S'il paraît anodin de jeter une banane ou un morceau de pain séché de temps en temps, tous ces petits gestes collectifs de gaspillage ont un effet cumulatif énorme sur l'environnement.
«Si l'on gaspille le tiers des aliments, on peut estimer que le tiers des impacts environnementaux liés à l'alimentation sont générés absolument pour rien», analyse le conférencier. Gaspiller un aliment, c'est jeter aux poubelles les intrants nécessaires pour le produire. C'est avoir pollué inutilement pour le transporter. C'est faire en sorte que le tiers des coûts investis en production alimentaire ne servent qu'à engraisser les sites d'enfouissement, plaide-t-il.
M. Ménard était l'invité, vendredi, du Consortium en développement social de la Mauricie qui réunissait 42 organismes et 75 participants de la région afin de faire le point sur le problème à la fois social et environnemental du gaspillage alimentaire.
Ironiquement, alors qu'on jette des tonnes de nourriture, des millions d'êtres humains sur Terre n'ont pas assez à manger. Ce problème mondial n'est pas différent au Québec, encore moins dans la région puisqu'en Mauricie et au Centre-du-Québec, 11 % de la population vit une insécurité alimentaire grave ou modérée et pas moins de 19 000 personnes reçoivent annuellement de l'aide alimentaire, un nombre qui croît de façon alarmante d'année en année. Contrairement à la majorité des régions, l'insécurité alimentaire a augmenté ici entre 2005 et 2012.
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Quelles sont les principales raisons pour lesquelles autant d'aliments sont gaspillés? Selon Éric Ménard, elles sont multiples. Pensons notamment aux causes naturelles comme les intempéries et les maladies.
Mais il y a également de la surproduction, dit-il. «Les producteurs agricoles ont des contrats, des clients à qui ils promettent de fournir, par exemple, une tonne de carottes. Pour être sûr de répondre à ce contrat-là, ils doivent produire plus d'une tonne en cas d'imprévus», illustre-t-il. «Le surplus, souvent, est gaspillé», dit-il.
Une des causes les plus farfelues du gaspillage, raconte le conférencier, c'est que bon nombre de fruits et de légumes ne répondent pas aux critères esthétiques exigés par l'industrie. Des betteraves trop grosses, des citrons mal formés, des pommes siamoises, autant de produits moches, en apparence, mais pourtant tout aussi bons que les autres. Malgré tout, ils ne seront jamais vendus dans les supermarchés. Ils représentent pourtant rien de moins que 20 % de la production agricole totale au Québec et au Canada.
Le même sort est réservé aux céréales, aux biscuits et autres aliments qui sont brisés dans le transport ou qui présentent des défauts strictement esthétiques, dit-il.
Parfois, des aliments sont aussi jetés pour des questions de défauts d'emballages ou même de simples erreurs de traduction sur la boite.
Autre source de gaspillage: la fameuse date de péremption. «Ce n'est pas une indication de salubrité, mais de fraîcheur», rappelle Éric Ménard. Les aliments peuvent donc être achetés et consommés après cette date. Ceux qui sont en conserve, dit-il, se gardent presque indéfiniment à condition que les boites ne soient pas bossées ou percées.
À la maison, le gaspillage vient souvent d'une mauvaise gestion du frigo au point où, selon les statistiques, chaque personne gaspille en moyenne pour 400 $ de nourriture chaque année.
Fort heureusement, pour contraindre ces sources de gaspillage, des initiatives voient le jour un peu partout dans le monde. Par exemple, certaines chaînes, au Québec, vendent des fruits et légumes hors normes à petits prix pendant quelques semaines, à l'automne. Second Life, un commerce en ligne de fruits et légumes hors normes, permet à ses clients de bien se nourrir à moindres coûts et distribue ses produits via des points de chute dans la région de Montréal.
Selon Éric Ménard, la réponse au gaspillage alimentaire pourrait passer par l'éducation des enfants comme on a fait pour implanter le recyclage. Les enfants ramenaient la bonne habitude dans leur famille, une habitude qui a fini par prendre racine assez rapidement.
Rappelons que la députée fédérale de Berthier-Maskinongé, Ruth Ellen Brosseau, a récemment déposé un projet de loi privé à la Chambre des Communes dans l'espoir de contrer le problème.