Des algues de glace découvertes au lac Saint-Pierre

Le professeur Jean-Jacques Frenette de l'UQTR.

Le phénomène des algues de glace est connu depuis plus d'une vingtaine d'années dans les milieux marins des régions polaires. Ce que les scientifiques ignoraient jusqu'à tout récemment, toutefois, c'est que des communautés microbiennes abondantes vivent aussi sous le couvert de glace fluviale, en eau douce.


Quelque recherches antérieure au lac Vostok, en Antarctique, au lac Baïkal, en Russie, et même dans les lacs de montagnes en Espagne avaient démontré la présence d'algues de glace en eau douce. Mais jusqu'à tout récemment, les chercheurs ignoraient qu'on en trouve aussi sous la glace des rivières et des fleuves.

C'est au lac Saint-Pierre, cet élargissement du fleuve Saint-Laurent, que la découverte a été faite par le professeur Jean-Jacques Frenette et son équipe du département de Chimie-Biologie de l'Université du Québec à Trois-Rivières.



Cette nouvelle connaissance permettra de mieux comprendre le rôle des communautés microbiennes dans le réseau trophique en eau douce.

Formé au départ en océanographie, le professeur Frenette raconte qu'il voulait faire cette enquête scientifique depuis déjà un bon moment. «Je me souvenais de cette histoire-là d'algues de glaces en milieu marin et je me suis toujours demandé ce qui pourrait empêcher d'avoir aussi des algues de glace en eau douce», dit-il.

Il faut dire que l'eau salée crée un phénomène qui lui est propre. Lorsque la glace se forme en milieu marin, le sel se sépare de l'eau, ce qui laisse dans le processus un nombre infini de petits canaux dans la glace. Ces canaux sont autant de niches pouvant être colonisées par divers micro-organismes.

Le professeur Frenette a constaté que ce même genre de canaux ont aussi été trouvés dans la glace des milieux d'eau douce. «Lors du processus de gel et de dégel dans l'eau douce il se crée un fractionnement par changement de densité de la glace qui met en place ces canaux. Ça crée un espace physique colonisable», explique le professeur Frenette.



Des recherches effectuées au lac Saint-Pierre, révèlent que la face inférieure de la couche de glace qui se forme en hiver est elle aussi tapissée d'une riche colonie de micro-organismes qui logent dans ces canaux verticaux minuscules de 1 à 5 millimètres de diamètre.

Pour le professeur Frenette, il s'agit là d'une découverte importante puisque la chaîne trophique qui se loge dans les interstices de la glace explique non seulement comment certains organismes plus gros arrivent à se nourrir en hiver, mais aussi comment est supportée la vie à son retour de la léthargie hivernale, au printemps.

«On croit que ces algues de glace non seulement supportent la vie pendant l'hiver, mais peuvent fort probablement contribuer à mettre en place les conditions de vie de l'eau libre. Donc, elles ont un rôle extrêmement important à jouer», explique le chercheur.

«Ce qui peut fort probablement se produire au printemps, c'est que lorsque cette glace-là fond, les organismes présents dans la glace sont libérés dans l'eau libre et peuvent servir de source d'ensemencement des communautés microbiennes qui vont passer l'été. Quand elles sont libérées dans le milieu, elles peuvent commencer à se multiplier», dit-il.

«Les algues qu'on a examinées à la microscopie, immédiatement après la fonte de la glace, étaient en parfaite santé», dit-il. Reste maintenant à déterminer dans quelle mesure les communautés de poissons dépendent de cette ressource.

Si l'on perd la couvert hivernal de glace à cause des changements climatiques «on perd un habitat» important, fait valoir le professeur Frenette.