«J'avais tout sur un plateau d'argent et j'ai tout gâché» - Roger Bellemare

Roger Bellemare

L'ex-criminaliste Roger Bellemare, condamné en septembre 2010 à une peine de 40 mois de pénitencier pour complot et trafic de cocaïne, s'est vu octroyer le droit à une semi-liberté par la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) et ce, au tiers de sa sentence comme le prévoit désormais la loi.


Au terme d'une audience tenue, lundi, au Centre fédéral de formation à Laval où il est incarcéré, les commissaires ont en effet conclu que son élargissement ne constituait pas un risque inacceptable pour la société. Pour rendre leur décision, ils ont entre autres tenu compte des recommandations de son agent de libération conditionnelle et de son avocat mais aussi de son cheminement personnel et de son projet de sortie.

Amaigri de 40 livres, Roger Bellemare est d'ailleurs apparu déterminé à reprendre sa vie en mains. À sa sortie du pénitencier prévue dans les prochains jours, il entend quitter Trois-Rivières où il lui est impossible de vivre incognito afin de s'établir dans la région de Québec. Un travail comme consultant en immobilier l'y attend. Il devra cependant demeurer dans une maison de transition puisque sa libération n'est pas totale. Il a lui-même demandé cette semi-liberté en raison de moyens financiers plutôt limités.

Il a également confié être sobre depuis janvier 2007. À ce sujet, il a expliqué que ses abus d'alcool dans le passé avaient grandement affecté son jugement et conduit à sa perte. «J'avais tout sur un plateau d'argent et j'ai tout gâché», a-t-il avoué.

Il a ainsi raconté qu'au fil des années, ses problèmes d'alcool n'avaient cessé de s'accroître, de sorte qu'il a fini par négliger son travail et qu'il a même gonflé ses honoraires professionnels pour maintenir son train de vie. L'ex-avocat se rappelle très bien avoir vidé à plus d'une reprise une bouteille de 60 onces de vodka en une seule journée, ou encore d'avoir flambé la somme de 8000 $ par semaine pour faire la fête.

Le point culminant de sa chute a été atteint en février 2006 lorsque deux hommes d'affaires de Trois-Rivières lui ont proposé d'acheter un immeuble du centre-ville. Il a «déterré» l'argent qu'il lui restait mais ce n'était pas suffisant pour effectuer la transaction pusqu'il avait besoin de 100 000 $. Une tierce personne lui a alors proposé le trafic de 50 kg de cocaïne, ce qui lui aurait rapporté 75 000 $.

Il a donc fait appel à un trafiquant qu'il connaissait. «Le pire est qu'en janvier 2006, j'avais dit à mon frère de se tenir loin de cet homme, Paul Morency. Je me doutais qu'il risquait de se faire prendre par la police dans une autre affaire. Pourtant, je me suis impliqué avec lui. C'est à n'y rien comprendre. J'avais le jugement ramolli», a-t-il expliqué.

On connaît la suite. Le trafic de 50 kg de cocaïne n'a pas eu lieu mais Roger Bellemare a finalement été arrêté pour avoir trafiqué un kilo de cocaïne. Ses problèmes ne se sont pas arrêtés là puisque dans le cadre de sa remise en liberté, il a enfreint ses engagements en consommant de l'alcool.

«J'avais soif. Et je vais être honnête avec vous, ce n'est pas la première fois que j'enfreignais mes conditions. Je me rappelle avoir bu de l'alcool dans des restaurants même s'il y avait des policiers non loin de moi», a-t-il lancé aux commissaires.

Après avoir déboursé 25 000 $ pour être de nouveau remis en liberté, il a suivi une thérapie de 30 jours qui lui a été profitable. Il soutient désormais ne plus avoir le goût de boire et en avoir eu la preuve lors de sorties de trois jours sans escorte dont il a bénéficié depuis juillet. Il entend néanmoins demeurer assidu à ses rencontres aux Alcooliques anonymes.

Quant à savoir si l'appât du gain aura encore raison de lui, il estime que la prison, où il s'est lancé dans le bénévolat et l'informatique, lui a ouvert les portes d'une nouvelle vie. «Je vis avec 500 $ par semaine. Ce sont mes REER. Ce n'est pas beaucoup mais j'ai appris à vivre avec ça, a-t-il déclaré.

Selon son agent de libération conditionnelle, Roger Bellemare a carrément réalisé un suicide professionnel. «Comme s'il avait eu de la difficulté à assumer sa vie de party. Aujourd'hui, il est un homme suffisamment intelligent et habile pour faire sa place. Il n'a pas besoin d'être un délinquant pour avoir une vie de luxe», a-t-il précisé.

Même son de cloche de la part de son avocat, Me Pierre Tabah. «Il a passé suffisamment de temps incarcéré. Il peut maintenant être un atout pour la société», a-t-il mentionné.

Dans le cadre de sa semi-liberté, Roger Bellemare devra s'abstenir de consommer de l'alcool, de se trouver dans des débits de boisson, de fréquenter des gens qui ont des casiers judiciaires ou qui sont reliés à des activités criminelles et enfin, il devra fournir un état de ses revenus et dépenses. Dans six mois environ, il pourra demander une liberté conditionnelle totale à la CNLC.