La pauvreté n'a pas bougé en Mauricie

Réal Boisvert, agent de recherche à l'Agence de santé et services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, prenait la parole hier devant les intervenants au colloque organisé par le Consortium en développement social de la Mauricie.

La pauvreté n'a pas bougé en Mauricie. C'est le constat que faisait Réal Boisvert, agent de recherche à l'Agence de santé et des services sociaux de la Mauricie-Centre-du-Québec, devant les participants au colloque que tenait à Sainte-Flore le Consortium en développement social de la Mauricie, à l'occasion des 10 ans d'existence de l'organisme.


Ce constat arrivait en conclusion d'une présentation qu'avait faite le chercheur sur l'état des connaissances en développement social en Mauricie de 1998 à 2011 et où il soulignait l'importance de briser le carcan de la logique des paradigmes (modèles théoriques) par programme, élaboré en fonction d'un principe de reddition de comptes.

Rappelons que M. Boisvert est bien connu au Québec pour la mise au point d'un portrait des inégalités de santé et de bien-être en Mauricie, basé sur un fin découpage géographique et qui permet de dresser sous forme cartographique un profil sociosanitaire détaillé et nuancé de la région. Un modèle repris à plusieurs endroits au Québec.



C'est d'ailleurs ce découpage qui lui permet d'affirmer que la pauvreté ne quitte pas facilement un quartier, que ce soit à Trois-Rivières, Shawinigan, Louiseville ou La Tuque.

«Trois recensements sont passés et on constate que ça ne bouge pas. Il y a une prise de conscience à faire. Ce n'est pas parce que c'est comme ça que ça doit l'être de toute éternité», a-t-il déclaré, en rappelant qu'il existe des potentiels intéressants dans ces communautés, sur lesquels il faudrait tabler.

M. Boisvert observe qu'au cours des dernières années, les programmes sociaux qui ont été élaborés ont beaucoup insisté sur l'égalité des chances notamment en santé (gratuité) ou en éducation (prêt et bourse).

«On essaie d'accompagner les gens défavorisés en leur offrant de l'aide pour qu'ils s'accomplissent. Ça, c'est irremplaçable et il faut continuer. Mais quand on joue sur l'égalité des chances, celui qui en profite et qui réussit, que fait-il s'il vit dans un quartier qui est désintégré? Il déménage. Il va s'établir ailleurs. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on déplace les choses et qu'on reproduit toujours les mêmes territoires défavorisés.»



Pour cette raison, M. Boisvert avance qu'il ne faut pas tant jouer sur l'égalité des chances que sur les conditions du milieu pour offrir des opportunités aux gens sur place. Le chercheur illustre son propos par le projet Trois-Rivières sur Saint-Laurent voisin du quartier populaire Sainte-Cécile.

«S'il y a du développement de l'emplois, comme ce fut le cas sur le site de l'usine d'Angus (Montréal), offrons-les d'abord par des programmes de renforcement positif aux gens du quartier pour les aider collectivement à améliorer leur sort. S'ils le font collectivement, au lieu de détaler de leur milieu, ils vont réussir ensemble à l'améliorer. C'est comme ça qu'on va faire progresser notre région et briser le cercle des inégalités. Mais malheureusement, ce qu'on voit déjà dans ce secteur, c'est plutôt un phénomène de gentrification,» déplore-t-il. (Un mouvement de déplacement de la population plus pauvre aurait déjà commencé vers Sainte-Marguerite et Saint-François-d'Assise).

M. Boisvert admet volontiers qu'il y aura toujours des inégalités mais il croit qu'une approche comme celle qu'il préconise contribuerait «à lisser» un peu les disparités.

Le chercheur n'a pu s'empêcher de faire un lien avec les violents incendies survenus il y a quelques jours à Shawinigan dans le quartier Saint-Marc.

«Ça n'a pas changé du tout depuis longtemps (ce quartier). On y retrouve toujours les mêmes propriétaires non résidents qui n'entretiennent pas les loyers. Les gens qui habitent là ne peuvent développer une fierté d'appartenir à une communauté, une fierté qui rejaillirait sur leur estime d'eux-mêmes. C'est pour ça qu'on aura beau faire nos mises à jour des milieux dévalorisés, ça se reproduira invariablement», prédit-il.