Aleris: Québec s'occupe de la décontamination

Pierre Michel Auger

TROIS-RIVIÈRES — C’est la fin d’une longue saga qui a été annoncée vendredi après-midi à Trois-Rivières. Dix ans après la fermeture de l’usine Aleris, et après avoir multiplié les démarches pour que les anciens propriétaires et propriétaires actuels du site décontaminent les lieux, Québec a annoncé que le gouvernement prendrait en charge la réhabilitation du site, et ce, peu importe le montant de la facture finale.


Le député de Champlain Pierre Michel Auger, qui avait fait de ce dossier un cheval de bataille important dans le comté, a par ailleurs précisé que cette décision n’empêchait en rien le gouvernement de continuer les procédures légales afin de refiler la facture finale aux anciens et actuels propriétaires, afin de faire en sorte de ne pas contrevenir au principe du pollueur-payeur. 

On se souviendra qu’à la suite de la fermeture d’Aleris en 2008 et de la faillite de l’entreprise en 2009, le site avait été repris par l’Américain Tim Martinez, qui avait conclu une entente avec le démolisseur Recyclage Arctic Béluga. Une relation d’affaire qui avait tourné au vinaigre et qui s’était rapidement transportée devant les tribunaux.

Pendant ce temps, Québec avait repris le contrôle du site afin d’en assurer la sécurité. Le ministère de l’Environnement avait notamment procédé à l’élimination de matières dangereuses, à la décontamination des bâtiments et à une première étude de caractérisation. Le ministère faisait également fonctionner un réseau de pièges hydrauliques afin de faire le suivi de la migration des hydrocarbures et ainsi protéger la nappe phréatique d’une possible contamination.

En 2017, le gouvernement libéral sommait par la voie d’une ordonnance l’actuel propriétaire ainsi que les anciens propriétaires, Gestion Alcoa Canada, de fournir un plan de réhabilitation du site. Tim Martinez et sa compagnie, Corporation de développement TR, n’ont jamais fourni les documents demandés, explique la directrice régionale du ministère de l’Environnement, Valérie Grandmont.

«En ce qui concerne Gestion Alcoa Canada, il y a un plan de réhabilitation qui a été déposé au ministère. Celui-ci a été analysé et jugé insatisfaisant. C’est la raison pour laquelle on prend en charge les travaux», résume-t-elle.

Ainsi, dès le mois de mai, un appel d’offres sera lancé afin de mener une nouvelle étude de caractérisation, cette fois-ci de type 3 qui permettra d’aller davantage en profondeur et de connaître le niveau de contamination et les méthodes à employer pour y parvenir. On estime qu’au plus tard à l’hiver 2019, le scénario de réhabilitation devrait avoir été élaboré et permettra le lancement d’un nouvel appel d’offres pour, cette fois, procéder aux travaux de décontamination.

Difficile pour le moment dévaluer le temps exact qu’il faudra pour y parvenir, mais le député Auger croit qu’il faudra au moins trois ans pour que le site soit complètement décontaminé. Difficile aussi de savoir combien il pourra en coûter une fois que la décontamination sera entièrement complétée, mais on ne se trompe pas en parlant de dizaines de millions de dollars. «Mais je le répète, peu importe le prix, on va décontaminer», a martelé le député Pierre Michel Auger.

Le site visé par les opérations est d’une superficie de 64 655 mètres carrés. On estime que la portion de sol contaminé pourrait s’élever à 58 000 mètres cubes, à différents degrés de contamination, ajoute Pierre Michel Auger.

Développement résidentiel

La Ville de Trois-Rivières avait fait connaître son intention, il y a quelques mois, de voir pousser à cet endroit un développement domiciliaire de 350 résidences unifamiliales, jumelées et en rangées et ainsi transformer le site en un quartier résidentiel abordable, à proximité des écoles, des services et des commerces de proximité.

Le maire de Trois-Rivières Yves Lévesque se réjouissait grandement, vendredi, de savoir que Québec prenait ainsi les devants et allait décontaminer ce site dont le potentiel de développement est qualifié d’incroyable.

«L’annonce d’aujourd’hui est majeure. On n’étire plus le temps. C’est un terrain industriel, mais autour des services publics. C’est un terrain qui va être rentable pour Québec et c’est pourquoi ils avaient tout intérêt à aller de l’avant», croit le maire Yves Lévesque.

La Ville entend tout de même être aux aguets quant au niveau de décontamination promis par Québec, et devrait procéder dès la semaine prochaine, possiblement en séance extraordinaire du conseil municipal, au changement de zonage pour ce terrain, afin de le faire passer d’industriel à résidentiel. Car si Québec promet de décontaminer le site, c’est au niveau de l’obligation liée au zonage que le gouvernement entend le faire. Un zonage résidentiel demande un niveau de décontamination beaucoup plus important qu’un zonage industriel, ce qui implique évidemment des coûts plus importants.

«Présentement, le zonage est industriel. Le ministère décontamine au niveau du zonage. On a déjà annoncé un plan de développement résidentiel, c’est sur ce plan que Pierre Michel Auger travaillait au niveau du ministère, au niveau de la rentabilité. La construction va donner des retours d’argent au ministère. On va procéder rapidement pour changer le zonage au niveau du résidentiel», fait savoir Yves Lévesque.

Le maire se réjouit d’autant plus de savoir que Québec continuera de poursuivre les responsables de la contamination, mais sans attendre davantage pour procéder à la décontamination. «Si on attend les procédures légales, ça peut prendre encore des années. Les gens sont conscients qu’il y a une nappe phréatique en dessous, qu’il y a un potentiel de développement. Et si on attend les procédures légales, on en parlera encore pendant dix ans», lance Yves Lévesque.

Présentement, des hypothèques légales ont été prises par le ministère sur le terrain pour assurer les sommes déjà investies dans la sécurisation du site. La Ville de Trois-Rivières travaillera donc avec le ministère pour voir de quelle façon elle pourrait reprendre possession de ce site une fois la décontamination terminée.

«Il y a déjà des terrains en bordure de la rue Montplaisir qui ne sont pas contaminés et qui pourraient déjà faire l’objet de nouvelles constructions. Nous allons voir avec le ministère ce qu’il est possible de faire», conclut Yves Lévesque.