L'homme qui avait un beau train de vie déclarait pourtant ne pas avoir de revenus. Après deux réponses négatives à ses demandes de prestations, Thibodeau obtenait enfin ce qu'il voulait au printemps de 1998. Il a ainsi volé aux contribuables plus de 100 000 $ dont près de 74 000 $ pour lesquels il s'est reconnu coupable hier au palais de justice de Trois-Rivières.
Le reste du montant faisait déjà l'objet d'obligations de remboursements pour de l'argent touché en trop dans un autre dossier. En vertu d'ententes prises avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, il devra rembourser sa dette sur une période de plus de 30 ans.
C'est à partir d'informations obtenues du public que les enquêteurs de l'aide sociale se sont intéressés de près aux affaires de Robert Thibodeau. Ils ont ainsi constaté qu'il avait un atelier professionnel au sous-sol de sa résidence du 251 de la rue Launier où il fabriquait des armoires de cuisine et de salles de bain. Ils ont aussi remarqué que l'individu avait deux véhicules et une remorque professionnelle.
En menant une perquisition chez lui, ils ont recueilli plusieurs documents, notamment des factures, démontrant que son travail le faisait très bien vivre. Il y a deux ans, il a ainsi facturé des services pour environ 150 000 $. Il a également été propriétaire de deux maisons et se servait de prête-noms pour ne pas éveiller les soupçons des enquêteurs du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale.
Me Maxime Chevalier, le procureur aux poursuites criminelles et pénales spécialisé dans les crimes économiques, a mentionné au juge Jacques Lacoursière que l'accusé dirigeait une entreprise à pleine échelle, ses revenus annuels démontrant qu'il se tirait très bien d'affaire. Me Jules Ricard, l'avocat de Thibodeau, a souligné pour sa part au président du tribunal qu'il ne pouvait offrir de défense dans ces dossiers, la preuve parlant d'elle-même.
Harcèlement
Robert Thibodeau a réglé par ailleurs un dossier en matière de harcèlement envers une ancienne compagne et un autre de conduite dangereuse. Frustré d'avoir été délaissé par cette compagne, Thibodeau s'est livré à du harcèlement systématique à son endroit.
Il surveillait constamment ses allées et venues. Il s'en est pris par ailleurs à un ami de celle-ci. Il s'est livré à des manoeuvres dangereuses en le suivant avec son véhicule. C'est finalement la police qui a réussi à le maîtriser. Selon son ancienne compagne, la vie était devenue intenable.
Un rapport pré-sentenciel préparé par le service de probation a démontré que Robert Thibodeau se voyait davantage comme une victime et n'avait aucune empathie envers cette femme. Il avait un peu la pensée magique. Et le risque de récidive en matière de harcèlement semblait toujours présent.
Une peine sévère
Robert Thibodeau n'a attiré aucune sympathie de la part du juge Lacoursière. Ce dernier a d'ailleurs dit on ne peut plus clairement «...vous avez volé tout le monde, notamment tous ceux qui sont dans cette salle d'audience». Ajoutant que les prestations d'aide sociale étaient destinées aux plus démunis de notre société, le juge a fait remarquer à l'accusé qu'il avait volé l'État.
«Vous vous êtes rempli les poches», a-t-il souligné avant de donner suite à la suggestion commune des procureurs pour une sentence de 21 mois de prison ferme (il devrait purger le tiers avant de devenir éligible à une libération conditionnelle).
Près d'un milliard $ en 10 ans
Les fraudes à l'aide sociale ont coûté près d'un milliard $ au gouvernement québécois depuis 2000. Le Québec compte 370 000 prestataires pour une facture de 3 milliards $ par année.
Par ailleurs, le travail au noir représente plus de 900 millions $ en pertes fiscales annuellement au Québec.