En effet, dans sa rubrique «Avis et prises de position», le conseil remet en question l'idée de ne préserver que le bâti de 1742, comme la Ville se propose de le faire.
Tout en saluant l'intérêt de la Ville de Trois-Rivières de se porter acquéreur du Manoir des Jésuites de Cap-de-la-Madeleine, propriété des Oblats, le conseil des monuments dit avoir été très étonné lorsqu'il a pris connaissance du projet d'en faire une reconstitution historique, préservant uniquement le bâti de 1742 et négligeant tous les apports successifs, «niant ainsi l'évolution du bâtiment, son histoire et son adaptation aux besoins du milieu.»
Rappelons que la Ville a fait savoir qu'elle veut démolir les étages supérieurs pour ne conserver que le rez-de-chaussée sur lequel serait posé un toit à double versant. Cette décision serait justifiée par l'urgence d'agir et parce qu'on considère que l'ajout a dénaturé la substance ancienne et l'authenticité de l'oeuvre.
Le CMSQ, lui, prétend au contraire qu'avec le rehaussement de 1903 dans le style Second Empire, l'aspect actuel du bâtiment est harmonieux et élégant. Il note par ailleurs, que l'intégrité du rez-de-chaussée de 1742 est conservée.
«Ce bel exemple de transformation et de densification du milieu bâti met en valeur les deux époques de construction et illustre la popularité et la fréquentation croissantes de Cap-de-la-Madeleine au XXe siècle, lit-on dans l'avis. Les traces de son évolution font maintenant partie intégrante du bâti d'origine et contribuent grandement à sa valeur patrimoniale, comme l'ont démontré l'étude de la firme Patri-Arch (1999) et la citation municipale (2001).»
Le CMSQ insiste, reconstituer un bâtiment à une étape de son histoire et nier son évolution ne correspond pas à la pratique actuelle de conservation du patrimoine, même si cette approche a connu son heure de gloire dans les années 1960-70.
«Elle est maintenant proscrite ici comme ailleurs, rappelle-t-on. Les grands principes de préservation du patrimoine encouragent plutôt une mise en valeur du bâti qui tient compte de son évolution. Ils conseillent de limiter les interventions de démolition aux seuls ajouts non significatifs et non cohérents pour l'ensemble.»
Or, le Conseil des monuments et des sites considère que l'addition de 1903 est tributaire de l'histoire du lieu et qu'elle reflète bien les tendances architecturales et fonctionnelles du début du XXe siècle.
«La volumétrie actuelle du bâtiment ouvre la porte à de nombreuses requalifications et une intervention visant à réduire son volume ne contribuerait d'aucune façon à simplifier ce processus», prend-on soin d'ajouter.
Le conseil enfonce davantage le clou en rappelant que la firme Patri-Arch a aussi clairement laissé savoir dans son rapport que «retourner à la volumétrie originelle d'un étage serait très coûteux, en plus d'aller à l'encontre des grands principes de restauration.»
Comme si ce n'était pas assez, on ajoute que «plusieurs collaborateurs experts du Conseil des monuments et sites du Québec abondent en ce sens et s'interrogent sur les coûts d'une telle intervention.»
Cette position très claire du CMSQ n'est pas sans rejoindre celle qu'a défendue Jean Roy, président de la Corporation du Manoir des Jésuites.
Tout en se réjouissant de cet avis du CMSQ, M. Roy a déploré à nouveau le manque de transparence de la Ville de Trois-Rivières dans ce dossier.