Une semaine de relâche c'est bien, 52 semaines de conciliation travail-famille c'est mieux!

Les enfants, le coeur réjoui, quittent l'école en anticipant avec bonheur ces journées où ils pourront profiter des derniers beaux jours de l'hiver.

Les auteurs sont Raymond Villeneuve, directeur du Regroupement pour la valorisation de la paternité et président du Réseau pour un Québec Famille, ainsi que Marie Rhéaume, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille et ancienne présidente du Conseil de la famille et de l'enfance.


Ça y est, c'est la semaine de relâche! Les enfants, le coeur réjoui, quittent l'école en anticipant avec bonheur ces journées où ils pourront profiter des derniers beaux jours de l'hiver, ralentir le rythme et recharger leurs batteries, en passant du temps de qualité à la maison avec leur famille. Pour les parents, c'est aussi le moment de s'accorder une pause pour faire des activités en famille. Ça, c'est le concept. Mais dans la réalité, la semaine de relâche suit rarement ce scénario rêvé, conçu dans les années 80 à l'époque où la grande majorité des mères étaient à la maison. Aujourd'hui, la semaine de relâche est plutôt synonyme de souci et de stress pour un grand nombre de familles.

Car si les plus chanceux d'entre nous bénéficient de conditions de travail qui leur permettent de prendre congé pendant la semaine de relâche, pour tous les autres, cette semaine est un véritable casse-tête d'organisation. Les services de garde scolaire, qui doivent s'autofinancer, ouvrent leurs portes seulement si un nombre suffisant de parents en font la demande. Résultat: plusieurs d'entre eux demeurent fermés, forçant les parents qui n'ont d'autre option à se tourner vers des solutions coûteuses comme la garde privée ou les camps de jour spécialisés, ou alors à s'absenter du travail et subir une perte de revenu. 



Dans certains cas, ces absences peuvent même entraîner des sanctions puisqu'aucune disposition de la Loi sur les normes du travail ne donne le droit aux employés de négocier l'aménagement de leur temps ou de leur lieu de travail pour des raisons familiales.

Et tout cela s'ajoute à la forte pression sociale que subissent les parents pour multiplier les activités familiales pendant la semaine. Sachant que le burn-out parental est un phénomène en forte augmentation, comme le rapportait le quotidien Le Devoir il y a quelques semaines, il est assez ironique de constater que la semaine de relâche produit aujourd'hui des effets parfois inverses à ceux recherchés à l'origine, c'est-à-dire un horaire ultra-chargé pour les enfants et des parents qui s'arrachent les cheveux de la tête.

L'étude Mieux connaître la parentalité, réalisée en 2015 par l'Institut de la statistique du Québec en partenariat avec Avenir d'enfants, dresse un portrait alarmant des enjeux de conciliation travail-famille chez les jeunes parents: 

• 58 % des parents d'enfants de 0 à 5 ans ont l'impression de courir toute la journée;



• 35 % disent être physiquement épuisés à l'heure du souper;

• 76 % des parents travaillent et dans 59 % des cas, les enfants vivent dans un foyer où leurs deux parents travaillent;

• 48 % des enfants vivent dans un foyer où au moins un des deux parents a un horaire atypique;

• 22 % des parents salariés travaillent pour une entreprise qui n'offre aucune mesure de conciliation travail-famille.

L'idée n'est pas d'abolir la semaine de relâche, au contraire. Mais il faut réfléchir de façon globale à l'horaire de l'école et du travail 

pour permettre aux pères, aux mères et aux enfants de souffler un peu. La famille a grandement évolué depuis les 30 dernières années. Aujourd'hui, les parents se considèrent comme partenaires à parts égales dans les soins et dans l'éducation qu'il faut donner aux enfants. Les pères veulent contribuer au même titre que les mères, mais subissent encore beaucoup de pression sociale, particulièrement au travail, lorsqu'ils souhaitent des aménagements en lien avec leurs obligations familiales. La réflexion sur l'amélioration de la conciliation travail-famille doit obligatoirement chercher à intégrer autant les pères que les mères.



Ce changement de culture relève d'une responsabilité collective. On doit certes mieux financer et adapter les services aux familles, mais les entreprises doivent aussi faire leur part et reconnaitre qu'elles ont intérêt à se montrer innovatrices sur ces questions, ne serait-ce que pour mieux attirer et retenir la main-d'oeuvre. 

La ministre du Travail, Mme Dominique Vien, a annoncé récemment son intention de réformer la Loi sur les normes du travail, dont la dernière révision date de quinze ans. Il faut saisir cette occasion pour inscrire dans la loi des mesures de conciliation travail-famille adaptées aux réalités d'aujourd'hui. 

Une semaine de relâche c'est bien... mais permettre aux familles de mieux concilier leurs obligations liées au travail et aux soins à la famille pendant toute l'année, c'est essentiel.