Est-il risqué de donner son plasma?

Le sang contient 55 % de plasma, un liquide jaunâtre fait à 90 % d’eau et d’un mélange de multiples molécules.

Q: «Les personnes guéries de la COVID-19 et qui offrent leur plasma dans le but que leurs anticorps soient donnés à des malades perdent-elles leur immunité?» demande Suzanne Bujold, de Québec.


R: «Non, car on ne récolte aucune cellule immunitaire», répond Philippe Bégin, immunologue et professeur à l’Université de Montréal, en charge d’une grande étude clinique qui vise à vérifier si le plasma des personnes guéries de la COVID-19 pourrait être utile aux personnes encore malades.

Le plasma est la partie liquide du sang, dans laquelle baignent les globules rouges, qui transportent l’oxygène, les globules blancs, qui assurent l’immunité, et les plaquettes, de gros fragments de cellules issues de la moelle osseuse qui servent principalement à la coagulation. Le sang contient 55 % de plasma, un liquide jaunâtre fait à 90 % d’eau et d’un mélange de multiples molécules. On y retrouve notamment les gaz respiratoires (oxygène et gaz carbonique), des substances en transit comme des nutriments provenant de l’alimentation et les déchets du métabolisme, et des milliers de types de protéines qui ont diverses fonctions. Parmi celles-ci, se trouvent les immunoglobulines produites par les cellules de l’immunité. Et parmi les immunoglobulines, se trouvent les anticorps, produits par les lymphocytes T, qui servent à neutraliser des agents extérieurs tels que le virus SARS-Cov-2. Pour celui-ci, on croit que la production d’anticorps serait à son maximum environ un mois après le début des symptômes, et persisterait au moins quelques mois.

Lors d’un don de plasma, le sang de la personne est directement acheminé à une machine qui le centrifuge pour en séparer la partie liquide. Le reste est aussitôt renvoyé directement dans le sang du donneur, qui retrouve donc, entre autres, ses globules blancs. Les dons de plasma sont une pratique courante et bien rodée, c’est grâce à eux qu’on peut notamment obtenir des immunoglobulines qui servent à traiter les personnes atteintes de certains déficits immunitaires. L’apharèse, la technique dans laquelle le sang prélevé passe dans la machine et est directement réinjecté, est parfaitement au point et sécuritaire. L’an dernier, par exemple, près de 15 000 personnes ont donné du plasma à Héma-Québec pour qu’on en extrait des immunoglobulines.  

À chaque don, environ 0,75 litre de plasma est collecté, pendant que le donneur reçoit un soluté et boit de l’eau pour compenser cette perte de liquide. Tout ce processus est bien décrit en vidéo par Héma-Québec qui explique à quoi s’attendre et ce qu’il se passe après

Les globules blancs retournés dans le corps du donneur sont parfaitement aptes à produire de nouveaux anticorps. Ils s‘ajoutent aussi à tous ceux qui n’ont pas été prélevés – on a en moyenne 5 litres de sang, et de 20 à 50 millions de globules blancs. Il n’y a aucune crainte à avoir qu’un don de plasma amoindrisse sa capacité à produire des anticorps. 

Dans le corps du receveur, les anticorps pourraient potentiellement agir pour donner un coup de pouce au système immunitaire… jusqu’à ce qu’ils finissent par disparaitre, après quelques semaines ou mois. Cette stratégie d’immunisation passive a déjà été utilisée par le passé, avec des succès variables, et elle est essayée à chaque nouvelle épidémie. Quelques résultats encourageants ont déjà été publiés pour la COVID-19 et plusieurs essais ont démarré.

La grande étude clinique pilotée par Philippe Bégin est réalisée en collaboration avec Héma-Québec, la Société canadienne du sang et le New York Blood Center, et vise à vérifier si le plasma peut être utile pour aider des gens malades à combattre le virus, et à quelles conditions. Les donneurs sont invités à s’inscrire. Pour l’instant, une cinquantaine de sites (dont une quinzaine au Québec) peuvent les recevoir pour un don de plasma, qui dure environ 45 minutes, et qu’on peut recommencer tous les six jours (comme on ne perd aucune cellule, on n’a pas à attendre que celles-ci se reproduisent, comme c’est le cas après un don de sang). Dans le cadre de cette étude, les femmes qui ont déjà été enceintes (même si la grossesse n’a pas été menée à terme) ne sont pas admissibles, car leur plasma contient des anticorps contre le non-soi qu’il faudrait éliminer avant de transfuser le plasma.

Au total, les chercheurs vont inclure 1200 patients dans leur étude : les deux tiers vont recevoir le plasma et le dernier tiers servira de groupe contrôle. Le recrutement des patients débutera dans quelques jours et les premiers résultats sont espérés pour dans six mois.

___

La COVID-19 suscite énormément de questions. Afin de répondre au plus grand nombre, des journalistes scientifiques ont décidé d’unir leurs forces. Les médias membres de la Coopérative nationale de l’information indépendante (Le Soleil, Le Droit, La Tribune, Le Nouvelliste, Le Quotidien et La Voix de l’Est), Québec Science et le Centre Déclic s’associent pour répondre à vos questions. Vous en avez? Écrivez-nous. Ce projet est réalisé grâce à une contribution du Scientifique en chef du Québec, qui vous invite à le suivre sur Facebook, Twitter et Instagram.