Sa réaction ne vient pas juste du fait qu’en avril prochain, ça fera deux ans que les victimes attendent ce fameux jugement, mais également parce que la CAVP n’arrive plus à faire avancer ses dossiers entre-temps. Voilà deux ans qu’elle réclame notamment que le gouvernement s’implique pour aider les gens à faire leurs tests de pyrrhotite, mais sans jamais rien pouvoir se mettre sous la dent, et ce, malgré les promesses électorales. «Ça fait plusieurs fois qu’on demande à rencontrer le ministre fédéral François-Philippe Champagne et on ne réussit pas à le voir», illustre M. Gélinas.
Le président de la CAVP tiendra sous peu une rencontre avec son conseil d’administration. «Ça se peut qu’on change de stratégie», dit-il, «qu’on sorte la batte de baseball», dit-il en parlant évidemment au figuré quoique l’envie est très, très grande de poser des actions physiques, «de revenir aux bonnes vieilles méthodes», dit-il, comme des manifestations bien senties par exemple. «On a des idées. On va en discuter», dit-il. «Tout le monde est en maudit», surtout depuis l’arrivée de la missive du juge de la Cour d’appel, mercredi.
«En dépit des efforts déployés, il ne sera pas possible de déposer les arrêts avant la fin de 2019», écrit en effet le juge. «Je tiens à vous faire savoir que le travail est très avancé. Nous avons entrepris la révision de l’ensemble des textes», ajoute-t-il.
La nouvelle n’a évidemment pas tardé à se répandre sur les réseaux sociaux. L’ancien président de la Coalition d’aide aux victimes de la pyrrhotite, Yvon Boivin, écrit pour sa part ceci sur Facebook: «Nous ne croyons plus personne. C’est très décevant comme nouvelle.»
«Ces reports à répétition ne font plus aucun sens en matière de justice. Nous sommes devenus les dindons de la farce dans ce dossier. Avec le recul, force est de constater que nous avons possiblement fait erreur d’accepter le regroupement de plusieurs poursuites individuelles dans un même procès», estime-t-il.
«Il aurait plutôt été préférable de faire des milliers de poursuites individuelles faisant en sorte de paralyser le système de justice et de contraindre les décideurs publics de la nécessité de prendre eux-mêmes en charge les poursuites en dédommageant immédiatement les victimes et en assumant eux-mêmes les délais de poursuite», analyse M. Boivin.
Si l’on se fie à l’ensemble des commentaires rédigés sur Facebook, la déception et la colère sont généralisées. Le simple fait que le juge indique que la décision ne sera déposée que «dans les premiers mois de 2020» fait dire à plusieurs qu’elle sera encore reportée à beaucoup plus tard.
«Nos héritiers devront être mis au courant», ironise une des victimes, Pierre Beaudoin.
Un autre propriétaire, Marc Morin, se dit prêt à attendre encore un peu «si c’est pour s’assurer que ce procès se termine sans possibilité d’aller plus loin. Et que la deuxième vague se règle en même temps, j’en serais encore plus heureux», écrit-il.
Le drame n’est pas que pour les victimes, mais touche également tous les contribuables indirectement. Lors de sa présentation du budget 2020, le maire Jean Lamarche a en effet
souligné que ce problème génère des pertes de revenus fonciers de l’ordre de 1,1 M$ par année pour la Ville.
L’année 2020 marquera le début de la deuxième décennie de ce drame collectif. La CAVP estime qu’il serait grand temps que toutes les parties prenantes dans ce dossier s’unissent une fois pour toutes pour mettre en place les actions requises visant à mettre un terme à cette crise. La CAVP souhaite notamment que les municipalités touchées fassent connaître par résolution leurs attentes aux élus provinciaux et fédéraux.
Même si un jugement mettait fin aujourd’hui à toutes les procédures, la CAVP n’aurait pas fini sa croisade, explique Alain Gélinas. Des propriétaires dont la maison était encore sous garantie lorsque les tests ont confirmé qu’il n’y avait pas de pyrrhotite dans les murs de leurs fondations viennent en effet de découvrir avec horreur, toutes ces années après, que la dalle, elle, en contient, mais que personne n’y avait fait des tests. Il y a aussi tous ces condos qui ne retirent que 75 000 $ de subventions pour faire lever tout le bâtiment puisque le gouvernement ne verse que 75 000 $ par bâtiment et non par propriétaire. «Il y a constamment de nouvelles surprises. On n’a pas fini», déplore Alain Gélinas.