L'ingénieur de Savoura n'avait aucune formation en biogaz

Une partie des installations qui alimentent les serres de Savoura en biogaz.

L'ingénieur embauché par les Serres du Saint-Laurent (Savoura) afin de concrétiser le projet de construction de 18 millions $ des serres alimentées aux biogaz, à Saint-Étienne-des-Grès, n'avait jamais reçu de formation ni jamais suivi de séminaire quelconque sur la question des biogaz.


Jacques Marchand n'a jamais demandé non plus à la direction de Savoura de lui permettre de suivre une telle formation.

Lorsqu'il a entrepris la coordination technique de tous les aspects de ce projet, de janvier 2007 à août 2009, M. Marchand, qui possède une formation en génie mécanique, explique avoir toutefois fait quelques lectures sur Internet à propos des endroits alimentés en biogaz, «des lectures qui ne permettent pas de devenir spécialiste», a-t-il précisé.



Ce dernier ajoute avoir tout de même acquis une bonne somme d'expérience en la matière au cours de son mandat.

C'est ce qui est ressorti du contre-interrogatoire, de l'ingénieur réalisé hier par les procureurs de la Régie de gestion de matières résiduelles de la Mauricie.

Jacques Marchand a été sur la défensive tout au long de son contre-interrogatoire au point où le juge Édouard Martin a dû lui demander à plusieurs reprises de laisser l'avocat poser ses questions. L'ingénieur a défendu bec et ongles ses décisions et celles des gens avec qui il a exécuté ce projet.

Répondant aux questions de Me Lahbib Chetaibi, M. Marchand expliqué qu'il n'avait pas été impliqué dans le choix des brûleurs aménagés aux serres de Saint-Étienne-des-Grès. Ce choix, rappelons-le, fait partie du litige qui oppose Savoura à la Régie.



Les équipements, a-t-il précisé, étaient d'ailleurs déjà sélectionnés au moment de son arrivée. «Il y avait un projet d'entente avec Van der Hoeven» (le fournisseur de serres de Savoura).

De toute façon, dit-il, «c'est comme lorsqu'on achète une auto. On ne se pose pas la question à savoir si on va pouvoir monter des côtes ou freiner», a-t-il plaidé.

Bien qu'il ait eu à superviser plusieurs contrats d'importance au cours de sa carrière qui s'est déroulée principalement dans le domaine des pâtes et papiers, M. Marchand a reconnu n'avoir jamais géré de projet clef en main comme celui de Savoura.

Document important

Me Chetaibi est revenu avec M. Marchand sur la fameuse question du taux de méthane dans le biogaz de la Régie qui n'était pas adéquat pour les équipements achetés par Savoura.

On se rappellera que Van der Hoeven avait demandé au président de Savoura, Jacques Gosselin, de connaître le taux de méthane dans le biogaz qui allait être brûlé dans ses chaudières.



M.Gosselin avait fait appel à la Régie pour avoir la réponse. La Régie lui avait alors envoyé un document de la firme Pluritec vieux de 2 ans dans lequel on pouvait lire que le taux de méthane était à ce moment-là de 51 %.

Cette donnée, rappelons-le, était cruciale pour le choix d'équipements adaptés à la combustion et à l'utilisation du biogaz.

Or, l'ingénieur de Savoura a reconnu qu'il n'en a pas vraiment fait de cas.

Jacques Marchand a expliqué qu'il a envoyé ce document à Van der Hoeven à la demande de M. Gosselin sans même le regarder. En fait, dit-il, il l'a envoyé par courrier électronique parce que M. Gosselin «n'utilisait pas d'ordinateur, donc pas le courrier électronique.»

M. Marchand explique qu'il était, à ce moment-là, au milieu d'une période très occupée de son travail. «L'ouvrage débordait», a-t-il raconté en ajoutant qu'il était le seul ingénieur de l'équipe pour réaliser ce projet de 18 millions $.

Il en est ressorti, dans cet interrogatoire, que l'ingénieur de Savoura ne connaissait pas les caractéristiques du biogaz au moment où Savoura a commencé à en brûler. «Je ne suis pas spécialiste en biogaz», a ajouté M. Marchand.

Interrogé sur divers aspects de son témoignage d'hier, Jacques Marchand a reconnu qu'il ne savait pas d'où provenaient les dépôts rouges qui sont survenus au démarrage dans les tuyaux de gaz de la Régie alors que lundi, il accusait le traitement du biogaz de la Régie d'en être responsable.

Contradictions



Le contre-interrogatoire a permis d'apprendre que le jour de l'explosion la plus importante dans les chaudières de Savoura, le 23 février 2009, les tuyaux avaient été purgés par les mécaniciens de Savoura alors que ce travail avait déjà été fait par un employé de la Régie, mais le témoignage des deux mécaniciens, au cours de l'enquête interne qui a suivi, étaient contradictoires.

«On n'a pas pu conclure sur les causes réelles de l'explosion», a résumé Jacques Marchand.