Le missionnaire Oblat est arrivé à Trois-Rivières dans la nuit de mardi à mercredi. Ces dernières semaines, sans relâche, il est venu en aide aux victimes du tremblement de terre. Le père Joseph Charles était sur place pour prier et chanter avec eux. Pour lui, il ne fait aucun doute que la foi peut soulager les plaies intérieures et donner le courage de tout rebâtir.
«L'événement du 12 janvier est porteur d'espérance pour le peuple haïtien», affirme-t-il à plusieurs reprises, conscient que les images du séisme nous laissent penser le contraire.
Le prêtre se trouvait déjà en Haïti lorsque le tremblement de terre a frappé. Il était dans sa communauté d'origine, Ouanaminthe, une ville située à la frontière de la République Dominicaine où, d'ailleurs, habitent toujours sa mère et plusieurs de ses huit frères et soeurs.
Ouanaminthe n'a pas été durement touchée par le séisme, mais pour le père Joseph Charles, c'est tout un pays qui été affecté par les innommables secousses.
Il explique que plusieurs des habitants de Port-au-Prince sont retournés en province, dans leurs villes d'origine qui n'ont pas les infrastructures pour accueillir ce flot de réfugiés.
«Ça crée une pauvreté sans nom, une situation catastrophique», raconte le père Joseph Charles dont la propre mère a accueilli plusieurs personnes, à commencer par une famille de quatre personnes qui n'avaient aucun endroit où aller.
«Ces gens sont restés un mois et demi à la maison. On ne pouvait pas leur dire de partir. Ils seraient allés où? Ils n'avaient rien», rappelle-t-il en décrivant cette expérience de très humaine, où aider son prochain prend tout son sens.
D'ailleurs, le prêtre est fier de préciser que les 3000 $ qui ont été amassés lors de la quête de la célébration spéciale du 13 février dernier, à la basilique, ont déjà été distribués auprès d'Haïtiens en quête d'eau, de nourriture et de soins.
Le père Joseph Charles s'est également rendu à Port-au-Prince qui est toujours sens dessus dessous.
«Presque trois mois après le tremblement de terre, les décombres sont encore là et les corps sont toujours sous les décombres. C'est une situation d'insalubrité terrible», laisse tomber le père Joseph Charles.
Cet homme a lui-même été durement éprouvé par la perte de collègues séminaristes morts dans un autobus qui s'est retrouvé écrasé sous le Centre de l'inter-institut de formation religieuse (le CIFOR).
«Trois jours plus tard, nous les entendions toujours crier à l'aide. Nous étions-là, mais incapables de les sauver», avoue le religieux dont les origines haïtiennes - «Nous sommes un peuple marqué au fer rouge» - lui permettront d'assumer la douleur que ravivent pareilles scènes.
«Haïti, c'était le chaos avant le séisme, pendant, après et maintenant», expose-t-il sans détour. «Je viens de quitter un peuple écrasé, épuisé et déclassé, mais qui continue d'espérer à travers les épreuves», persiste et signe le religieux de 40 ans qui fait partie de l'équipe d'animation du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap depuis 2003.
«L'événement du 12 janvier nous donne l'occasion de nous ressaisir, de nous conscientiser, de comprendre et de reconnaître que dans tout cela, Dieu nous invite au dépassement, au changement», proclame celui qui allègue que chaque Haïtien est aujourd'hui appelé à ne plus être l'esclave de lui-même.
«Ce sont les Haïtiens qui doivent absolument prendre la destinée du pays, pour le sortir du marasme», affirme-t-il dans un élan.
La pauvreté aux multiples visages
Le 11 février dernier, à Ouanaminthe, en Haïti, le père Joseph Charles s'est retrouvé dans un vaste lieu à ciel ouvert, devant 22 000 hommes, femmes et enfants qui étaient venus prier et chanter avec lui. Malgré le chaos.
Le 18 mars dernier, à la demande de la communauté haïtienne établie à New York, le prêtre quittait momentanément son pays dévasté pour célébrer une messe de requiem à l'église Notre-Dame-des-Miracles, à Brooklyn.
«J'ai rencontré des gens qui n'ont pas eu la chance de voir leurs parents et leurs enfants disparus, et qui étaient inconsolables avant la cérémonie», raconte celui qui a su trouver les mots pour les aider à trouver, malgré la brutalité du deuil, une certaine sérénité.
«Ils m'ont dit: Dieu fait partie de notre vie, de notre histoire», ajoute-t-il avec émotion.
Aujourd'hui, à 15h, à la basilique du Cap, le père Joseph Charles présidera la célébration de la Passion du Christ avec ceux et celles pour qui la foi prend tout son sens à travers les épreuves.
Joseph Charles est établi à Trois-Rivières depuis 2003. L'homme sourit en admettant qu'il n'y a pas si longtemps, ce sont les missionnaires canadiens qui se rendaient en Haïti pour évangéliser les pauvres.
«Il manque de vocation dans les pays industrialisés. Il y a une perte de valeurs morales et religieuses», décrit le religieux qui ne juge pas cette situation. Selon lui, elle invite plutôt à une prise de conscience.
«Les faits sociaux sont là. Les faits religieux aussi», souligne le prêtre avant d'ajouter que pour garder l'Église au sein du peuple, il faut tenir compte de la réalité du peuple.
Or, si en Haïti, évangéliser consiste avant tout à donner à boire et à manger aux plus pauvres, au Québec, l'évangélisation se fait d'abord auprès de personnes qui ont mal sur le plan psychologique et spirituel.
«Je rencontre souvent des jeunes qui cherchent un sens à leur vie. Ils viennent au sanctuaire pour causer. Ils cherchent Dieu», rapporte le religieux qui rencontre aussi des gens plus âgés qui disent se sentir abandonnés par leurs proches supposément trop occupés.
«Ces gens sont pauvres même s'ils ont à manger. Ils sont en manque de la présence d'un être cher», constate le père Joseph Charles qui profitera aujourd'hui de la célébration de la Passion du Christ pour rappeler que la pauvreté peut prendre la forme de multiples visages.