Avant de les suspendre sur la corde à linge, à l’air libre et sous le soleil du printemps…
Ce n’est pas une directive de santé publique, davantage un clin d’œil pour nous faire décrocher un sourire.
Son sens de l’humour est unique. Aussi lumineux que le ciel bleu de la photo accompagnant cette chronique.
Comme chacun d’entre nous, Marie-Sol se serait passée de cette crise de la COVID-19. Elle qui avait si hâte d’aller à la rencontre des lecteurs pour leur présenter son plus récent ouvrage – Se relever sans mains ni pieds - n’a pas le choix de prendre son mal en patience.
Des salons du livre ont été annulés, tout comme les conférences et ateliers qu’elle anime avec son conjoint, sans parler du vernissage où ses nouvelles toiles devaient être exposées.
Au moment où Marie-Sol et son chum, deux travailleurs autonomes, avaient l’impression d’être sur le X, de bénéficier enfin d’une stabilité professionnelle, arrive cette menace du coronavirus les obligeant à rester à la maison, à se mettre sur pause, eux dont la vie a été bouleversée à jamais par une bactérie.
«Mauvais timing...»
Marie-Sol est évidemment déçue de la tournure des événements, mais ne perd pas sa bonne humeur pour autant. S’il y a quelqu’un qui sait à quel point le plus important en ce moment, c’est la santé, c’est bien cette femme plus grande que nature, même sans jambes.
Son histoire nous a tous marqués. Elle débute le 8 mars 2012. Artiste-peintre établie à Trois-Rivières, Marie-Sol avait 34 ans lorsqu’elle a été foudroyée par une infection au streptocoque du groupe A, surnommée bactérie mangeuse de chair.
La mère de deux garçons a frôlé la mort avant de se réveiller, amputée de ses quatre membres, mais avec une rage de vivre qui n’a rien d’un cliché lorsqu’on juxtapose l’expression à celle que nous connaissons par son prénom.
J’ai beau chercher, je ne trouve pas une autre image pour décrire cette femme qui était toujours hospitalisée lors de ma première rencontre avec son conjoint, en mai 2012.
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Le pire était passé, mais tout était à réinventer. Alin Robert était partout en même temps. Au chevet de Marie-Sol qui s’apprêtait à amorcer une longue période de réadaptation, à Montréal, et à la maison, avec leurs fils qui devaient apprivoiser cette nouvelle vie qui se dessinait pour eux aussi.
«Ils ont l’exemple d’un papa qui est resté pour son amoureuse, qui a joué son rôle de père. Quand je n’étais pas là, Alin était là pour eux. Il les réconfortait», souligne Marie-Sol avec une infinie reconnaissance pour le dévouement de son chum.
La capacité de cette famille à surmonter le choc d’une quadruple amputation s’est exprimée dès le début et ne s’est jamais démentie.
«Je ne peux pas croire que l’être humain est conçu pour s’apitoyer sur son sort. Ce n’est pas dans notre nature, à Marie-Sol et moi. Il ne s’agit pas de se répéter ‘‘Pourquoi?’’, mais de se dire, maintenant, comment on trouve des solutions», m’avait dit Alin avec une certitude absolue.
Je les avais revus ensemble, deux ans plus tard. Le couple faisait la tournée d’écoles secondaires pour parler de persévérance. J’étais aussi captivée que les adolescents en les écoutant leur expliquer la théorie du verre à moitié plein. Je me souviens de m’être également glissée dans la file pour serrer la main robotisée de Marie-Sol, mon idole depuis.
Elle m’a accueillie chez elle avant que la Terre n’arrête de tourner en raison du coronavirus et qu’Horacio nous invite fortement à garder nos distances. Ça ne fait pas si longtemps même si on a l’impression que c’était dans une autre vie.
Au moment de prendre la photo avec son livre, Marie-Sol s’est levée de son fauteuil roulant pour se tenir fièrement debout sur ses prothèses. «C’est récent, depuis l’été dernier. J’ai maintenant la confiance de me lever toute seule.»
La femme de 42 ans a gagné de l’assurance à force d’arrêter d’avoir peur de tomber, d’apprendre à «se relever sans mains ni pieds»… Comme le titre de son livre.
Marie-Sol St-Onge écrit au «je», avec le recul des dernières années, en sachant pertinemment qu’on a tous cette question en tête: «Comment tu fais pour vivre avec quatre membres en moins?»
La femme de 42 ans répond à travers un récit où elle aborde en profondeur, sans détour, les obstacles qu’elle a dû traverser durant sa réadaptation. Elle nous livre aussi ses réflexions face au regard de l’autre, au sujet de la féminité, la famille et tous les défis qui se présentent à elle depuis huit ans.
Si, comme moi, vous la suivez sur les réseaux sociaux, vous êtes à même de constater à quel point Marie-Sol – et Alin à la mise en scène et derrière la caméra – ne ratent jamais l’occasion de s’amuser avec leur quotidien atypique.
«On aime mieux en rire que d’en pleurer», dit-elle comme si ça allait de soi pour tout le monde.
«On a du fun à faire ça. Ça nous met un sourire dans le visage!»
Et à nous aussi.