Plaidoyer pour le financement des archives privées du Séminaire Saint-Joseph

Le service des Archives du Séminaire Saint-Joseph est fragilisé par des coupes dans le financement faites par la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

OPINION / L’auteure, Marie-Andrée Brière, est directrice de la revue «Héritage» de la Société de généalogie du Grand Trois-Rivières.


À peine terminées, les célébrations de clôture du 100e anniversaire de fondation du service des Archives du Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières se retrouvent déjà assombries par des coupes sévères dans leur financement faites par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Des changements apportés par la BAnQ aux modalités de gestion des programmes touchant les archives privées viennent précariser tout le patrimoine régional de la Mauricie et des environs.



Les archives du Séminaire font partie du patrimoine trifluvien depuis 1918, et ont rayonné grâce à la détermination des autorités du Séminaire et par l’arrivée de son premier archiviste, l’abbé Albert Tessier. C’était un visionnaire qui avait la passion de la Mauricie à cœur et qui a fait en sorte qu’elles soient toujours accessibles à la population.

Les institutions détentrices d’archives privées sont liées par des agréments mis en place en 1990 par les Archives nationales du Québec dans le but de mettre en valeur de telles archives. Celles du Séminaire en font partie, de même que 41 autres institutions régies par les mêmes règles de financement. Ce financement essentiel leur permet la mise en place d’une offre de services et l’accessibilité à des documents historiques qui sont d’une importance cruciale pour les régions, et d’assurer la mise en valeur de ce patrimoine historique. Les chercheurs, historiens et généalogistes peuvent ainsi avoir accès gratuitement, dans leur région, à ce trésor sans précédent. Sans ces institutions de proximité disposant d’archives privées, ces services d’accès ne pourraient être assumés par la BAnQ seule, son mandat étant différent.

Pourquoi alors ces coupes soudaines? Parce que les critères d’évaluation des institutions se font désormais strictement selon la performance aux acquisitions, au traitement et à la diffusion. Ces nouvelles règles réduisent les montants reçus par les 42 centres d’archives privées à des sommes allant de 0 $ à 39 000 $.

Les archives du Séminaire Saint-Joseph n’ont pas passé le test et se voient attribuer la modeste somme de «transition» de 16 000 $, somme récurrente pour deux ans. Il semble que la région de la Mauricie sera la seule à ne plus recevoir d’aide financière à compter de 2020.



On balaye l’histoire sous le tapis pour des considérations administratives incompréhensibles. La richesse des archives du Séminaire ne fait pas de doute: archives prestigieuses, quatre fonds d’archives reconnus «biens culturels», des lettres, des photographies, des cartes et des plans, des films aussi… Et des chercheurs, des historiens émérites qui viennent les consulter régulièrement. Il semble qu’ici, la notion de patrimoine n’ait plus sa place.

La ministre de la Culture doit prendre conscience de l’importance de soutenir les lieux de mémoire et de savoir. Le Québec est riche de son histoire, mais ce patrimoine est fragile, car on ne semble pas lui reconnaître toute l’importance qu’il a. La BAnQ a besoin de fonds supplémentaires pour soutenir adéquatement les centres liés par un agrément tout juste renouvelé en février 2018 et le gouvernement québécois doit lui accorder de toute urgence des crédits dédiés.

Le maintien des archives privées régionales ne peut compter, très souvent, que sur un personnel limité pour les soutenir à bout de bras. La fonction des archives privées n’est pas d’être rentable, mais de préserver le patrimoine local et d’être accessible au plus grand nombre.

Veut-on la mort des institutions détentrices d’archives privées? On ne ferait pas mieux.

Ces coupes ont déjà eu des incidences désastreuses sur les archives du Séminaire qui a dû procéder à des mises à pied. Ce ne sont pas les mesures restrictives d’accès et de tarification prises par les institutions comme le Séminaire Saint-Joseph qui combleront le manque à gagner. Mettre en compétition des organismes au service des collectivités mettant en valeur le patrimoine particulier de chacun n’est pas une option. Elle ne sert que le mercantilisme des uns au détriment des autres qui, sans budget adéquat, ne réussiront jamais à être à la hauteur des nouvelles règles stipulées par la BAnQ. Ce n’est pas de coupe que le Séminaire a besoin, mais d’un budget lui permettant de poursuivre une mission commencée il y a un siècle.

Madame la ministre de la Culture, ministres et députés de la grande région mauricienne, il en va de votre devoir d’assurer la pérennité des archives du Séminaire Saint-Joseph, car, c’est aussi votre patrimoine, votre richesse, et ce devrait être votre fierté.