La miraculée rencontre ses sauveurs

Karine Boudreau, à gauche, est entourée de ses trois sauveurs, Guillaume Labbé, sa soeur Marie-Josée et Carl Desrosiers.

La miraculée, c'est le surnom accolé à Karine Boudreau, 30 ans, depuis qu'elle a échappé à une mort subite en juin dernier. Vite remise sur pied, sans l'ombre d'une séquelle, la Trifluvienne ne conserve qu'un défibrillateur comme souvenir de cette épreuve qui, habituellement, ne pardonne pas.


Plus souvent observée chez le nourrisson ou le sportif, la mort subite se définit comme un décès imprévisible dans les 24 heures qui le précède, sans cause accidentelle apparente.

Il y a une semaine, Karine a souhaité rencontrer ses deux sauveurs, les ambulanciers Carl Desrosiers et Guillaume Labbé qui sont parvenus à la réanimer, histoire de leur lever son chapeau.

Plus d'un mois après les événements, l'émotion était palpable.

«Ce qui est ingrat, c'est que je ne me souviens de rien. Je pensais que j'étais à l'hôpital pour une grippe», dit-elle d'emblée, rayonnante.

Carl et Guillaume n'ont pas tardé à s'informer sur sa santé... et sur l'état de ses pieds.

C'est que la mère de la jeune femme, Johanne Paris, les avait prévenu de leur faire attention, au moment où sa fille quittait en ambulance.

«Dans le contexte, ça a sorti comme ça, justifie en riant, Mme Paris. «Aujourd'hui on peut en rire, heureusement», enchaîne Carl Desrosiers.

Le 24 juin, Karine croyait faire une indigestion lorsqu'elle s'est couchée après avoir fait des boîtes pendant toute la journée, en vue de son déménagement.

N'eût été sa soeur Marie-Josée qui veillait sur elle, l'arrêt cardiaque qui l'a foudroyé vers 22 h aurait pu être fatal.

Suivant les conseils de la téléphoniste du 9-1-1, sa soeur a pratiqué un massage cardiaque qui aura duré 126 longues secondes avant l'arrivée des ambulanciers, se rappelle cette dernière.

Carl et Guillaume, de la Coopérative des ambulanciers de la Mauricie, soulignent le petit miracle qui a probablement aidé Karine à s'en tirer: ils se trouvaient à tout au plus quatre minutes de l'appartement qu'elle occupait quand ils ont été appelés à se rendre sur les lieux.

Sur place, ils racontent l'avoir défibrillée sans succès à six reprises, le maximum étant de 9, avant de l'extirper de l'immeuble à logements.

Les 6 pieds 3 de la jeune femme ont d'ailleurs compliqué la tâche des paramédics et des policiers.

Après une septième défibrillation, le coeur de Karine «est redevenu le chef d'orchestre», dixit M. Desrosiers.

«On est super contents, il ne pouvait pas avoir meilleur scénario. On n'a rien fait d'extraordinaire, on a fait la même chose que si ça avait été notre soeur ou notre mère», estime l'ambulancier qui a trois années de service à son actif.

Les deux hommes ont tenu à réaliser le transfert de la trentenaire au Centre hospitalier de l'Université Laval (CHUL), à Québec.

«On a expliqué à notre supérieur que c'était notre cas et qu'on voulait le suivre jusqu'au bout», partagent-ils.

Fait exceptionnel, la femme a déjoué tous les pronostics des médecins, qui répétaient à sa famille qu'elle serait lourdement affectée si elle réussissait à tenir le coup pendant la nuit.

Même en étant suivie régulièrement par un corps médical, les causes de son malaise demeurent inconnues.

Le facteur génétique est toutefois écarté, puisque les problèmes de santé de son père, qui est récemment décédé des suites d'une crise cardiaque, découlaient de mauvaises habitudes de vie.

«C'est ça qui est épeurant, c'est de ne pas savoir», laisse tomber sa mère, émue.

Karine Boudreau a donc accepté d'être l'un des sujets d'une étude pancanadienne de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, qui se penche notamment sur les cas de personnes ayant évité une mort subite.

«Ça a toujours l'air irréel, mais j'ai le défibrillateur pour me le prouver. Je suis contente d'être là, je leur suis tellement reconnaissante», déclare la conseillère en rééducation en milieu scolaire.

Habituée à un train de vie plutôt effréné, tiraillée entre le boulot et le doctorat en psychologie, elle constate désormais qu'il vaut mieux profiter du moment présent.

«Je me mets des limites et je vais me donner du temps pour l'instant.»

De leur côté, les deux ambulanciers s'accrochent à l'histoire de Karine pour oeuvrer avec la même ardeur.

«Ce qu'on a fait, c'est notre quotidien. On n'a pas changé la recette parce qu'elle avait 30 ans. On n'est qu'un maillon de la chaîne, il faut remercier toute l'équipe médicale», font-ils valoir avec modestie, en rappelant qu'une formation en RCR peut sauver une vie.