Voilà les grandes lignes d’une enquête dévoilée jeudi par le professeur en économie de l’UQTR, Frédéric Laurin, sur les facteurs d’attraction de la main-d’œuvre en Mauricie. Une étude réalisée auprès de 748 étudiants universitaires inscrits dans des universités de Montréal et Québec, là où se trouve la future main-d’œuvre spécialisée.
«L’élément stratégique aujourd’hui d’une entreprise qui veut se développer, ce n’est pas l’exportation, l’innovation, la productivité, c’est sa capacité à attirer et retenir sa main-d’œuvre et donc à développer des ressources humaines innovantes», explique-t-il en entrevue.
Selon lui, les jeunes sont à la recherche d’un épanouissement personnel, que ce soit dans leur travail ou dans leur vie personnelle «ou la combinaison des deux».
«L’entreprise doit donc pouvoir répondre à ça pour que le jeune puisse sentir qu’il fait partie d’une équipe, dans une organisation qui a une belle image, des belles valeurs, où il va sentir qu’on l’écoute et qu’il va pouvoir monter au niveau professionnel, qu’on va laisser la flexibilité de faire ses projets personnels, travail-famille, travail-temps personnel. C’est très stratégique pour les organisations», soutient M. Laurin.
Car les résultats de l’enquête montrent tout d’abord que les principaux déterminants de l’attraction d’une région sont les facteurs au niveau des organisations : les jeunes universitaires sont avant tout attirés par des entreprises et par la nature des emplois offerts.
Ils se déplaceront en région s’ils croient pouvoir bénéficier d’un emploi et d’un environnement de travail stimulant où ils pourront s’épanouir, réaliser des défis professionnels et obtenir de l’avancement professionnel, au sein d’entreprises dynamiques déployant des pratiques de ressources humaines innovantes. Les répondants ont souligné l’importance de ce type de facteurs non monétaires dans leur choix de carrière et de région. Les conditions salariales sont certes importantes, mais pas nécessairement déterminantes dans ce processus.
Quant à eux, les facteurs d’attraction régionaux jouent certes sur la décision de travailler en région, mais dans une moindre mesure. Les principaux facteurs régionaux semblent être le coût de la vie et la facilité de trouver un logement, la proximité géographique des amis et de la famille, les arts et la culture, les installations sportives et de plein air et la présence de commerce et services.
«Nous montrons aussi que la Mauricie possède une très faible capacité d’attraction. Plus de 46 % des répondants ne peuvent identifier un élément propre à la région. Le niveau de connaissance et de visibilité de la région est très faible», rapporte M. Laurin.
Or, malgré tout, une majorité des répondants accepteraient un emploi en Mauricie, si cela correspond à leurs attentes, leurs intérêts ou à leur plan de carrière. Ainsi, peu importe les caractéristiques de la région, ce qui semble prioritaire pour ces étudiants, ce sont d’abord la disponibilité d’emplois dans lesquels ils pourront se réaliser, obtenir de l’avancement et de l’expérience, ou représentant un défi professionnel.
«C’est cet aspect qu’il convient de mettre de l’avant dans une stratégie d’attraction de la main-d’œuvre, avant même les caractéristiques propres à la région», fait-il remarquer.
Enfin, l’alignement stratégique de la Mauricie en matière d’attraction de la main-d’œuvre est faible. D’une part, la région n’est pas assez connue: elle dispose de nombreux atouts sur des facteurs d’attraction importants que les répondants ne connaissent pas. D’autre part, pour d’autres facteurs d’attraction considérés comme étant importants, la Mauricie affiche des faiblesses qu’il convient de renforcer pour améliorer son attractivité.
Si le professeur en économie propose aux entreprises de mettre en œuvre des stratégies innovantes de gestion et de ressources humaines, il suggère aux organisations régionales et municipales de développer des stratégies communicationnelles basées sur le dynamisme des entreprises plutôt que sur les caractéristiques de la région.
Et le spécialiste lance l’idée de créer une certification Mauricie RH qui serait accordée aux entreprises déployant des pratiques innovantes en matière de ressources humaines. La Mauricie pourrait alors se vendre comme étant la «région des ressources humaines» au Québec.
«Je propose de former un comité de gens intéressés par cette question-là pour faire une mobilisation citoyenne et d’associer des organisations, des individus et des entreprises. Il faut présenter la somme de tous les atouts», a lancé M. Laurin.
Encore faut-il trouver le maître d’œuvre de cette grande stratégie régionale de marketing territorial, ce qui lui fait regretter les défuntes Conférences régionales des élus. «Il ne fallait pas abandonner les CRÉ, mais les réformer. Elles étaient excessivement utiles», a-t-il conclu.