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Avant de cogner à la porte du Dr Bilodeau, le chanteur originaire de Grand-Mère avait le moral en piteux état, en plus d'une artère bloquée à 100 %. Quand il a réalisé que sa forme physique lui laissait sérieusement le souffle court, il a consulté quelques cardiologues qui refusaient de l'opérer. Trop complexe comme opération. Trop dangereux.
«Dans mon artère, c'était dur comme du ciment. Le risque, en m'opérant, c'était que mon coeur se noie dans le sang. Il y avait 20 à 40 % des chances que je reste sur la table d'opération», explique le chanteur, qui ne pouvait néanmoins se résoudre à cette idée. «Je devais prendre des médicaments, retourner chez moi et changer complètement mon rythme de vie. On me condamnait à être vieux, à 48 ans...»
C'était avant de rencontrer le Dr Bilodeau, qui a accepté de procéder. Depuis, le chanteur remercie la vie. «C'est mon petit miracle à moi...», dit-il, tout en chantant les louanges du Dr Bilodeau, qu'il a tout bonnement décrit dans certaines revues comme étant «le top-du-top».
Quand on le rencontre et qu'on lui parle de ce sujet, le «top-du-top» sourit, et tempère. «Ce type d'intervention, c'est à peu près 20 % de ma pratique...», plaide le cardiologue. «En fait, c'est ma spécialité. Il faut y croire, il faut avoir de l'expérience et il faut connaître le matériel et les techniques.»
Quand l'homme a opéré Sylvain Cossette, la popularité de son patient était à mille lieues de ses pensées. «On ne pense pas à ça. J'ai commencé à y penser quand il a commencé à sortir mon nom dans les revues à potins... S'il était arrivé un pépin, j'étais dans la merde», rigole-t-il aujourd'hui.
Les dommages collatéraux ont été passablement plus doux. Sur un babillard de l'hôpital Royal Victoria, il a retrouvé ces articles épinglés, bien en évidence. «Je me suis fait agacer un peu par le personnel du labo...», note-t-il. Même sa fillette de 6 ans, en voiture, lui a lancé qu'elle était chanceuse de se faire conduire par «le top-du-top».
Ces anecdotes le font sourire. En revanche, Luc Bilodeau avoue qu'après 18 ans de pratique, la relation d'aide avec le patient est devenue plus forte que tout pour lui. «Au début, c'est du challenge et énormément de travail. On sait qu'on va aider les gens et que c'est une mission bien noble, mais c'est une sensation qui va en croissant. Plus ça va, plus c'est le sentiment qui prédomine.»
Quand il change le cours des choses pour un patient en détresse, Dr Luc Bilodeau est un homme heureux. «Quand j'interviens sur un patient qui est en train de mourir et que je le revois un an plus tard, ce seul patient-là peut me faire rouler pendant six mois», sourit-il. «En cardiologie d'intervention, on fait toujours face à des gens qui sont en détresse extrême. Disons qu'on ne fait pas chirurgie plastique du nez...»
Luc Bilodeau a étudié 13 ans en médecine, dont deux ans de spécialisation en Alabama. Il a pratiqué d'abord à l'Institut de cardiologie de Montréal et aujourd'hui à Royal Victoria. Or en 18 ans de pratique, si on exclut ceux qui sont pratiquement déjà décédés en entrant à l'hôpital, il peut compter sur les doigts d'une seule main les gens qu'il n'a pu sauver. «Le pire c'est un patient qui te parle en entrant dans la salle d'opération et qui ressort les pieds devant...»
Il ne s'y fait pas. «Quand je perds un patient, j'en ai pour des jours, voire des semaines à m'en remettre. Tu fais des cauchemars la nuit, tu repenses sans arrêt au déroulement de l'opération...» Parfois aussi, il ressent les choses. Il a appris à écouter cette intuition. «C'est difficile à expliquer, mais je sais que ça ne va pas bien aller, alors je me fais remplacer.»
La cardiologie d'intervention demeure un métier solitaire, le genre de boulot dont on ne parle pas le soir en famille. «Une fois par semaine, on se rencontre entre cardiologues et on ventile. Mais des fois, je ne suis pas capable de me retenir et je le dis à ma femme: «J'ai fait un bon coup aujourd'hui»», sourit-il. «Faut que je le dise.»