Droits antidumping: «Une décision injuste et infondée»

Trois-Rivières — La société Kruger a réagi à la décision préliminaire du département du Commerce des États-Unis d’imposer des droits antidumping de 22,16 % sur son papier journal et autres papiers non couchés, en plus des droits compensatoires de 9,93 % découlant de la décision préliminaire de janvier dernier, ce qui porte à 32,09 % le total des droits imposés à Kruger.


L’entreprise est déçue «d’une décision qui est non seulement injuste mais infondée» puisqu’une enquête approfondie démontrerait clairement que Kruger ne pratique en aucun cas le dumping de produits.

En fait, l’entreprise estime avoir été entraînée par le courant actuel des différends commerciaux qui dépassent largement la portée de ses activités et se voit maintenant visée par des décisions qui ne reflètent pas la réalité de ses pratiques d’affaires. Kruger entend se prévaloir de tous les recours légaux à sa disposition pour se défendre vigoureusement dans la suite des procédures qui mèneront à une décision finale du département du Commerce et de la Commission du commerce international des États-Unis (USITC).

L’imposition de tels droits affectera directement trois usines de papier de Kruger, soit les usines de Trois-Rivières et de Brompton, au Québec, et l’usine de Corner Brook, à Terre-Neuve-et-Labrador.

«La société Kruger s’engage à travailler de près avec ses employés, les syndicats, ses fournisseurs, les gouvernements et ses clients afin de minimiser l’impact de ces droits sur ses activités et assurer la viabilité de ses opérations», a-t-on fait savoir par voie de communiqué.

L’entreprise interpelle le gouvernement du Canada afin qu’il fasse les représentations nécessaires auprès du département du Commerce et de l’USITC pour que ces décisions soient renversées.

Le département américain du Commerce impose des droits antidumping sur le papier journal canadien et d’autres papiers d’impression exportés aux États-Unis.

Dans une décision annoncée mardi soir, le département a annoncé qu’il imposerait des droits antidumping préliminaires de 22,16 pour cent à l’industrie canadienne, à l’exception des entreprises Résolu et White Birch, qui sont épargnées.

Résolu et White Birch étaient toutefois sous le coup de droits préliminaires compensatoires annoncés en janvier, de 4,42 pour cent et 0,65 pour cent, respectivement.

À Ottawa, la ministre des Affaires étrangères et son collègue des Ressources naturelles se sont empressés de manifester leur déception.

«Ces droits auront une incidence directe et négative sur les journaux américains, tout particulièrement ceux des petites villes, et entraîneront des pertes d’emplois dans le secteur de l’impression aux États-Unis», ont écrit dans un communiqué Chrystia Freeland et Jim Carr.

«Nous continuerons de collaborer avec les parties prenantes de l’industrie forestière, avec les provinces et les territoires, ainsi qu’avec les collectivités à l’échelle du Canada, afin de défendre ce secteur vital contre les mesures et les pratiques commerciales injustes et injustifiées adoptées par les États-Unis», ont-ils ajouté.

Dans sa déclaration, mardi, le département américain plaide que les exportateurs canadiens ont vendu leurs produits à des prix inférieurs à leur valeur.

Le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, a déclaré que les États-Unis avaient la responsabilité de se défendre contre les «pratiques commerciales injustes».

Le département devrait prendre une décision finale sur les droits antidumping dans les environs du 2 août 2018.

Selon les États-Unis, les importations de ce type de papier provenant du Canada se chiffrent à 1,27 milliard $ US (environ 1,64 milliard $ CAN).

Washington avait annoncé des droits préliminaires compensatoires oscillant entre 0,65 et 9,93 pour cent en janvier, au terme d’une enquête qui s’était amorcée en août dernier.

Ces tarifs frontaliers font bondir le prix des exportations canadiennes de papiers non couchés et affectent, selon le gouvernement Couillard, 10 usines québécoises de Produits forestiers Résolu, Kruger et Papiers White Birch, qui comptent quelque 2000 employés.

Le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) a dénoncé mardi une «nouvelle taxe à l’exportation qui inquiète grandement les producteurs canadiens, déjà confrontés à des baisses continuelles de volumes».

«La perte de rentabilité des usines américaines, à l’origine de la plainte, n’est pourtant pas liée à nos pratiques commerciales, mais à la demande et au marché», a déclaré par communiqué le président-directeur général du CIFQ, Denis Lebel.

M. Lebel a dit y voir «par ailleurs une man?uvre purement protectionniste pour tenter de diminuer la compétition provenant du Canada».

«Nous déplorons cette mesure protectionniste qui aura des répercussions sur l’ensemble de la filière forestière du Québec, mais également sur les 600 000 personnes travaillant dans le secteur de l’impression aux États-Unis. Ces droits se traduiront par une augmentation des coûts d’approvisionnement et fragiliseront par conséquent les éditeurs et les imprimeurs qui utilisent ce type de papier», a-t-il soutenu.

La décision du département américain du Commerce est «inacceptable», a lancé la ministre québécoise de l’Économie, Dominique Anglade, en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.

Québec compte s’assurer que les exportateurs canadiens de papier ne manquent pas de liquidités et aura recours au programme d’aide mis en place pour aider les entreprises touchées par les droits sur le bois d’oeuvre.

Ces droits permettent à Québec de réitérer pourquoi il tient mordicus au processus de résolution de conflits qui est prévu à l’article 19 de l’ALENA lors de la renégociation de l’entente.

«C’est exactement ce qui est illustré dans tous les conflits qu’on a avec les États-Unis, que ce soit sur le bois d’oeuvre, sur Boeing ou sur la question du papier non couché, a énuméré Mme Anglade. Lorsque le gouvernement américain est déraisonnable, le seul moyen réel pour le Québec de faire entendre sa voix, c’est d’avoir ce processus de résolution de conflits qui est indépendant et qui dans les dernières années nous a toujours donné raison.»

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Les droits antidumping préliminaires annoncés mardi:

—Résolu: 0 pour cent

—White Birch: 0 pour cent

—Catalyst Paper Corp: 22,16 pour cent

—Kruger: 22,16 pour cent

—Reste de l’industrie: 22,16 pour cent

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Les droits compensatoires préliminaires annoncés en janvier:

— White Birch: 0,65 pour cent.

— Résolu: 4,42 pour cent.

— Catalyst Paper Corp.: 6,09 pour cent.

— Kruger: 9,93 pour cent.

— Reste de l’industrie: 6,53 pour cent.

En collaboration avec la Presse canadienne