«C'est le jour et la nuit» -Sylvain Gentès

Alors qu'il se déplaçait pratiquement tout le temps en fauteuil roulant au mois de janvier dernier, Sylvain Gentes a subi une opération en Bulgarie, inspirée de la théorie du docteur Paolo Zamboni. Depuis, il a retrouvé près de 70 % de sa capacité physique... et réussit même à passer la souffleuse.

Lorsque Le Nouvelliste l'avait rencontré en janvier dernier, Sylvain Gentes avait fait un effort supplémentaire pour se déplacer avec ses cannes, et non en fauteuil roulant.


Atteint de la sclérose en plaques, M. Gentes avait de la difficulté à se lever de sa chaise, à se déplacer, il vivait des épisodes de migraines intenses et pouvait avoir besoin de plus d'une heure simplement pour s'habiller le matin.

À cette époque, Sylvain Gentes se préparait à partir pour la Bulgarie, afin de subir une angioplastie, opération inspirée par la théorie du docteur Paolo Zamboni, qui soutient que la sclérose en plaques serait causée par une perturbation de la circulation sanguine, entraînant une incapacité du système à drainer efficacement le sang du cerveau.

Deux mois plus tard, Sylvain Gentes a accepté de revenir sur l'opération subie le 7 février dernier. Pour le Shawiniganais, sa condition a considérablement changé. «C'est le jour et la nuit», résume-t-il.

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Déjà, Sylvain Gentes se doutait bien qu'un problème de circulation sanguine affectait son corps, étant donné que son pied était constamment d'une couleur bleutée. Mais l'effet de l'angioplastie, qui permet de traiter l'occlusion des vaisseaux sanguins du cou et de la nuque, a été instantané pour lui. «D'un seul coup, j'ai senti une grande chaleur jusqu'au bout de mes doigts. Quelques heures plus tard, j'étais sur mes deux pieds et j'avais retrouvé l'équilibre», se souvient-il.

Depuis, l'homme retrouve un peu plus chaque jour des capacités physiques qu'il croyait avoir perdues pour toujours. Outre son équilibre qu'il avait pratiquement perdu, il arrive de plus en plus à se déplacer sans l'aide de sa canne, monte et descend les escaliers à peu près normalement, n'a plus besoin de consacrer une heure le matin à s'habiller et a même réussi à passer la souffleuse dans l'entrée de sa cour.

«J'ai retrouvé environ 70 % de ma condition physique, et 60 % pour ce qui est de la marche. Le reste, c'est en faisait de l'exercice et en bougeant tous les jours que je vais récupérer, car après deux ans à ne plus pouvoir me déplacer, mes muscles se sont atrophiés», explique l'homme.

Ce dernier garde tout de même les deux pieds sur terre et sait que sa condition pourrait à nouveau se détériorer. «Dans la première année suivant l'opération, il y a 39 % de chances que les vaisseaux sanguins puissent se sténoser à nouveau. Je fais ce qu'il faut pour ne pas que ça arrive, j'ai modifié mon alimentation pour mettre toutes les chances de mon côté par exemple. Mais c'est clair dans ma tête que si ça devait se produire à nouveau, je n'hésiterais pas à retourner en Bulgarie», lance-t-il.

Sylvain Gentes nuance toutefois ses propos, en rappelant que l'angioplastie demeure une opération chirurgicale, et que les résultats ne peuvent pas toujours être les mêmes d'une personne à l'autre. «Pour moi, ça a eu des effets très positifs, mais ça peut être différent pour d'autres personnes. J'ai toujours le diagnostic de sclérose en plaques, la maladie sera toujours là, mais au moins ma condition de vie s'améliore grandement», explique-t-il.

Un traitement qui fait jaser...

C'est que la théorie du docteur Paolo Zamboni est encore loin d'être reconnue au Canada et fait l'objet de bien des débats. En juin 2010, le Collège des médecins remettait en doute les travaux du médecin italien, estimant que ses travaux étaient «préliminaires» et nécessitaient des études encore plus contrôlées. La découverte aurait notamment été faite lors d'une étude dont l'échantillonnage ne serait pas suffisamment significatif, estime le Collège des médecins.

Puis, en septembre 2010, un groupe de chercheurs chargé de faire des recommandations à la ministre de la Santé du Canada sur les priorités de recherche à mener en santé au Canada ont estimé que d'autres études devaient être faites avant d'aller de l'avant avec les essais cliniques. «Le comité d'experts a conclu qu'en l'absence de preuves corroborant l'hypothèse avancée par le Dr Zamboni, il n'est pas scientifiquement ni éthiquement justifiable de soumettre les patients aux risques - car risques il y a - d'un essai thérapeutique», avait expliqué au quotidien Le Devoir le Dr Alain Beaudet, président des Instituts de recherche en santé du Canada.

De son côté, la Société canadienne de la sclérose en plaques s'est associée à son homologue des États-Unis pour financer à la hauteur de 2,4 millions $ des études d'une durée de deux ans sur l'insuffisance veineuse céphalo-rachidienne chronique, des études qui pourraient par la suite mener à des protocoles d'essais thérapeutiques en Amérique du Nord.

Sylvain Gentes, pour sa part, ne comprend pas encore pourquoi le Canada se borne à ne pas commencer immédiatement les essais cliniques, ou même à envoyer les médecins se faire former à l'étranger pour commencer rapidement les opérations au Canada. «Il y a pas mal de guerre de crédibilité là-dedans, et bien d'autres guerres politiques et pharmaceutiques. Mais là où j'ai été opéré, ce n'est quand même pas le tiers-monde! C'est un hôpital doté d'une très haute technologie, et les résultats sont là. Je marche beaucoup mieux, j'ai retrouvé mon équilibre. Ma condition s'est transformée et je ne suis pas le seul», souligne-t-il.

M. Gentes, qui a déjà participé à sept Classiques de canots et couru l'Iron Man, se doute bien qu'il ne réussira jamais à refaire ces exploits sportifs, mais estime que de redonner aux personnes atteintes de la sclérose en plaques une qualité de vie est de loin une très grande victoire. «Je n'ai pas été capable d'occuper un emploi depuis 2009. Là, je pourrais retourner sur le marché du travail. J'ai même passé une première entrevue. Ma vie a changé. Il est temps qu'on se réveille et qu'on accélère les choses pour que d'autres puissent avoir la même chance que moi», lance-t-il.•