Religion et COVID-19: mauvais mélange?

Le professeur Ghyslain Parent de l’UQTR.

TROIS-RIVIÈRES — Au plus fort de la pandémie, en Italie, le pape François a invité «ses prêtres à se rendre assister les malades et plus de 70 parmi ceux-ci mourront au combat. François demande aux catholiques de se rapprocher des aînés. Deux gestes fortement déconseillés par les autorités médicales», signale le professeur Ghislain Parent du département des sciences de l’Éducation à l’UQTR.


À Boisbriand, au Québec, certains croyants juifs «avaient des doutes quant à la présence d’un danger réel et nombreux étaient les individus qui croyaient que leur foi les protégerait du virus. Certains pensaient que les prières en groupe étaient nécessaires pour obtenir la miséricorde et la pitié de leur ami invisible». Plusieurs de ces personnes en sont mortes, dit-il.

En Louisiane, des centaines de fidèles, parfois massés dans des autocars, ont tenu à assister à la cérémonie organisée par le pasteur Tony Spell. «Les virus se nourrissent de la peur. Je n’ai pas peur; j’ai la foi», a expliqué l’une des participantes présentes malgré les interdictions des autorités sanitaires.



«En Afrique, la prière et l’eau bénite demeurent des moyens pour guérir cette maladie mortelle», renchérit le professeur Parent.

Face à la crise de la COVID-19, ce chercheur avait envie plus que jamais de s’exprimer, en particulier sur les dérives religieuses qui portent certains croyants à poser des gestes contraires aux recommandations de la santé publique et à mettre ainsi en danger leur vie et celle des autres.

Ghyslain Parent, qui s’occupe de laïcité au Québec depuis 20 ans, qui travaille à faire disparaître le cours d’éthique et culture religieuse des écoles et qui a également travaillé avec des victimes d’abus sexuels perpétrés par des prêtres, se dit très conscient que ses propos vont «heurter les croyants».

«Les croyants vont être heurtés par mes discours, mais je suis plus heurté encore par ce qui se vit», fait-il valoir.



En ce temps de pandémie, le chercheur dénonce les croyances voulant que les maladies comme la COVID-19 soient une décision divine et qu’il existe des incantations qui permettraient d’en conjurer les effets.

Le professeur Parent vient de publier le tout premier chapitre de son futur livre sur le sujet sur le site web de l’Association humaniste du Québec. Son livre devrait être prêt d’ici deux ou trois mois, prévoit-il.

Il tient à «recueillir des informations pour les chercheurs du futur». Les reportages qu’il peut consulter en ligne aux quatre coins du monde, en français et en anglais, lui donnent une abondante matière à réflexion.

Le professeur Parent constate que pour certaines personnes, mourir de la COVID-19 en suivant les commandements de Dieu «est une belle et sainte mort».

Au Brésil, «certains voyaient en leur propre mort une garantie d’entrer dans le Royaume en estimant qu’ils donneraient leur vie pour faire les volontés du Seigneur», raconte-t-il.

Le chercheur n’y voit rien d’altruiste ou de glorieux. «Ils ne pensaient qu’à eux et ignoraient superbement les risques de contamination qu’ils faisaient courir à leur famille, à leurs proches, aux autres», déplore-t-il.



Le professeur Parent se réjouit que de nos jours, «la majorité des Québécois ont laissé tomber ces enseignements et peu de personnes croient en des dogmes aussi rigoureux».

«Certes, de bons ‘‘aînés’’ vont parler du soutien de Dieu pour guérir ou être préservés du virus. Cependant, ils vont préférer se tourner vers la science, représentée par le bon docteur Arruda, pour une éventuelle guérison», dit-il. «Les faits montrent que les Québécoises et les Québécois ne se laisseront pas berner par un quelconque apôtre manifestant de tels délires religieux», ajoute-t-il.

Bref, Ghyslain Parent invite à une grande prudence face aux dérives religieuses en lien avec la crise mondiale en cours. Même si la science n’a pas encore trouvé de remède à la pandémie, reste que ses recommandations, soit la distanciation sociale et le lavage des mains, demeurent à ce jour les meilleures armes pour prévenir des décès. Être un bon croyant n’en est pas une, plaide-t-il.