avril, le mouvement #jelisbleu sur les réseaux sociaux afin d’inciter la population à acheter des livres québécois. Il s’agit d’une belle appropriation du concept de Panier bleu, lancé par le gouvernement du Québec pour favoriser l’achat de produits québécois. L’initiative a été relayée par de nombreux auteurs et éditeurs québécois.

Également, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) a lancé la campagne #JeLisLocal, qui invitait ses éditeurs membres à promouvoir des livres québécois et franco-canadiens. L’initiative a été prolongée pour tout l’été.



Selon l’ANEL, environ la moitié des livres vendus au Québec sont écrits au Canada en langue française. Le directeur général de l’organisme, Richard Prieur, remarquait récemment qu’avant l’adoption de la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre (loi 51), en 1981, le pourcentage de livres québécois vendus dans les librairies n’était que de 15 %.

Au Québec, le gouvernement a mis en place le Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition, destiné à tous les intervenants de la chaîne du livre, des auteurs jusqu’aux libraires, et visant à accroître la production et la diffusion de titres québécois. Par ce programme, Québec souhaite consolider l’industrie québécoise de l’édition, soutenir la diffusion de produits québécois d’édition, la création de nouveaux marchés et l’expansion des marchés existants, permettre l’accessibilité physique à un prix raisonnable des produits québécois d’édition, contribuer au développement et au maintien d’un réseau de librairies professionnelles dans toutes les régions du Québec et, de façon plus générale, promouvoir la lecture.

À la fin juin, la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, a d’ailleurs annoncé l’octroi de 6,8 millions de dollars supplémentaires à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour aider le milieu du livre, durement frappé par les conséquences économiques de la crise de la COVID-19. La bonification du programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition fait partie des moyens par lesquels le gouvernement veut déployer cette aide.

Mais au-delà des différentes formes d’aide gouvernementale, l’industrie du livre au Québec a surtout besoin d’une chose: l’appui des lecteurs. Pourquoi ne pas profiter de ce 12 août pour acheter un ouvrage québécois, dans une librairie locale? On a déjà fait preuve d’une belle solidarité envers nos producteurs agricoles, nos restaurateurs, nos artisans, nos commerçants, nos entreprises locales; on devrait pouvoir faire de même pour nos auteurs, nos éditeurs et nos libraires.