«Je me trouve en prison ici», illustre Claude Carrier, qui est ni plus ni moins confiné à résidence depuis qu'il a été privé de ses jambes à cause de complications liées à son diabète.
Sa soeur, Geneviève Carrier, lui a installé un lit et un pot d'aisance dans le salon, car les cadres de porte menant aux autres pièces ne sont pas assez larges pour laisser passer son fauteuil roulant. Il ne peut pas se laver seul, car il y a trop de risques qu'il tombe dans la douche, qui n'est pas adaptée.
Claude et Geneviève Carrier frémissent à l'idée que ce cauchemar puisse durer plus d'un an. C'est pourtant le délai auquel les Shawiniganais qui acheminent une demande au Programme d'adaptation de domicile (PAD) peuvent s'attendre présentement.
Ce programme, administré conjointement par la Société d'habitation du Québec (SHQ) et la Ville, permet aux personnes à mobilité réduite de se faire rembourser une grande part des dépenses encourues pour adapter leur logis à la vie en fauteuil roulant.
Pour souscrire à ce programme, les bénéficiaires doivent établir un plan de modification du domicile, avec un ergothérapeute, qu'ils font parvenir à la SHQ pour approbation.
L'organisme transmet ensuite les dossiers approuvés à la municipalité, chargée de faire sanctionner les modifications par un architecte après une visite des lieux.
Les bénéficiaires peuvent dès lors engager les travaux avec la garantie d'être remboursés dans les proportions prévues par la SHQ.
Or, l'architecte mandatée par la Ville de Shawinigan pour approuver les plans de modification était en congé de maladie depuis avril dernier, avant de revenir au travail plus tôt cette semaine. Elle oeuvre au sein de la firme d'ingénieurs-conseil Roche.
Depuis avril, quatre nouvelles demandes d'approbation des plans de modification ont été acheminées, selon les informations obtenues auprès de la SHQ. Deux autres devraient être déposées sous peu par le CSSS de l'Énergie.
Dans une lettre ouverte publiée en nos page le 22 juillet dernier, Geneviève Carrier dénonçait cette situation et interpellait la Ville de Shawinigan pour que l'architecte soit remplacée afin de ne pas ralentir le processus.
«99,9 % des architectes sont capables de faire la job, déplore Claude Carrier. C'est pas la construction d'un barrage hydroélectrique, c'est la modification d'une maison!»
D'ailleurs, sa soeur Geneviève, diplômée en dessin de bâtiment, a déjà fait les plans.
«On ne peut pas commencer les travaux avant l'approbation finale, car on ne sera pas remboursés», explique celle qui a déjà assumé les frais de la rampe d'accès qu'elle a ajoutée à la maison.
«L'absence temporaire de notre architecte n'a pas ralenti le processus de façon significative», assure toutefois le porte-parole de Roche, Jacques Thivierge, qui souligne que le traitement des dossiers en attente reprendra rondement.
Une personne a d'ailleurs été embauchée depuis pour faire le suivi des dossiers.
D'autres architectes du bureau shawiniganais de la firme sont aussi intéressés à acquérir les connaissances nécessaires - qui ne sont pas aussi anodines qu'on pourrait le croire, réplique Jacques Thivierge - pour se pencher sur ce type de dossier.
«Ils disent toujours qu'ils veulent garder les gens à domicile le plus longtemps possible. Mais qu'ils nous aident!» décrie Geneviève Carrier, qui souligne que certaines modifications de sa résidence ne seront pas couvertes par le programme sous prétexte qu'elle vivra dans la même maison que son frère.
Claude Carrier et sa soeur devront donc, à l'instar de tous ceux qui appliquent au programme PAD, prendre leur mal en patience.
Trente-cinq demandes d'adaptation de domiciles sont présentement à une étape ou une autre du processus sur le territoire du Shawinigan.
La SHQ confirme que les délais d'un an ou d'un an et demi ne sont pas anormaux.
«C'est du cas par cas, affirme le porte-parole, François Simard. Dans certain cas, les gens se désistent ou modifient les plans en cours de route. C'est certain qu'il y a plusieurs intervenants dans le processus, mais à chaque étape, ils font preuve de diligence.»
guillaume.jacob@lenouvelliste.qc.ca