Une peine de prison à vie pour Sylvain Duquette

Non sans beaucoup d'émotion, les familles et les proches des victimes s'étaient réunis en grand nombre au palais de justice de Shawinigan pour entendre la sentence imposée à Sylvain Duquette.

Shawinigan — Sylvain Duquette a écopé vendredi d’une sentence de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans pour le triple meurtre survenu le 5 avril 2017 à Saint-Mathieu-du-Parc et Saint-Gérard-des-Laurentides.


Il a en effet plaidé coupable à l’accusation de meurtre prémédité de sa belle-mère, Jocelyne Pellerin, à celles de meurtre non prémédité de sa belle-sœur, Denise Hallé et d’une amie de celle-ci en visite de l’Ontario, Janet Lauzon-Toupin et à un chef de tentative de meurtre contre son père Claude Duquette.
Cette décision du juge Raymond W. Pronovost fait suite à une suggestion commune des avocates au dossier, Me Catherine Vincent à la Couronne, et Me Karine Bussière à la défense. Après le prononcé de la sentence, il a d’ailleurs été applaudi par les familles des victimes et leurs proches réunis en grand nombre dans la salle d’audience au palais de justice de Shawinigan. Le juge a aussi tenu à offrir ses condoléances aux familles.
«Je sais que la sentence ne pourra pas diminuer votre peine mais c’est la peine maximale», a-t-il précisé.

Il faut dire que le niveau de tension dans la salle bondée était au maximum. La sécurité avait d’ailleurs été augmentée pour éviter des débordements. C’est que Sylvain Duquette a tenu à donner sa version des faits en lisant une lettre qu’il avait écrite. Il s’est surtout livré à un véritable règlement de comptes contre son père Claude Duquette et les trois femmes qu’il a assassinées. Avec beaucoup de hargne, il a fait de multiples reproches à son père en prenant soin de le regarder à plusieurs reprises dans la salle. Il l’a entre autres traité d’avare, de tyran et d’homme violent. «Pourquoi il ne m’a jamais aimé», a-t-il demandé. Il déplore que son père n’a pas voulu l’aider financièrement mais il a aussi répété à plusieurs reprises qu’il ne voulait pas de son héritage puisque ce dernier avait fait fortune sur le dos de sa famille.
Il a aussi prétendu que sa mère avait elle aussi été victime du comportement de son père. «Ma mère a toujours dit que mon père allait payer pour ce qu’il nous a fait endurer»,a-t-il dit.
Il a même précisé qu’au départ, il ne voulait faire de mal à personne lorsqu’il s’est rendu chez son père et sa belle-mère avec un fusil de calibre 12 mais plutôt leur dire ses quatre vérités et réclamer des excuses. Or, son père lui aurait offert 25 000 $ pour qu’il épargne leur vie, ce qui l’aurait mis en colère. C’est à ce moment qu’un coup de feu est parti, atteignant sa belle-mère Jocelyne Pellerin en plein visage. Toujours selon lui, son père lui aurait alors demandé de le tuer pendant que Duquette pointait justement son arme en sa direction mais il a refusé de le tirer car cette mort aurait été trop facile.



 Le père de l'accusé, Claude Duquette

Il soutient aussi qu’il ne voulait pas attenter à la vie de Denise Hallé et de son amie Janet Lauzon-Toupin mais que ces dernières auraient refusé de sortir de la maison à sa demande.
Sur un ton toujours narcissique et arrogant, il a formulé plusieurs reproches contre ces dernières en se décrivant comme une victime de leurs prétendues manigances et de leur supposée absence de scrupules à son égard. Il a en effet déploré que son frère Jocelyn et sa belle-sœur Denise Hallé avaient pourtant promis que jamais ils ne le mettraient  à la porte mais qu’il avait pourtant été expulsé comme un malvenu par sa belle-sœur après la mort de son frère.
Ses propos ont certes provoqué de vives réactions dans la salle d’audience. Le juge a lui aussi fini par perdre patience après une heure. «Nous sommes ici pour la sentence. Pas pour un défoulement collectif. L’histoire de votre vie, vous l’écrirez. Vous en avez assez fait comme ça. Ce n’est pas la place pour déblatérer contre tout le monde», a-t-il déclaré.

Karine Massicotte, la fille de Denise Hallé, se dit incapable de vivre ce deuil. Elle est encore extrêmement bouleversée.

Duquette s’est ensuite excusé auprès des proches des victimes. «J’assume entièrement la responsabilité de mes actes. J’exprime mes sincères excuses et je regrette mes gestes et je reconnais l’ampleur de leur gravité», a-t-il ajouté.
Si Duquette a fait preuve d’émotion lorsqu’il a parlé de son frère Jocelyn et de sa mère, il est cependant demeuré impassible pendant que les proches des victimes ont parlé des conséquences de ces meurtres dans leur vie.
Leur témoignage a été particulièrement touchant. Lisa Hallé, la sœur de Denise Hallé, a affirmé avoir été tuée en même qu’elle. «Comment peut-on exprimer la perte de sa sœur lorsqu’elle est enlevée de ce monde par une balle au visage?», s’est-elle demandé.
Elle s’est dite inquiète de la possibilité que l’accusé soit un jour libéré sous conditions et qu’il puisse s’en prendre à d’autres membres de sa famille. «Ces trois meurtres sont le résultat de quelqu’un qui croit que le monde lui doit tout», a-t-elle indiqué.

Même si elle est anglophone, la sœur de Denise Hallé, Lisa Hallé (que l’on voit de profil), a tenu à s’exprimer en français lors de son témoignage, et ce, afin que tout le monde la comprenne.

Karine Massicotte est pour sa part la fille de Denise Hallé. Elle essaie aujourd’hui de combattre une anxiété générale, un stress immense, de l’irritabilité, de la colère, de la peur et une perte de confiance en l’humanité. «Je faisais confiance à cet homme. C’était mon oncle. Je lui ai confié mes enfants et ma maman», a-t-elle raconté. «Tout ça a détruit la personne que j’étais et que je ne serai plus jamais», a-t-elle ajouté en parlant de ses idées suicidaires. Plus encore, elle a perdu sa famille et celle qui reste est brisée.
Josée Dandurand a relaté que sa belle-mère, Jocelyne Pellerin, craignait avant le drame que Sylvain Duquette ne vienne les tuer elle et son conjoint, Claude Duquette. «Je lui souhaite un restant de vie à la hauteur des souffrances vécues», a-t-elle déclaré.
La mère de l’enfant de trois ans, qui était présent lors du drame, a aussi témoigné. Selon elle, il lui a fallu trois mois pour réussir à le convaincre de sortir  de la maison.  Le petit, qui souffre d’un problème de communication, était convaincu que le «méchant» allait revenir le chercher.
«Il ne l’a pas blessé physiquement mais il l’a détruit émotionnellement et a volé son innocence. Quand son temps sera arrivé à l’accusé, j’espère que Dieu n’aura aucune pitié pour son âme, a-t-elle conclu.