La valeur thérapeutique des occupations

OPINIONS / Un soir par semaine, ma grand-maman et moi discutons par téléphone pour prendre mutuellement de nos nouvelles.


Dernièrement, j’ai reçu son appel à une heure inhabituelle. Avec une certaine détresse dans la voix, elle me confie alors qu’elle n’a plus de laine pour continuer ses tricots. Devant cette situation, certains pourraient y voir une réaction excessive. Or, pour moi, en tant que petite-fille et ergothérapeute, il s’agissait d’une urgence! Confinée à son domicile, ma grand-maman n’avait plus accès à l’une des occupations qui contribue à son bien-être, particulièrement en ce temps d’isolement.

Pouvoir des occupations

Encore aujourd’hui, en dépit de sa pertinence, la vision ergothérapique de l’être humain en tant qu’être occupationnel demeure peu connue. Le concept d’ergothérapie vient des termes grecs ergon (qui signifie «activité») et therapia (qui signifie «soin»). L’engagement dans des occupations significatives est ainsi défini comme un besoin fondamental de l’être humain (Polatajko, Davis et al., 2013). En effet, tout individu accomplit des occupations (ex.: se nourrir) à travers la réalisation d’activités (ex.: choisir les aliments qui composent le repas, goûter les textures des aliments, préparer le repas) et au sein de différents contextes (ex.: s’alimenter seul[e] ou en famille), qui contribuent à sa santé et son bien-être. En somme, le degré de réalisation et de satisfaction relatif aux occupations accomplies définit la valeur et le sens donné à sa vie.

Parmi l’éventail des enjeux révélés par la pandémie liée à la COVID-19, le fait d’être privé de réaliser une occupation significative frappe durement les populations vulnérables, notamment les aînés. La situation sanitaire actuelle est l’occasion pour chacun(e) de réfléchir à l’importance des occupations (et du choix de celles-ci) accomplies pour sa santé et son bien-être. Les occupations changent, évoluent, mais l’objectif demeure le même: l’accomplissement de soi pour son bien-être et celui d’autrui. Or, actuellement, les aînés vivent plusieurs privations occupationnelles (ex.: contacts sociaux limités), qui mettent leur santé et leur bien-être à rude épreuve.

L’importance de la participation occupationnelle

La maltraitance organisationnelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux, c’est-à-dire toute situation préjudiciable créée ou tolérée par les procédures d’organisations responsables d’offrir des soins ou des services de tous types, qui compromet l’exercice des droits et libertés des personnes, fut récemment dévoilée au grand jour. Elle nous amène à porter un regard critique sur la manière dont les structures sociétales et leur mode de fonctionnement actualisent (ou non) nos valeurs telles que la dignité et la bientraitance.

Devant la volonté gouvernementale de revoir l’organisation des centres d’hébergement et de soins de longue durée, la valeur thérapeutique des occupations doit être rappelée afin de soutenir le rétablissement de l’équilibre occupationnel (c’est-à-dire la distribution satisfaisante des activités accomplies au quotidien) grandement fragilisé des aînés. Leur participation à des occupations importantes et porteuses de sens pour eux est une clé indispensable à l’amélioration de leurs conditions de vie.

Plusieurs aînés appréhendent l’automne prochain avec l’évolution de la situation sanitaire. Chacune et chacun de nous doivent prendre part aux efforts préventifs visant à soutenir la participation occupationnelle des aînés, peu importe leur milieu de vie. Utilisez la lunette occupationnelle afin de réfléchir aux petits gestes qui peuvent faire une différence auprès de vos proches aînés. Vous serez à même de le constater: le soutien apporté dans la réalisation d’une occupation qui compte pour eux sera l’un de vos plus beaux cadeaux.

Ce peut être aussi simple que de procurer des pelotes de laine. Ma grand-maman en était ravie et mon cœur de petite-fille, soulagé.

Mélanie Ruest, ergothérapeute et stagiaire postdoctorale à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR),

Marie-Josée Drolet, ergothérapeute, éthicienne et professeure à l’UQTR, 

Marie-Michèle Lord, ergothérapeute et professeure à l’UQTR, 

Chantal Viscogliosi, ergothérapeute et professeure à l’Université de Sherbrooke,

Chantal Pinard, ergothérapeute et agente de recherche à l’Université du Québec à Trois-Rivières.