C'est ce qu'est venue dire Denise Dubreuil, intervenante en alcoolisme/toxicomanie et jeu pathologique depuis plus de 30 ans, aux participants du 38e colloque de l'Association des intervenants en toxicomanie du Québec, qui se déroulait mardi, au Centre des congrès de Trois-Rivières.
«Je suis tellement contente qu'on aborde enfin cette question, a-t-elle confié en entrevue au Nouvelliste. Les personnes âgées ont été oubliées dans les statistiques. Mais les boomers s'en viennent et les gens se réveillent. Les maisons de thérapie commencent à s'intéresser au phénomène et à adopter des approches spéciales.»
Les intervenants sont en effet de plus en plus conscients des problèmes de dépendance chez les personnes âgées.
Or, insiste Mme Dubreuil, l'intervention auprès de cette clientèle doit générer un mieux-être et l'espoir de meilleures conditions de vie tout en tenant compte des besoins, des capacités et des limites spécifiques aux aînés.
Car l'isolement, l'ennui, le veuvage, la perte de capacité et la maladie, sans oublier la vente de sa maison, sont souvent la cause d'un état dépressif menant à des problèmes de consommation ou de jeu compulsif.
Mais comment rejoindre ces personnes, comment gagner leur confiance et enfin comment les motiver à poser des gestes qui amélioreront leur qualité de vie?
Là réside le défi car tout reste à faire en ce domaine, insiste Mme Dubreuil. Cette dernière note en effet que les recherches portant spécifiquement sur cette question n'ont pas encore été faites, si on excepte quelques rares études américaines.
«Quand on a été élevé en se faisant répéter que l'alcool rend l'homme semblable à la bête, on comprend que les personnes âgées, honteuses, n'abordent pas facilement cette question avec leur médecin... et encore moins avec de jeunes médecins, note-t-elle. Pour arriver à les faire parler, il faut prendre du temps, adopter une autre stratégie, plus indirecte. Mais dans un cabinet de médecin, on ne dispose souvent que de 10 minutes.»
Mme Dubreuil enrage d'entendre le personnel médical ou des membres de la famille dire qu'il faut être indulgent avec une personne âgée aux prises avec un problème d'alcool, sous prétexte «que c'est son seul plaisir».
L'alcool, note-t-elle, produit des effets différents chez les aînés dont le corps contient moins d'eau et élimine moins. Les conséquences sur leur cerveau peuvent aussi conduire à la dépression... sans compter le risque accru de chutes à domicile et de fracture.
Et il faut aussi être conscient qu'une personne âgée qui consomme trop d'alcool avale aussi souvent un nombre impressionnant de médicaments. Un cocktail très dangereux.
«Alors, comment amener cette personne à se confier? Je pense qu'il faut prendre le temps de parler de tout et de rien avec elle et ainsi, au fil de la conversation, on apprend bien des choses. Comme les remarques que peut faire un mari ou un enfant sur sa consommation par exemple.»
Mme Dubreuil insiste, une personne âgée peut changer car son cerveau est apte à apprendre jusqu'à la fin de sa vie, à la condition qu'on tienne compte des changements qui se produisent avec l'âge.
À ce sujet, elle aime bien citer son propre exemple en soulignant que si elle fait toujours beaucoup de choses, elle a dû se résigner à en faire une seule à la fois.