«Je pense que ce qui fonctionne en ce moment va probablement rester après la pandémie», commente la journaliste du Nouvelliste. «Les gens n’ont pas de salles à louer ou de buffets à préparer! Il y a un paquet d’avantages à organiser des conférences de presse avec des plate-formes comme Zoom ou Teams.»
«Mais il ne faudrait pas que ça entrave notre travail ou encore, l’exercice normal d’une conférence de presse», ajoute-t-elle.
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«À la base, c’est un exercice démocratique, particulièrement pour les organisations publiques. J’ai un gros problème avec les conférences de presse qui se font comme des adresses à la nation sur Facebook ou toute autre plate-forme. Par la suite, les journalistes peuvent adresser leurs questions par téléphone, courriel ou par le service des communications, mais on écarte alors l’exercice démocratique. On est dans la relation publique, le contrôle du message.»
Aux plans national et international, les journalistes doivent déjà s’ajuster aux politiciens qui s’adressent à la population sans filtre, rappelle Mirelle Lalancette, professeure titulaire en communication politique à l’Université du Québec à Trois-Rivières et membre du Groupe de recherche en communication politique.
«Les nouvelles technologies ont changé beaucoup de choses», rappelle-t-elle. «On voit des gens qui contournent le filtre médiatique ou qui se servent des médias sociaux pour parler aux organisations médiatiques. Nous avons vu Pierre-Karl Péladeau, qui était avant-gardiste avec ses annonces sur son site Facebook. Donald Trump a rendu les journalistes esclaves de Twitter.»
Mme Vermot-Desroches rappelle que plusieurs plate-formes permettent un échange en direct entre les intervenants et les journalistes, pour garder cette spontanéité et vérifier, par exemple, la maîtrise d’un dossier.
La combinaison de Facebook Live et de la conférence téléphonique adoptée par le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie - Centre-du-Québec pour faire le point pendant la pandémie représente un modèle intéressant, analyse la journaliste.
«Ces outils sont là, mais encore faut-il une volonté de les utiliser.»
Pour la présidente de la FPJQ-Mauricie, la diffusion de l’information sans intermédiaire journalistique ne représenterait pas un gain pour la population régionale.
«Le public y perdra toujours quand nous n’aurons pas la possibilité de confronter les organisations qui doivent leur répondre», tranche-t-elle.
«À travers tout ça, c’est important de rappeler le rôle du journaliste, qui est le chien de garde de la démocratie, l’empêcheur de tourner en rond. C’est la différence entre un message totalement calculé de relations publiques et un exercice qui fait qu’un gouvernement doit rendre des comptes.»
Inconvénients
Mme Lalancette convient que la pandémie a accéléré l’utilisation de plate-formes pour diffuser un message. Elles comportent des avantages pratiques, mais aussi des inconvénients pour les journalistes, selon elle.
«Ces technologies sont axées sur la tâche, mais on perd une partie de la dimension relationnelle. Sur ces plate-formes, on ne voit qu’une partie de la personne, son visage. Ce qui est intéressant des relations en direct, c’est le regard, le non-verbal, le langage corporel, les oeillades... Tout ça permet de voir les réseaux, qui est important, qui l’est moins. Le travail d’investigation journalistique sera peut-être amputé.»
Par contre, pour certaines annonces et compte tenu des conditions climatiques qui peuvent compliquer les déplacements, les visioconférences pourraient devenir une bouée de sauvetage. Mme Lalancette voit très bien les deux méthodes évoluer ensemble.
En ce qui concerne la traditionnelle mêlée de presse autour d’un intervenant, elle ne respecte certainement pas les mesures de distanciation sociale en vigueur, convient Mme Lalancette.
«Ça, c’est terminé pour un bout de temps!», souligne-t-elle. «C’est certain que les journalistes devront perdre ce réflexe.»
«C’était une façon de travailler; il faudra en trouver d’autres», convient Mme Vermot-Desroches. «C’est contraignant, dans la mesure où nous devrons nous réinventer. Mais ça ne nous empêchera pas de faire notre travail. Le scrum était facilitant et efficace, mais il y a possiblement d’autres formes d’intervention qui finiront par émerger.»