Entourée des six enfants qu’il lui reste, Mme Gélinas jette un regard empreint de paix sur sa vie. «Vieillir est merveilleux», soutient-elle. Elle se remémore son enfance, septième enfant d’une famille de quatorze. Les trottoirs étaient faits de bois, dans son Saint-Boniface natal, et le voyage vers Trois-Rivières se faisait en train — son père travaillait pour la compagnie de chemin de fer, raconte-t-elle.
Les aléas de la vie la mèneront éventuellement vers Saint-Casimir, où elle et son mari — son «prince charmant», comme elle le décrit — élèveront la famille. Elle y passera 50 ans.
La quarantaine sonnée, le deuil d’un enfant provoque chez elle une violente réaction cutanée qui marque son visage. On la confiera aux soins d’une esthéticienne. Celle-ci opérera des miracles et fera naître une vocation chez la patiente. Rita Gélinas entreprendra donc une formation et exploitera sa propre clinique de soins jusqu’à sa retraite. Sa détermination inspire trois de ses filles qui suivront ses pas.
Parallèlement, elle s’investit chez les Filles d’Isabelle, une organisation vouée à la promotion des valeurs chrétiennes. On aide surtout les gens dans le besoin, relate-t-elle. Puis, alors qu’elle agit à titre de «régente», on apprend qu’un jeune homme du village veut entrer dans les ordres. Or, les études sont longues et coûteuses. Le cercle des Filles d’Isabelle, que Mme Gélinas dirige, va l’appuyer financièrement dans son cheminement. L’aspirant-prêtre recevra une allocation de 750 $ par mois tout au long de sa formation.
Quand les études de son protégé tirent à leur fin et que l’ordination est en vue, Mme Gélinas, qui a alors 80 ans, se fracture la jambe. Un bête accident qui compromet ses chances d’assister à l’événement. Il est même question d’amputation. Elle refuse les deux éventualités et s’en remet à la grâce de Dieu, raconte-t-elle.
Elle se rétablira finalement à temps pour entendre le père Sauvageau prononcer ses vœux. Elle exhibe aujourd’hui les photos de la cérémonie où on la voit, tout sourire, dans un fauteuil roulant, recevant la bénédiction du nouveau prêtre.
Cet événement est central dans l’engagement de cette Fille d’Isabelle. Il témoigne d’une foi ardente. Une foi qui la poussera à se lever chaque matin à 6 h 30 pendant les neuf premières années qu’elle passe à la résidence Les Marronniers, où elle agit alors comme sacristine et organise la messe quotidienne.
L’arrière-grand-mère affirme que le secret d’une vieillesse heureuse et en santé consiste à ne pas s’apitoyer sur son sort. Les épreuves sont le lot de tous, on doit les accepter, soutient-elle. «Il faut suivre le ruisseau et il faut se dire “j’aime ça”», philosophe-t-elle, sereine.