«Il n'y a pas un ti-clin qui va venir me dire quoi donner à mes patients»

Pierre Mailloux vient d'être radié de son ordre professionnel pour une période de deux ans.

Le controversé psychiatre Pierre Mailloux vient d'être radié de son ordre professionnel et ce, pour une période de deux ans. Reconnu coupable en février 2010 d'avoir administré des mégadoses d'antipsychotiques à des patients, le psychiatre ne pourra plus pratiquer à compter de ce matin et ce, même si Pierre Mailloux décide d'en appeler de la décision.


Par ailleurs, Pierre Mailloux est condamné à verser 33 000 $ d'amendes pour des propos tenus lors de différentes interventions radiophoniques.

Une sanction sévère que le comité de discipline du Collège des médecins juge nécessaire «afin d'énoncer un message clair que des propos tels que ceux tenus par l'intimé sont inacceptables dans la bouche d'un médecin», peut-on lire dans le jugement de 25 pages, rendu public hier.



Quant aux mégadoses, des experts cités dans le jugement soutiennent que l'utilisation à long terme de hautes doses d'antipsychotiques peut causer une augmentation des effets secondaires, des troubles de comportement accrus et une atteinte du fonctionnement social.

Le comité de discipline «ose espérer, sans toutefois être naïf, que cette période (radiation de deux ans) permettra à l'intimé de prendre un recul en regard à sa pratique médicale».

Résultats

Rencontré à son domicile hier après-midi, Pierre Mailloux n'en revenait pas de voir que les membres du comité de discipline aient porté un jugement sur sa pratique sans jamais avoir entrepris des démarches pour savoir si ses patients allaient bien.



«J'ai des résultats extraordinaires, des résultats touchants avec la schizophrénie réfractaire lorsque j'administre des mégadoses. Mes patients vont bien et sont contrôlés. Il n'y a pas un hostie de ti-clin qui va venir me dire quoi donner à mes patients s'il ne les a pas examinés dûment», a-t-il lancé.

Le psychiatre désormais radié entend évidemment porter la cause en appel, notamment sur un point qui, selon lui, représente le coeur de ce jugement.

Au paragraphe 136, on peut lire: «Malheureusement pour l'intimé, le Conseil n'a pas la compétence pour décréter qu'il est, comme il le prétend, une «sommité» et que tous les experts entendus, ainsi que les données actuelles de la science médicale auxquelles ces derniers réfèrent, sont dépassés».

«Mais il est là le noeud de l'affaire. On doit déterminer si je suis une sommité ou un renégat dans le traitement que j'administre à mes patients. Le comité de discipline vient carrément dire qu'ils n'ont pas la compétence pour le juger. Ce n'est pas sérieux», ajoute-t-il.

Par ailleurs, Pierre Mailloux rigole lorsqu'il lit dans le jugement que l'émission sur les ondes de CHLN et CKAC lui rapportait 325 000 $ par année, donc que «les propos tenus sur les ondes radiophoniques ont permis à l'intimé de percevoir des revenus très intéressants» et que le Conseil considère donc approprié d'imposer à Mailloux des sanctions économiques, soit des amendes.

«On pourrait croire qu'ils m'envient d'avoir gagné autant d'argent. C'est clairement une manifestation d'envie», croit-il.



Patients

Pierre Mailloux ne pouvait s'empêcher de penser à ses patients qui, dès ce matin, ne pourront plus bénéficier de son suivi psychiatrique.

Hier après-midi, il tentait de calmer le jeu auprès de ses collègues de Louiseville, notamment son infirmière qui n'avait encore aucune indication quant à l'identité de la personne qui sera appelée à remplacer le psychiatre auprès de ses patients.

«Le Collège des médecins doit maintenant s'assurer de me remplacer, sinon, ce sera dangereusement pas fin pour les patients», mentionne Pierre Mailloux. Ce dernier suit 280 patients à Louiseville, ainsi qu'une quarantaine à son bureau privé.

Septembre 2003 > Radiation de sept jours pour des propos tenus à la radio sur le médicament Épival.

Décembre 2006 > Le syndic du Collège des médecins réclame sa radiation provisoire. Le Collège des médecins dit croire que la pratique et le comportement de Mailloux représenteraient un risque pour la santé et la sécurité de la population.

Janvier 2007 > Radiation provisoire.

Février 2007 > Mailloux est poursuivi par un auditeur pour des propos sur les Noirs tenus à l'émission Tout le monde en parle.



Mars 2007 > Mailloux perd son émission à CKAC, qui passe au sport.

Mars 2007 > Une centaine de personnes manifestent leur appui au psychiatre à l'hôpital Comtois et demandent la suspension de sa radiation provisoire.

Mars 2007 > Pierre Mailloux demande la récusation du comité de discipline pour «avoir fait preuve de partialité et d'incompétence» lors des audiences menant à sa radiation provisoire.

Avril 2007 > Le Tribunal des professions suspend sa radiation provisoire. La juge estime qu'il y a eu «des manquements à l'équité procédurale et à l'obligation de divulgation de la preuve».

Avril 2007 > Le Syndic du Collège des médecins du Québec demande à la Cour supérieure de renverser la décision du Tribunal des professions.

Mai 2007 > La Cour supérieure refuse le sursis au syndic, Mailloux retrouve son droit de pratique et retourne à l'hôpital Comtois.

Août 2007 > Procès de Pierre Mailloux devant le comité de discipline du Collège des médecins pour les propos tenus à Tout le monde en parle.

Novembre 2007 > Mailloux au Tribunal des professions pour entendre sur le fond sa radiation provisoire de janvier 2007, suspendue en avril 2007.

Décembre 2007 > Le syndic se désiste et laisse tomber sa requête en révision judiciaire devant la Cour supérieure.

Février 2008 > Le Collège des médecins réclame une limitation provisoire des activités de Pierre Mailloux en pédopsychiatrie.



Avril 2008 > Le psychiatre Pierre Mailloux ne pourra plus pratiquer auprès des enfants, du moins jusqu'à nouvel ordre. Le Tribunal des professions refuse un sursis.

Juillet 2008 > Son appel entendu sur le fond devant le Tribunal des professions.

Janvier 2009 > Nouvelle comparution devant le Tribunal des professions sur la limitation provisoire de la pratique de la pédopsychiatrie.

Septembre 2009 > Le Collège des médecins blâme Pierre Mailloux pour ses propos sur les Noirs et son apparition controversée dans Les Bougon.

Novembre 2009 > L'interdiction de pratiquer auprès des enfants est maintenue.

Février 2010 > Pierre Mailloux reconnu coupable par le Collège des médecins d'avoir enfreint son Code des professions en prescrivant des hautes doses de neuroleptiques à des patients adultes et en tenant des propos inappropriés à la radio.

Mars 2011 > Rejet de la requête en réouverture des débats sur ses propos sur les Noirs et son apparition dans l'émission Les Bougon. Pierre Mailloux soutenait détenir de nouvelles preuves.